mise à jour le 26
Décembre 2005
LA GRAVITATION À
L'ÉPREUVE DE L'ESPACE
CONFÉRENCE - DÉBAT
Organisée par le
CNES et l'ONERA
Dans le grand
auditorium du CNRS, à Paris, France
Le Jeudi 15 Décembre 2005 à 20H00
Photos : JPM pour
l'ambiance.
Texte Roland
Querry et JPM
BREF COMPTE RENDU
Conférence-débats
animée par Fabienne Chauvière,
journaliste à France Inter
Le sujet du débat
de ce soir est la discussion de la mission Microscope
qui doit être lancée pour tester le principe
d'équivalence de la relativité générale, cela revient à une expérience
d’une chute libre, qui va durer presque un an, en orbite autour de la Terre.
Détails au cours
de la discussion.
De gauche à droite
sur la photo :
Sylvie Léon-Hirtz, responsable du programme « physique
fondamentale » au CNES.
Serge Reynaud, directeur de recherche au CNRS, directeur
du groupe de recherche « Gravitation & expériences dans
l’espace ».
Fabienne
Chauvière, animatrice et
journaliste à France Inter.
Pierre Fayet, directeur de recherche au CNRS &
membre correspondant de l’Académie des Sciences.
Pierre Touboul, directeur du département « mesures
physiques » de l’ONERA, responsable de la mission microscope.
Jean-Bernard Dubois, chef du projet Microscope au CNES
Public
attentif pour un sujet complexe et passionnant.
D'abord
que veut dire Microscope? C'est l'acronyme de
MICRO
Satellite à traînée Compensée pour l'Observation du Principe d'Equivalence.
Tous
ces termes vont s'expliquer au cours de la discussion.
Mais
rappelons nous ce qu'est le principe
d'équivalence de la Relativité Générale, il a été amorcé par notre ami
Galilée.
Il
n'y a pas de différence entre la masse d’inertie ou inertielle (résistance d’un
corps à l’accélération) et la masse pesante ou grave (qui détermine son poids
dans un champ de gravité), c'est le principe d'équivalence en relativité
générale.
Cela
signifie que l'on ne peut pas au moins localement distinguer entre une force de
gravitation et une force d'accélération :pensez à l'expérience de l'ascenseur
auquel on coupe la corde d'attache (ne pas reproduire!!) , à l'intérieur la
pesanteur est annulée (jusqu'à l'arrivée un peu rude!!) comme si on était dans
l'espace.
On
peut aussi dire cela autrement : les objets tombent à la même vitesse (dans le
vide), c'est la fameuse expérience de Galilée à la Tour de Pise (qui est
probablement un mythe).
PF : Cette mission a pour but de tester le
Principe d’équivalence de la RG.
JBD : Il s’agit d’un micro-satellite à traînée
compensée pour l’observation du principe d’équivalence.
SR : Le principe d’équivalence correspond à
l’universalité de la chute libre, déjà démontré par Galilée.
PT : En tant qu’expérimentateur, je voudrais
dire que nous allons mesurer la gravitation à 10-15 g près, pour
donner une image de cette précision, cela correspond, pour un cycliste, à un
freinage de quelques millions d’années, sur une distance de 10 fois la distance
Terre-Soleil. Pour effectuer cette expérience , on reprend l’idée de Galilée, à
savoir : la chute libre de deux corps de densités différentes, ayant une
orbite terrestre identique, ce sont des cylindres concentriques, qui doivent
être soumis tous deux au même champ de gravité (jeux d’électrodes, pièces en
silice, résolution subatomique : 10-11 m). Ce sont des
accéléromètres platine et titane. L’ONERA est responsable du développement de
la charge utile, le CNES du micro-satellite.
(Pierre
Touboul et JB Dubois nous expliquent les principes)
SR : Les expériences faites par Galilée ont été
réalisées avec des plans inclinés et des pendules (Musée de l’Histoire des
Sciences de Florence). Ce choix du plan incliné est justifié par le fait que
les mouvements sont plus lents et la résistance de l’air plus faible ;
quant au pendule, c’est une chute libre à répétition, qui permet d’obtenir de
bonnes précisions au cours des observations. Avec Microscope nous allons avoir une chute libre qui va durer presque une année.
Galilée a décrit le mouvement uniformément accéléré. Newton parle de l’identité
entre gravité et inertie, il refait toutes les expériences de Galilée, en
comparant plus de corps différents que Galilée. Galilée atteignait une
précision de l’ordre de 1%, Newton le 1/1000, puis 1 pour 100 millionièmes avec
Einstein, aujourd’hui 10-12, une partie pour un million de millions
et Microscope 10-15.
PT
: Une chute libre depuis
la tour Eiffel dure 8 secondes, dans une
tour à Brême de 120m de haut, durée de chute de 4,7 s. Expérience des
astronautes américains sur la lune qui lâchent une plume et un marteau qui
arrivent au sol en même temps a été vue par des millions de téléspectateurs.
SLH : L'espace est un nouvel environnement pour
faire des expériences de physiques.
Microscope
va effectuer une mesure sur 120 orbites à 700 km de la Terre.
JBD : En ce moment on termine la conception du
satellite qui sera construit à Toulouse, on devrait dire plutôt mini-satellite,
car les masses d’épreuve sont comprises entre 500 g et 1,5 kg, le poids du
satellite sera d’environ 200 kg pour un volume d’un mètre cube. Il faut le concevoir
autour de son instrument, il faut démontrer l’exactitude de la mesure qui sera
effectuée, il faut aussi caractériser l’environnement.
Il
faut trouver la bonne orbite, ni trop loin, ni trop près de la Terre,
déterminer le plan par rapport au Soleil, son inclinaison, etc…
Il
doit être exposé continuellement au Soleil, à 710 km l’orbite est soumise à une
traînée de l’atmosphère, mais aussi à la pression de radiation de la Terre et
du Soleil, aux réflexions…
On
compense la traînée par 12 propulseurs électriques
à effet de champ (ions de Césium projetés par une fente de un micron de large à
des vitesses de 100 km/s) qui délivrent des poussées de 0 à 150 micro-Newton en
continu. Il faut aussi annuler les accélérations non-gravitationnelles. Il faut
orienter le satellite autour de son centre de masse grâce à un senseur. La
température doit être maintenue constante au milli-Kelvin près, effectuer un
découplage d’enceintes, résoudre les problèmes de pointage vers le centre de la
Terre (mieux que l’arc seconde à la vitesse qui nous intéresse). Il faut aussi
tenir compte du champ magnétique pour contrôler l’attitude du satellite.
Si
la gravité est constante, ça va, si elle est différentielle, il y aura un effet
décelable au cours du temps, entre les deux masses d’épreuve. Les câbles sous
l’effet du champ magnétique provoquent des forces de Lorentz, il faut réfléchir
au circuit de câblage, et aux contraintes thermiques autour des masses
d’épreuve. Il faut la précision du 1/10 de micron pour l’usinage des masses d’épreuve,
leur distance est de 20 microns seulement, elles seront en suspension
électrostatique
Le
CNES est le maître d’ouvrage, l’ONERA s’occupe de la charge utile
(l’instrument). L'OCA
département Gemini traite les données, ce projet s'effectue en coopération
avec l'Allemagne : l'université de Brême et le fameux PTB. L'ESA fournit les
micro propulseurs.
Le
choix du Platine et du Titane est justifié par leurs caractéristiques atomiques
différentes, c’est important dans le cas de découverte éventuelle d’une
nouvelle interaction fondamentale, mais aussi, coefficient de dilatation
faible, vieillissement des matériaux, peu sensibles aux effets magnétiques, et
usinables facilement.
Il
y a deux accélérateurs différentiels, l'un équipé de masses identiques et
servant à caractériser les perturbations (la traînée atmosphérique et la
pression de radiation sont 10.000 fois plus importante
que le signal à mesurer) et donc à les corriger par un système
d'asservissement; et l'autre de deux masses de nature différente (Ti et Pt)
testant le principe d'équivalence et donnant éventuellement un signale de
violation.
On
voit ces masses d'épreuve (cylindres emboîtés) en arrière plan de la photo ci-contre.
Pour
l’instant lancement probable de Microscope en 2009
sur une plate-forme
Myriade du CNES, peut-être de Baïkonour avec les premiers résultats 2 ans
après, un an de mesures et au moins un an de traitement des données.
Que cherche t on
dans ces violations éventuelles : des forces supplémentaires à longue portée
qui permettraient de valider des théories concurrentes à la relativité
générale.
Comme l'a dit un
intervenant : la RG ne sera pas là pour toujours.
Le CD
diffusé à la fin de la séance
(pour ceux qui étaient au courant!) est extraordinairement
bien fait et fait parfaitement le tour du problème et accessible à tous.
Il peut être demandé auprès du CNES à : cecile.perol@cnes.fr , je pense que même si vous n'avez pas
participé au Quiz de fin de séance vous pourrez l'obtenir.
POUR
ALLER PLUS LOIN
Le site de Microscope au CNES.
Le site de Microscope à l'ONERA.
De Jean Bernard
Dubois un article récent format pdf de 22 pages 1,5MB : Microscope
: un satellite aux multiples défis
Des journées
scientifiques de l'OCA de Janvier 2005 : présentation
du projet Microscope; 1MB format pdf 21 pages , bien fait.
De Manuel Rodrigues de l'ONERA un article
un peu plus ancien de 23 pages pdf
3,2MB :
Accéléromètres
différentiels électrostatiques pour la mission MICROSCOPE
La RG pour débutant 67
pages pdf : il y a quand même un peu (beaucoup) de mathématiques.
Bon ciel à tous
Jean Pierre Martin