mise à jour le 28
Janvier 2006
CONFÉRENCE
"LA VIE ET LE TRAVAIL DANS L'ESPACE"
Par JEAN
FRANÇOIS CLERVOY
de l'ESA, astronaute
98 bis Av Arago,
Paris 14 ème
le mardi 10 Janvier 2006
Photos : JFC merci
à lui et à la NASA/JFC
Texte : de Roland
Querry merci à lui aussi, n'ayant pas pu assister à cette conférence moi même
BREF COMPTE RENDU
La conférence a consisté à la
projection d’un film, commenté par JFC
JFC a effectué
trois vols en 1994, 1997 et celui dont il parle le STS 103 en 1999, son
troisième vol à partir de Discovery, il est en charge de l’équipage, le but de
l’opération est la réparation de Hubble, qui a perdu fin Mars 1999 le
fonctionnement de son 3ème gyroscope sur 6, gyroscopes qui lui
permettent de connaître son orientation par rapport aux étoiles. Ces modèles
sont très précis, Hubble a besoin du fonctionnement de 3 d’entre eux au
minimum, pour être opérationnel, il utilise également des systèmes de senseurs
plus fins appelés FGS. Il était prévu par la NASA une visite d’entretien en
2000, lorsque le 3ème gyroscope est tombé en panne, il a été décidé
d’effectuer le vol un an plus tôt que prévu : mission décidée en Mars pour
un take-off en Septembre-Octobre de la même année.
JFC a été convoqué
par son supérieur avec un de ses collègues de T-38 (un jet!), on
lui a invoqué un airmiss (compte rendu d’une plainte déposée à l’issue d’un
vol) à son sujet concernant une violation d’altitude, très vite l’atmosphère
s’est détendue lorsque ce même supérieur, lui a appris qu’il était affecté à
cette mission, étant donnée ses talents de manipulateur du bras robotique.
Sept personnes
sont affectées à cette mission, destinée à remplacer tous les gyroscopes
d’Hubble, le décollage est prévu la première quinzaine d’Octobre. En Juillet,
un court-circuit dans les câblages de la navette oblige à inspecter toutes les
navettes. En Novembre le 4ème gyroscope tombe en panne à son tour,
Hubble est pointé vers le Soleil pour que ses panneaux solaires soient
alimentés.
Après 13
reports, la navette décolle le
18 Décembre 1999. La mission durera 8 jours au lieu de 11 et il y aura 3
sorties dans l’espace au lieu de 4. Pendant la phase éclairée, Hubble pointe
vers le Soleil, mais à la sortie de la zone d’ombre, il subit de grosses
dérives pour la remise en configuration. A bord se trouvent 3 astrophysiciens, le
décollage a lieu de nuit. C’est un vol de rendez-vous, la fenêtre de tir est
seulement de quelques minutes, le rôle de JFC est de gérer la navette, à bord
se trouvent également Scott Kelly un de deux
vrais jumeaux son frère Mark est aussi astronaute de la navette!
3000 tonnes de
poussée, l’accélération n’est que de 1,5 G, très supportable pour tout un
chacun. Après 2mn 20 s de vol la navette se trouve à 50 000 pieds d’altitude, à
5 fois la vitesse du son. Au bout de 1,5 mn on est à 28 000 km/h en orbite
autour de la Terre.
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Il faut capturer
Hubble et le maintenir, les astronautes qui effectuent des sorties disposent
d’une centaine d’outils chacun étant retenu par un filin. Il y a des zones
non-touch, c’est-à-dire que si on les touche le succès de la mission est
compromis, l’orbite était initialement prévue à 486 km d’altitude, il fallait
brancher 20 connecteurs en aveugle, sans abîmer les quelques 1000 broches en
or, en sachant qu’avant l’intervention le télescope fonctionnait, d’où la
pression sur les épaules de l’intervenant. 6000 à 7000 photos sont prises au
cours d’une telle mission. Pour le travail de la télécommande, le record de la
consigne la plus courte a été de se déplacer de 2 pouces, ce qui correspondait
à la résolution des écrans de contrôle. Les sorties durent plus de 8 heures d’affilée, comprenant 13
remplacements de boîtiers.
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Quelques photos
prise en cours de vol du sahara.
Hubble est en
orbite à 620 -630 km d’altitude, d’habitude la navette vol entre 300 et 400 km
. Il faut allumer les moteurs 1h et 5 mn pour le retour, le train sort à 30 m
du sol, le commande est effectuée à 300 pieds de hauteur. La peur de faire une
erreur s’estompe après l’atterrissage, d’autant que deux sondes martiennes
venaient de se planter, la pression était présente. Brown a volé 6 fois en 5
ans, c’est le record, la plupart des astronautes volent deux fois, lui JFC a eu
de la chance de voler 3 fois. Il y a deux possibilités de prises du télescope.
Obsession
N° 1 tout est attaché à la
navette, exception faite de Claude Nicollier, nous y reviendrons. Les ordres
reçus par JFC sont du genre : 5° de roulis à gauche, 35° de lacet vers la
droite, avance de 2 pieds en bas de la soute. JFC doit convertir chaque ordre
reçu, effectuer le changement de repère en temps réel, l’astronaute parle par
rapport à lui. JFC a choisit de manipuler l’intercom avec ses doigts de pied
pour ne pas avoir à relâcher les commandes en douceur (ce que font les autres
astronautes en général) pour collationner l’ordre reçu, ce qui est obligatoire.
Obsession
N° 2 ne jamais toucher au
télescope, pour éviter toute rétractation des panneaux solaires, trop fragiles
qui sont constitués de tubes rétractables en lamelles métalliques légèrement
creusées, au moindre choc le panneau se recroqueville.
Obsession
N° 3 ne jamais initier un
déplacement dans une direction autre que la demande. Parfois il était facile de
confondre up avec aft (veut dire avant en anglais), il fallait s’habituer à
reconnaître leurs voix. Il n’est pas bon d’effectuer le déplacement tout
doucement pour vérifier le résultat sous peine que la confiance de l’astronaute
à l’extérieur soit à jamais altérée, sans parler des problèmes de frayeur
instantanée possibles et leur conséquences inconnues.
Obsession
N° 4 ne pas être responsable
d’un retard, sachant que les ordres sont donnés en moyenne toutes les 20
secondes et ce, pendant plus de 8 heures :
8h 20mn, 8h 30mn
et 8h11mn, pour les trois sorties
Trois questions à
résoudre instantanément : quel repère choisir ? axes navette ou
télescope, choix du point de rotation, choix de l’axe et en plus choix de la
vitesse, muni d’une dérogation JFC pouvait utiliser la vitesse rapide, généralement
interdite à moins de 10 pieds de la navette. Dernière question, quelle action
donner sur le manche : épaule, coude ou poignet (roulis, tangage, lacet).
Au moment de
changer le FGS (Fine Guidance Sensor), d’un poids de 200km, l’alarme de haut niveau
de CO2 se déclenche, il a gardé le FGS dans les mains et c’est Mike qui a lu,
la procédure à suivre sur sa checklist, c’était en fait un défaut du capteur et
un faux niveau haut de CO2. La place à l’intérieur de la navette c’est à peu
près le cockpit d’un Airbus A320, mais sans la pesanteur on se gêne moins, on
occupe tout le volume disponible, on fait sa toilette accroché au plafond par
exemple.
Autre moment
d’émotion, l’orbite parallèle à celle de Hubble à moins de 100 m de distance,
pendant trois révolutions d’orbite.
Bons
moments : foie gras de la Comtesse du Barry, confit de canard aux cèpes.
Par le hublot à
cette altitude on englobe les USA d’un coup d’œil de droite à gauche, levers de
Lune orange. Particularité, sur Terre le ciel est bleu et la Terre est plus
sombre, d’où l’icône habituelle de l’horizon artificiel, dans l’espace c’est
l’inverse le ciel est noir et la Terre est bleue, mais l’erreur n’est pas
possible.
Les sacs de
couchage sont fermés jusqu’au cou, dépôt d’une goutte d’eau sur les yeux pour
se rincer l’œil, sensation très agréable.
Pour les sorties,
il y a un sac de boisson en forme de chaussette d’1,5 litres à l’intérieur du
scaphandre avec une paille anti-retour.
Plusieurs fois
deux Européens se sont retrouvés en même temps en vol, une fois deux allemands
ensemble, mais jamais deux français. Cinq Européens en 5 ans ont volés sur
Soyouz, pendant que les navettes étaient clouées au sol. Depuis 25 ans, sauf
une année, il y a eu au moins un Européen par an dans l’espace.
Question :
il y a des impacts très petits dans les panneaux solaires.
Au cours de
la première mission en Décembre 1993 on
a décelé un trou de 1,5 cm de diamètre sur une antenne grand gain, sur un
scaphandre ça peut occasionner des dégâts ; les sorties dans l’espace sont
programmées pendant les périodes d’activités météoritiques plus faibles, de
plus on s’arrange pour être protégé par la navette elle-même, par ailleurs des
météorites se sont éclatées à l’impact sur la visière.
Question :
Rayons cosmiques et médecins à bord ?
Il y a deux
astronautes : Crew medical officers, qui ont effectués des opérations sur
Terre sur des animaux en présence de vétérinaires. Par contre pour acquérir une
certaine expérience et pouvoir pratiquer des trachéotomies en orbite ou de la
petite chirurgie, des soins dentaires ou des endoscopies, il doivent aussi connaître l’effet des
médicaments : valium, morphine, inducteurs de sommeil. Par contre toutes
les tâches sont dispatchées entre l’équipage et chacun effectue à tour de rôle
le nettoyage des toilettes.
Quant aux rayons
cosmiques, la ceinture de Van Allen protège quand même et chaque astronaute a
un dosimètre passif sur toute sa carrière, un Américain a été retiré de son vol
car il avait trop accumulé en exposition. Certains ont volés plus de deux ans
en tout. Les ions lourds, en particulier les protons issus du Soleil provoquent
des flashes, excitateur de la rétine, qui se caractérisent en traits bleus ou
rouges au moment de s’endormir (ceux qui sont allés sur la Lune).
Question :
Menaces d’abandon de l’ISS par la NASA ?
3 à 5 milliards de
dollars, 18 vols avec en plus le développement de CEV (Crew Exploration
Vehicule) qui devrait voler avant 2012. Tout cela reste une inconnue. Le plus
probable est que l’ISS continuera jusqu’à ce que les Japonais et les Européens
soient en orbite et le CEV arrivera un peu plus tard.
Question
sur les fenêtres de tir :
la politique de la
NASA est plutôt d’opter pour les débuts de fenêtre, les récupérations sont plus
problématiques car elles ont lieu au-dessus de l’eau, alors qu’en utilisant le
début ou le milieu de la fenêtre on se rapproche des terres, c’est plus
rassurant de rejoindre une piste.
Question
sur la vision des étoiles depuis la navette.
Il faut le vouloir
et tout éteindre dans le cockpit (sauf les ordinateurs !) en 10 mn les
couleurs sont discernables, les nébuleuses. A la vitesse de 8 km/s, soit 28 000
km/h on fait 16 fois le tour de la Terre par 24 h, chaque tour dure 1,5 h,
pendant les sorties des astronautes qui durent 8 h, 6 orbites sont effectuées,
les passages dans l’ombre de la Terre sont annoncées par le sol, pour prévenir
toute surprise et prendre les mesures nécessaires au changement
environnemental.
Question :
Les choix d’astronautes ?
Problèmes de
rotation, celui qui a volé se retrouve sous la pile, problème d’attitude des
individus entre eux, de compétences, un astronaute a été évincé d’un vol parce
qu’il avait divorcé ?
POUR
ALLER PLUS LOIN.
L'interview de JF
Clervoy par Pierre François Mouriaux de Planète Sciences.
Tout sur la
mission STS 103.
La même mission vue par
l'autre européen, Claude Nicollier.
Les archives de
STS 103 par le Human Space Flight de la NASA.
Autre bio de
JF Clervoy.
Comment
devenir astronaute européen par Interstar.
C'est tout pour
aujourd'hui!
Bon ciel à tous
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