Mise à jour le 8 Octobre 2006

 

     

CONFÉRENCE de GUILLAUME HÉBRARD

De l'IAP (Institut d'Astrophysique de Paris)
"L'ORIGINE DES ÉLÉMENTS LÉGERS DANS L'UNIVERS"

Organisée par la SAF

Dans ses locaux, 3 rue Beethoven, Paris

 

Le Jeudi 28 Septembre 2006 à 18H30 (date exceptionnelle)
à l'occasion de la réunion de la Commission Cosmologie.

 

Photos : JPM pour l'ambiance. (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)

Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.

Comme d'habitude, la présentation PPT complète est sur le site de la SAF quelques jours après.

 

Un grand merci à Claude Picard qui a revu, et corrigé ce compte rendu

 

 

BREF COMPTE RENDU

 

 

 

 

 

 

 

C'est Guillaume Hébrard, jeune astrophysicien de l'IAP, chargé de recherches au CNRS, qui nous parle aujourd'hui de la création des éléments légers dans l'Univers.

 

D'où viennent les différentes espèces chimiques de la table périodique de Mendeleïev ?

 

Comment ont été créés ces éléments qui composent notre Univers ?

 

L'observation et l'étude théorique d'objets astrophysiques à différents stades d'évolution permettent d'obtenir des éléments de réponse à ces questions.

 

 

C'est le sujet de la présentation de ce soir.

 

 

 

 

 

 

 

INTRODUCTION.

 

Tout le monde connaît la table de Mendeleïev dont l'élaboration a commencé en 1869, et qui classe les différents éléments présents sur Terre en fonction de leurs caractéristiques atomiques (nombre de protons/électrons).

On va s'intéresser aux éléments dits "légers" c'est à dire : H : Hydrogène; He : Hélium; Li : Lithium; Be : Béryllium; B : Bore.

On y ajoute classiquement un isotope de l'Hydrogène (1 proton 1 neutron) appelé Deutérium (D) qui va jouer un rôle particulier dans l'élaboration de ces éléments.

Signalons une terminologie surprenante, pour les astronomes, tous les corps autres que H et He seront appelés des….."métaux

 

L'abondance dans l'Univers en nombre d'atomes de ces premiers éléments est connue :

 

 

Éléments

H

D

He

Li

Be

B

Abondance en % atomes

90%

0,001%

10%

10-7 %

10-9 %

10-8 %

 

Ces valeurs sont des ordres de grandeur.

 

On trouve dans la littérature pour H et He les chiffres de 75% et 25%, attention, ce n'est pas contradictoire, dans ce cas ce sont des pour cent en masse! (l'Hélium est 4 fois plus lourd que l'Hydrogène).

 

 

Tous les autres éléments sont présents dans l'Univers à l'état de traces (nous sommes nous même à l'état de traces, cela devrait nous rendre humbles!).

 

LA (LES) NUCLÉOSYNTHÈSE(S).

 

Par définition cela veut dire : création des noyaux atomiques.

 

Il y a 3 voies de formation des noyaux de tous les corps de l'Univers qui correspondent à trois processus distincts.

·       La nucléosynthèse primordiale.

·       La nucléosynthèse stellaire.

·       Le processus de spallation dans le gaz interstellaire.

 

 

 

LA NUCLÉOSYNTHÈSE PRIMORDIALE.

 

Ce fut l'idée géniale du facétieux George Gamov vers 1946 qui avait un sens de l'humour très poussé. (sa vie pourrait être l'occasion d'un film!)

 

Que se passe t il proche de l'instant zéro; les fameuses trois premières minutes de l'Univers?

(je me permets de m'inspirer d'une partie de ma présentation sur le Big Bang, afin de clarifier cette période)

 

La température est très élevée, et l'Univers n'est qu'une soupe de protons (p), neutrons (n), électrons (e-), neutrinos et photons : p et n se  transforment l’un en l’autre (réactions réversibles). L'Univers est âgé d'une seconde!

­Le neutron se transforme en proton spontanément avec une durée de vie de 15 minutes approximativement

­Quand la température diminue, les neutrons commencent à disparaître jusqu’à un certain équilibre

 

­Quand l’univers refroidit, vers 1 seconde le taux de fabrication de neutrons à partir de protons chute considérablement

­Il est plus facile de fabriquer des p à partir des n que réciproquement, le sort du neutron est scellé!

­IL Y AURA DONC BIEN MOINS DE n QUE DE p DANS L’UNIVERS

­Ce rapport est connu et égal à : 5 (n/p = 0,2)

­À cet instant il y a 5 fois plus de protons que de neutrons dans l’Univers, et c’est déterminé par le Big Bang!!!! (joue sur le rapport H/He)

 

­Le proton qui est en surnombre maintenant peut se combiner avec un neutron pour former du Deutérium stable (hydrogène lourd)

­Ces réactions sont exothermiques (fournissent de la chaleur) et permettent ainsi toute une chaîne de réactions qui vont aboutir aux premiers éléments fondamentaux t.q. l’Hélium

 

­En fait il ne faut pas oublier que l'Univers est aussi rempli de photons; il y en a approximativement 109 fois plus que de protons (aux dernières nouvelles ce serait 6 1010 )

­Donc les réactions nucléaires inverses sont aussi possibles, et les photons énergétiques cassent les noyaux de Deutérium crées.

­Il y a COMPÉTITION entre création et destruction de matière, le facteur crucial va être la température, donc le temps

 

Le temps passant et suite à l'expansion de l'Univers, la température baisse, dès que T< 109 K, les photons n'ont plus assez d'énergie pour casser les noyaux et donc la destruction de matière baisse, on peut continuer l'élaboration d'éléments nouveaux tels l’Hélium.

 

­Des neutrons sont utilisés dans cette production d’He et les neutrons sont aussi instables. (se désintègrent avec pour période approx : 888 secondes, chiffre indiqué par l'orateur et facile à retenir)

­Les lois de la physique  (Eq de Boltzmann) déterminent les quantités et au bout de 3 minutes d’age :

on a le rapport définitif:    Nn/Np  = 0,15

­IL Y A 7 FOIS PLUS DE PROTONS QUE DE NEUTRONS DANS L’UNIVERS

­

Ce qui veut dire ramené en masse d’Hélium:

­ABONDANCE DE L’HÉLIUM : 25%    (1/4 de l’Univers est de l’Hélium) et 10% en atomes LE RESTE = HYDROGÈNE

 

 

 

Et la suite?

­Élémentaire, on procède par FUSION     , mais les éléments 5 et 8 sont MAUDITS

 

 

­Ils donnent des noyaux instables qui se désintègrent (trop)  rapidement

 

 

De plus la densité de matière de l'Univers décroît fortement; certaines réactions ne peuvent plus avoir lieu (les noyaux n'ont aucune chance statistiquement de se rencontrer).

 

­La machine à synthétiser les éléments s’arrête

 

 

 

 

 

DONC QUELQUES MINUTES APRÈS LE BIG BANG

 

­On a en plus de H et He (dominants) des traces de D, He3 et Li7, Be7

­Mais la température baissant a rendu les fusions ultérieures impossibles (1 Million °K)

­LA NUCLÉOSYNTHÈSE PRIMORDIALE EST ÉTEINTE, l’Univers est complètement ionisé

­L’univers est figé en composition, il y a en masse 25% He et 75% H.

­Il faudra attendre des milliards d’années pour voir sa composition changer (légèrement)

 

 

 

La composition de l'Univers et donc la quantité d'éléments (l'abondance) qui ne sont que légers à cette époque là, peut être prédite facilement, car ces réactions sont bien connues et peuvent être reproduites en laboratoire.

 

C'est l'objet de la courbe suivante.

 

 

On représente en vertical, l'abondance relative des éléments légers par rapport à l'Hydrogène, l'échelle va de 10-11 en bas à 1 en haut.

 

L'échelle horizontale représente la densité de l'Univers , soit le nombre de baryons par rapport au nombre de photons; l'échelle va 10-12 à gauche à 10-7 à droite.

(en principe cette densité relative h est un invariant avec l'expansion)

 

On explique assez facilement les courbes d'abondance de chaque élément en fonction de la densité de l'Univers; on remarquera la pente très importante de la courbe du Deutérium qui est donc très sensible à la composition de l'Univers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On peut maintenant comparer ces prédictions avec les mesures et ceci afin de contraindre la courbe précédente.

 

 

Les trois carrés et la zone violette correspondent à trois mesures différentes qui indiquent une bonne corrélation avec le modèle.

 

 

Ceci permet de déterminer le facteur WB densité baryonique actuelle qui est de l'ordre de 3,5%.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On peut aussi encadrer ces courbes par différentes limites, ce qui donne le graphe suivant :

 

Ce graphique est purement didactique.

L'échelle horizontale est celle du rapport h = nb de baryons / nb de photons.

 

Cette échelle est proportionnelle aux masses, et donc à sa densité à un instant donné, et donc aux "W", qui sont des densités ramenées à la densité critique.

 

Plusieurs contraintes sont représentées par des bandes verticale :

- en rouge une densité minimum égale à la densité d'énergie des photons,

- en mauve, les zones compatibles avec la nucléosynthèse primordiale,

- en vert ce qu'il faut comme matière pour satisfaire les contraintes gravitationnelles genre vitesse de rotation des étoiles dans les galaxies,

- en rouge, une densité maxi qui ne permettrait plus à l'Univers d'être en expansion

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA NUCLÉOSYNTHÈSE STELLAIRE.

 

Le temps a passé depuis le Big Bang, les premières étoiles sont nées et un autre phénomène va se mettre en route.

 

Je reprends une partie de ma présentation sur le BB pour expliquer le phénomène :

 

­Les galaxies et les étoiles se forment par agglomération de matière (des grumeaux de la pâte à crêpes originelle)

­Cela va prendre quelques centaines de millions d’années

­Au fur et à mesure que le temps s’écoule, la gravité devient la force dominante, H et He s’assemblent forcés par la gravité , ils forment les noyaux des galaxies naissantes

­La nuages de poussières de ces galaxies en formation favorisent aussi le démarrage de proto-étoiles

­Les forces dues à la gravité dépassent les forces électrostatiques qui luttent contre ; il y a démarrage des réactions thermonucléaires

­C’est la Nucléosynthèse stellaire

 

­Ces premières étoiles déclenchent en leur cœur des réactions de fusion nucléaire

­L’hydrogène brûle en donnant de l’Hélium puis d’autres réactions sont rendues possibles grâce à la température qui augmente : globalement on a   4x 1H à 4He + bêta + gamma

 

­C’est ce qu’on appelle la chaîne p-p (proton proton)

 

­Tant que l’étoile a de l’H, tout va bien (c’est le cas du Soleil en ce moment), une fois H consommé (notre Soleil par exemple, brûle 600 millions de t d’H par sec) , elle s’écroule sur elle même, T augmente

­On notera que plus l’étoile est lourde et plus elle brûle vite son H, sa température ~107K

­Une fois H brûlé, son cœur est très chaud  Cela autorise la fusion de l’Hélium en Carbone : réaction triple alpha :

                   3x4He à 12C

­Si la température est encore plus élevée
       12C + 4He
à 16O + gamma

­Il y a de plus en plus contraction de la matière au centre (structure en oignon) les éléments sont crées petit à petit dans l’ordre de la table de Mendeleïev

 

L'étoile brûle tous ses constituants les uns après les autres : H, He, C, O, Ne, Mg, Si jusqu’à produire du Fer en son noyau et donc jusqu’à arriver au corps le plus stable de l’Univers : le Fer   56Fe    puis STOP!!!!      

­Le Fer est atomiquement très stable; car sa fusion comme sa fission consomment plus d’énergie qu’elles n’en produisent

­On dit que ce sont des réactions endothermiques (nécessitent de fournir de la chaleur pour se produire)

­Il reste donc au centre de l’étoile et lorsqu’il atteint une certaine masse « critique » (masse de Chandrasekhar) il s’effondre sur lui même

­Des éléments plus lourds sont ainsi crées et en même temps, il y a explosion de l’étoile en une super nova, c'est un autre processus que la nucléosynthèse stellaire, c'est la nucléosynthèse explosive!

 

 

Les étoiles créent donc les éléments plus lourds, la métallicité de l'Univers augmente.

 

 

 

LA SPALLATION DANS LE GAZ INTERSTELLAIRE.

 

 

Entre les étoiles, il y a des protons de haute énergie (rayons cosmiques) qui heurtent les atomes de C, N ou O qui traînent dans l'espace.

 

 

 

Cela crée aussi des éléments légers comme on le voit sur la photo de gauche.

 

 

 

La spallation est essentiellement de la capture de protons et de neutrons par les noyaux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

EN RÉSUMÉ.

 

On en déduit l'abondance des corps légers en fonction des différents processus qui ont mené à leur élaboration.

On peut aussi en déduire leur évolution.

 

 

 

Il faut remarquer un fait fondamental : seul le Deutérium provient du Big Bang, il est très fragile, on ne peut que le détruire, c'est en fait un "traceur" de nos origines.

 

 

 

COMMENT EFFECTUE T ON CE TYPE DE MESURES? PAR SPECTROSCOPIE.

 

 

 

Le spectre d'un corps c'est son ADN ou son code barre, il lui est propre.

Il y a différents types de spectre que notre ami a très bien expliqué.

 

 

En haut un spectre continu, en bas un spectre d'absorption lorsque la lumière est absorbée par du gaz avant d'atteindre l'instrument; des raies caractéristiques apparaissent.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voici par exemple le spectre du Soleil:

 

L'échelle des longueurs d'onde va de 460nm à 500nm, on voit toutes les signatures des corps présents dans l'atmosphère solaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'ABONDANCE DU DEUTÉRIUM.

 

Le deutérium joue un rôle particulier comme on vient de le voir, c'est l'élément originel du Big Bang.

 

C'est aussi l'élément le plus sensible à la composition de l'Univers.

Il y a trois types de mesure d'abondance du D :

 

 

 

·        Pendant la nucléosynthèse primordiale : il y a 13,7 milliards d'années.

·        Pendant l'époque proto-solaire il y a 4,5 milliards d'années

·        À l'époque actuelle.

 

Ces mesures peuvent se positionner sur la courbe de gauche.

L'échelle verticale est en nombre d'atomes D par rapport aux atomes H

 

Dans le système solaire on le mesure dans les atmosphères de Jupiter et de Saturne.

 

 

Dans le milieu interstellaire on le met en évidence dans les molécules par la détection des raies Balmer comme dans Orion par exemple et par les raies de Lyman dans l'UV.

 

 

 

Ces mesures dans l'UV ne peuvent être effectuées que de l'espace, notre atmosphère absorbant ces radiations.

 

 

 

C'est le rôle principalement du satellite FUSE dont nous avons déjà abondamment parlé à l'occasion du problème du Deutérium.

 

Ce satellite UV est toujours en fonctionnement et pour le prouver, notre orateur nous présente un des spectres les plus récents, il date du 22 Septembre 2006.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Guillaume répond ensuite aux diverses questions posées par l'assistance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN

 

Thèse de G Hébrard : L'abondance du deutérium, de l'ultraviolet au visible

 

La nucléosynthèse primordiale (anglais)

 

Et en français chez Wikipedia.

 

L'origine des éléments légers par N Rumiano : très clair et très bien fait comme d'habitude.

 

Nucléosynthèse primordiale et matière baryonique: par l'Université de Strasbourg.

 

Le Big Bang par Alain Bouquet bien connu de nos lecteurs, un grand classique. 4.6 MB Power Point.

 

Les étoiles au plomb présentation PPT de 9,14MB de nos amis Belges.

 

Les éléments légers par l'Université de Berkeley (anglais).

 

Le test du BB par WMAP, les éléments légers, à voir absolument (anglais).

 

Abundance light elements (anglais).

 

 

 

QUELQUES LIVRES DE RÉFÉRENCE :

 

Uniquement des classiques :

 

Les trois premières minutes de l'Univers par S Weinberg  Seuil

 

Les dernières nouvelles du cosmos par Hubert Reeves  Seuil –préférez la première édition, plus détaillée sur la nucléosynthèse primordiale).

 

Plus général mais passionnant à lire : Le roman du Big Bang par S Singh chez JC Lattès.

 

 

 

 

 

 

 

 

Bon ciel à tous

 

 

Jean Pierre Martin  SAF Commission de Cosmologie

www.planetastronomy.com