mise à jour le 7 Juin 2006

 

CONFÉRENCE
"ITER LA FUSION THERMONUCLÉAIRE EN QUESTION"

Par Jean JACQUINOT

Conseiller Scientifique du Haut Commissariat à l'Énergie Atomique,
Organisée par l'IAP

98 bis Av Arago, Paris 14 ème

 

le mardi 6 Juin 2006 à 19H30

 

 

 

Photos : JPM.pour l'ambiance Les photos en haute définition sont disponibles sur simple demande pour ceux qui le souhaitent

Les photos des slides sont de la présentation de Mr Jacquinot.

 

 

BREF COMPTE RENDU

 

 

 

 

 

Malgré le superbe beau temps parisien et ce mois de Juin estival, la salle est archi pleine pour écouter cette conférence sur ITER et la fusion nucléaire. Bravo à l'IAP de réaliser de tels exploits.

 

Daniel Kunth nous présente Jean Jacquinot brièvement : il est conseiller scientifique au CEA et à l'origine de la candidature du site français de Cadarache pour ITER.

 

 

Il a eu trois vies antérieures : cela a débuté par le confinement magnétique des plasmas à Fontenay aux roses, puis il rejoint le JET (Joint European Torus) en Angleterre dont il devient Directeur et enfin début 2000 Cadarache dans un poste de recherche.

 

Comme J Jacquinot nous dit très ému au début de sa conférence, il revient à l'IAP après 40 ans, époque où il y suivait des cours.

 

 

 

 

 

 

 

 

ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) est parti d'un rêve de tout physicien, refaire le Soleil sur Terre (rêve de Hans Bethe notamment).

 

LA GENÈSE D'ITER.

 

Le gaz et le pétrole disparaissent, il n'y aura plus de pétrole pour tout le monde, ce qui va immanquablement provoquer des tensions mondiales.

Le retour au charbon impliquerait une augmentation de CO2 et donc une augmentation de l'effet de serre.

L'Europe est très dépendante pour son énergie, la limite de rupture est évaluée vers 2020, c'est demain.

 

Les enjeux énergétiques sont gigantesques ils sont évalués à 4.000 milliards d'€ par an!

 

Les énergies nucléaires seront obligatoires dans le futur, elles représentent actuellement 5% au niveau mondial (bien sûr beaucoup plus en France) et devraient représenter 60% vers 2100.

 

 

 

Les énergies nucléaires sont de deux ordres :

 

·        La fission : ça marche actuellement et c'est relativement facile à faire, à température ordinaire.

·        La fusion : présente un gros défaut : ça ne marche pas actuellement! Beaucoup plus difficile , il faut vaincre la répulsion naturelle des atomes, la température doit être (très) élevée.

 

 

 

 

 

 

 

POURQUOI LA FUSION?

 

Disons tout de suite que ce n'est pas exactement la même réaction (Hydrogène en Hélium) que dans le Soleil (voir article des astronews à ce sujet) pour des raisons d'efficacité, mais c'est quand même à base d'isotopes d'Hydrogène car on utilise le Deutérium et le Tritium.

 

Les combustibles sont abondants : le Deutérium se trouve en petite partie dans les océans, et le Tritium est instable (radioactif) et peu présent dans la nature (haute atmosphère), mais on le fabrique assez facilement à partir du Lithium par activation neutronique (on ajoute des neutrons).

 

Au point de vue sûreté  : il n'y a pas de risque de contamination ou d'explosion nucléaire.

 

Les déchets : il n'y a pas d'accumulation à très long terme, car les seuls "déchets" radioactifs sont les composants à l'intérieur du réacteur qui sont "activer" (rendu radioactif) par les neutrons produits, mais lors de l'arrêt du réacteur, ces éléments décroissent rapidement dans le temps (<100ans) contrairement aux déchets de fission qui ont des périodes pouvant aller à plusieurs millions d'années.

 

 

COMMENT FAIRE?

 

 

 

Les températures très élevées nécessitées par la réaction posent un problème de stockage. On ne peut pas faire toucher ce plasma de quelques 100 millions de degrés une paroi, aucun matériau ne supporte, il faut donc le confiner (le guider) dans un champ magnétique.

 

Signalons qu'il existe aussi une autre voie de confinement qui est le confinement inertiel par pulse Laser mais qui est surtout étudié par les militaires car ils peuvent donner naissance à des armes …intéressantes.

 

 

 

 

 

Un des problèmes à résoudre pour la fusion contrôlée c'est l'allumage qui est défini par le produit :

n Ti tE

 

avec n le nombre de protons qui est extrêmement faible (très peu de matière nécessaire étonnement)

Ti la température donc aussi la pression qui est de l'ordre du bar.

tE  le temps de confinement de l'énergie (entre le cœur et les bords) ce n'est pas le temps de vie du plasma. Il est de l'ordre de 1 seconde. (signifie que le plasma devrait mettre de l'ordre de 1 seconde pour se refroidir si on arrête le réacteur).

 

Comme le dit Jean Jacquinot ; le démon est dans le plasma!

 

Sur Terre nous avons procédé à des essais sur plasma avec l'expérience Tore Supra de Cadarache.

 

 

 

 

La seule façon de créer ce confinement magnétique est l'utilisation d'un Tokamak (vient du russe : machine créant du courant) connue depuis plusieurs décennies.

 

Le but du Tokamak est de confiner (piéger) un plasma chaud (très chaud même) dans un champ magnétique le plus longtemps possible. La configuration de l'ensemble est torique bien évidemment.

Pour que les champs soient stables , les lignes de champ doivent s'enrouler comme des hélices autour de surfaces toriques emboîtées les unes dans les autres.

Plusieurs champs magnétiques sont mis en œuvre à cet effet :

·        un champ toroïdal crée par des bobines extérieures et qui fait tourner les particules autour de l'axe du tore.

·        un champ poloïdal crée par le courant circulant dans le plasma et qui compense l'effet de dérive.

·        Ceci créant un champ total de ligne de force hélicoïdales confinant le plasma.

 

 

 

Ceci donne un plasma stable en interaction avec le champ magnétique.

 

La pression du plasma est compensée par la pression magnétique.

 

Ces confinements ont déjà été utilisés dans las applications actuelles telles que:

Le JET (Grande Bretagne) 10 à 20 MW

Le JT 60 (Japon) et

Tore Supra qui a fonctionné pendant 6 minutes en 2003 en produisant 1 GJ.

 

 

 

 

 

Il faut maintenant extrapoler toutes ces expériences vers ITER.

 

 

On a déjà fait un progrès sur le facteur n Ti tE d'un facteur de 10.000 et aussi sur la durée des décharges, comme on le voit sur le tableau situé à gauche montrant l'évolution des caractéristiques des Tokamak depuis l'origine.

(on est actuellement au niveau de la courbe en bleu foncé)

 

Il suffit de gagner encore un facteur 3 à 5 pour accéder à ITER.

 

ITER sera un démonstrateur, ne pas l'oublier.

 

ITER sera deux fois plus grand que JET; on devrait y injecter 50MW et recueillir 500MW à la sortie.

 

L'auto chauffage sera produit par les noyaux d'Hélium de la réaction.

 

 

 

 

 

 

 

Public très attentif aux propos sur ITER.

 

 

 

 

LES GRANDES ÉTAPES ET LA FEUILLE DE ROUTE ITER.

 

 

1932 : Fusion du deutérium à Cambridge

1960 : Configuration Tokamak

1984 : 1ers résultats du JET (construit 1978-1982)

1985-86 : Sommets Gorbatchev-Mitterrand-Reagan-Tanaka Collaboration internationale

1988-90 : Conception par Euratom, Japon, URSS, USA

1992-2001 : Ingénierie :Objectif 1.5 GW-1000 s, puis 0.5 GW-400 s 4,5 G€

1997 : 16 MW pendant 0.5 s au JET

Depuis 2001 :

         Négociations à 4 puis à 6 (Chine, Corée du Sud, USA, Russie, Japon, Union Européenne) : évaluations, statuts, organisation

         Choix entre 4 sites d’implantation : Cadarache (FRA), Rokkasho-Mura (JPN), Vandellos (ESP), Clarington (CAN)

28/06/2005 : choix de Cadarache !  Coût pour la France: 14% (dont 10% collectivités locales)

2005 – 2006 : l'Inde rejoint les 6 partenaires (32 en tout), mise en place des structures, début de construction

2015 : 1er plasma d'ITER

2050 ? : Électricité de fusion ?

 

 

 

 

 

Coût du projet : approximativement 4,5 milliards € pour sa construction et 5 milliards € pour son exploitation

L'Europe en paie 50%, la Russie 10%, la Corée 10%, les USA 10%, la Chine 10% et le Japon 10%.

Le coût pour la France est de 14% pour la construction (dont 10% pour la région Provence, qui paie ainsi presque autant que les USA!) et de 7% du budget de fonctionnement.

2000 personnes impliquées pour la construction à Cadarache et 1000 personnes plus tard pour l'exploitation.

 

 

 

 

Il y a plusieurs défis technologiques à relever avec ITER qui sont résumés sur la vue de gauche.

 

Une des grands défis est de savoir comment vont réagir les matériaux intérieurs au Tokamak qui sont soumis aux neutrons de 14Mev et qui vont donc créer une activation neutronique.

Il faut si possible mettre au point des matériaux faiblement activables et qui vont donner des radioactivités rapidement décroissantes.

Comme on ne peut pas le simuler il faut créer une machine qui génère ces neutrons c'est le but du IFMIF (International Fusion Materials Irradiation Facility), son coût représente 15% d'ITER.

 

 

 

 

 

EN CONCLUSION.

 

 

Le projet ITER est une opportunité pour la Science en Europe et tous les pays participants devraient en profiter.

 

 

C'est aussi une grande chance pour la Région PACA.

 

 

Rendez vous en 2016 pour les premiers résultats!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN.

 

Voir l'article du numéro spécial des astronews sur les principes de la Fusion et ITER

 

Livre de J Jacquinot et R Arnoux chez Edisud "ITER, le chemin des étoiles." (20€)

 

Une présentation pdf de 17 pages (8,7MB) par Y Martin de l'École Polytechnique de Lausanne sur la fusion contrôlée.

 

La fusion et ITER par J Jacquinot et G Bonnaud présentation PPT de 5MB.

 

Le confinement inertiel expliqué.

 

 

 

 

 

 

C'est tout pour aujourd'hui!

 

Bon ciel à tous

 

Jean Pierre Martin

http://www.planetastronomy.com/