Mise à jour le 10 Avril 2011
 
CONFÉRENCE
"MATIÈRE NOIRE ,ÉNERGIE NOIRE, L’UNIVERS INVISIBLE"
Par Nathalie PALANQUE-DELABROUILLE
Astrophysicienne CEA Saclay
Organisée par l'IAP
98 bis Av Arago, Paris 14ème
 
Le mardi 5 Avril 2011 à 19H30
 
Photos : JPM. pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos
Vidéo de la conférence par le CERIMES disponible sur leur site quelques jours après (le CERIMES propose aussi toutes les vidéos des conférences IAP) :      voir : http://www.cerimes.fr/le-catalogue/institut-dastrophysique-de-paris-iap.html
 
 
 
BREF COMPTE RENDU
 
On trouve sur le Net une présentation de notre conférencière, très similaire à celle de ce soir, aussi je serais succinct avec mon compte rendu aujourd’hui.
 
 
Encore une salle bien pleine pour un sujet passionnant!!
 
 
 
Nathalie Palanque-Delabrouille est chercheur au CEA en cosmologie ; elle fait aussi beaucoup pour la propagation de la science auprès des jeunes et du public en participant à de nombreuses émissions de radio, de télévision ou de podcats.
 
Elle a effectué sa thèse à Chicago avec le professeur David Schramm, sur la nucléosynthèse primordiale.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LE MYSTÈRE DE LA MATIÈRE NOIRE.
 
Au début du XXème siècle, l’Univers était simple : étoiles, galaxies et gaz.
 
Mais les premières énigmes arrivèrent grâce ou à cause de Fritz Zwicky, un astrophysicien américano-suisse un peu farfelu et au caractère pour le moins épouvantable ; en 1933 il s’intéresse à la vitesse des galaxies de l’amas de Coma, amas qui se compose de quelques milliers de galaxies comme la nôtre.
Et que remarque-t-il ? La vitesse de ces galaxies n’est pas conforme à ce que l’on attendait, elles se déplacent trop vite, comme si une très importante masse invisible était présente. Il vient de mettre le doigt sur la matière noire.
 
Mais son caractère « spécial » ne le fait pas prendre au sérieux par la communauté scientifique.
 
 
 
Il va falloir attendre 40 ans pour remettre au goût du jour les découvertes de Zwicky.
 
En effet dans les années 1970, on fait la même expérience que Zwicky a faite, mais avec les étoiles de notre Galaxie, et on observe un phénomène similaire : la vitesse des étoiles devrait décroître (courbe orange pointillée) en s’éloignant du bulbe (car en principe moins de matière, loi de Newton) ; or les vitesses augmentent (courbe des points jaunes).
 
Il y aurait donc là aussi une matière invisible présente, mais agissant conformément aux lois de la gravité. Elle serait dans un halo englobant notre galaxie.
 
 
 
 
Plus de doute possible, il existe donc bien quelque chose. Mais quoi donc ?
 
Serait-ce du gaz, si présent entre les étoiles, et entre les galaxies comme on peut le voir sur cette belle photo de A 1689.
Mais non, la masse n’est pas suffisante pour expliquer ces anomalies.
 
Alors ? Serait-ce : Des objets compacts
·        Comme des planètes ?
·        Comme des résidus d’étoiles ?
·        Comme des étoiles avortées ?
 
Non là aussi, cela ne peut pas expliquer les phénomènes.
 
Il faut s’y résoudre, ce que l’on « voit » dans le ciel, c’est seulement 5% de la masse gravitationnelle, le reste, 95% est invisible à nos yeux.
 
 
OÙ SONT DONC CES OBJETS SOMBRES ?
 
C’est l’objet du projet EROS (Expériences de Recherche d’Objets Sombres) mené à La Silla au Chili sur le télescope de 1m.
 
Elle met en jeu la méthode des micro lentilles gravitationnelles.
Rappelons le principe à l’aide des slides suivantes :
 
Lorsque la lumière d’une étoile source lointaine, passe devant une masse importante (de matière noire par exemple), on obtient des images « mirages » multiples dont le nombre et la forme dépendent de cette masse « lentille ». dans tous les cas il y a amplification de la lumière source.
On voit ici la transition d’un objet sombre passant devant une étoile lointaine. Un petit objet donne une seule image amplifiée, sans cet effet « loupe », cette étoile n’aurait jamais été détectée. C’est le phénomène de « micro » lentilles gravitationnelles, par opposition aux lentilles gravitationnelles
 
 
EROS a permis d’étudier 30 millions d’étoiles dans les galaxies (satellites) proches : les nuages de Magellan.
 
Et on en a conclu que ces objets compacts, ces étoiles sombres, (appelés MACHOS : Massive Compact Objects) ne seraient que 10% du halo de notre galaxie.
 
 
 
Alors cette matière noire, ce serait peut être des WIMPS ? (Weakly Interactive Massive Particles)
 
 
Ces WIMPS se seraient créés au moment du Big Bang, mais on pense qu’il en resterait aujourd’hui, on les cherche !
 
Ils ne sont pas faciles à détecter car ils interagissent très peu avec la matière (comme les neutrinos)
 
 
 
 
 
 
 
 
On les cherche par exemple sous une montagne avec l’expérience Edelweiss dans le tunnel de Modane, ou sous la mer avec l’expérience Antares au large de Toulon.
 
À ce jour, pas de résultats positifs.
 
 
Mais si on n’arrive pas à les détecter, peut-on en fabriquer ?
 
Oui, peut-être, en tous cas on essaie au CERN avec l’expérience ATLAS. Jusqu’à présent sans résultat.
 
 
 
L’ÉNERGIE NOIRE : LA FACE CACHÉE DE L’UNIVERS.
 
 
Tout a commencé en 1929, avec Hubble qui découvre (certains diront re-découvre, car G Lemaître y avait pensé quelques années avant, c’est une note personnelle du rédacteur de ces lignes) l’expansion des galaxies, plus elles sont loin plus elles vont vite.
C’est la fameuse loi de Hubble  V = H d    avec H constante de Hubble qui vaut approx 70km/s par Mparsec,
 
Cela correspond à une expansion de 7% par Giga (milliard) années
 
 
 
 
Dans ces objets si lointains, il faut pouvoir être capable de déterminer avec précision ces distances immenses (de l’ordre du milliard d’années lumière) ; heureusement on a des phares dans cet univers lointain : notamment ces fameuses chandelles standard que sont les supernovae de type Ia.
 
Ces SN qui nous intéressent, sont en fait le résultat de l’absorption d’une étoile normale par son compagnon, une naine blanche, à une certain moment cette naine blanche va arriver à une masse limite qui va la faire exploser.
Cette masse limite étant toujours la même (approx 1,4 masses solaires), l’énergie libérée est constante (et énorme) et sert ainsi de référence lumineuse.
 
 
 
 
Cette étoile est devenue une Super Nova, son éclat est de l’ordre de 10 milliards de fois celui du Soleil, et donc visible à très grande distance.
 
Mais comment chercher ces SN ? (rappel : en moyenne 1 SN par galaxie et par siècle, donc phénomène rare, mais il y a un très grand nombre de galaxies !).
On cherche soit manuellement soit maintenant automatiquement par soustraction d’images numériques.
 
Donc on en trouve, et beaucoup !
 
Pour compléter les informations de ces SN sur leur distance, on y adjoint la mesure du décalage spectral, le fameux z, correspondant au facteur redshift. Ce décalage est mesuré par les spectres émis  et en comparant avec des spectres de référence sur terre.
Cet effet doppler des lignes spectrales donne directement le décalage vers le rouge z ainsi que la vitesse d’éloignement.
 
 
À l’aide de toutes ces informations on peut placer ces différentes SN sur un graphique comme celui-ci-contre.
 
On s’attendait à une ligne droite étant donnée que la relation distance vitesse est liée par la constante de Hubble, or que remarque-t-on ?
 
Quand on s’éloigne dans le temps (passé) l’expansion semble s’accélérer, on est sur la courbe rouge au lieu de la courbe jaune.
En fait on aurait pu même s’attendre à être sur la courbe verte correspondant à un ralentissement de l’expansion dû à l’action de la gravitation, mais c’est tout le contraire que l’on observe.
Ce fut une révolution en cosmologie qui date des années 1990.
 
 
 
 
Et vient alors la grande question : pourquoi ?
 
On ne sait pas bien, mais on constate qu’il existe une composante qui étire les distances dans l’Univers.
 
Toutes ces nouvelles découvertes mènent à confirmer la composition actuelle de notre Univers :
 
·        72% d’énergie noire inconnue
·        24% de matière noire inconnue
·        4% de matière ordinaire
 
 
L’essentiel est donc invisible à nos yeux !!!
 
 
 
COMMENT RÉSOUDRE CES PROBLÈMES ?
 
En ce qui concerne la matière noire,  cela veut peut être dire que nos lois sont fausses ? Y a-t-il d’autres possibilités d’explication ?
 
 
On a donc pensé modifier les lois de la gravité, lois qui ne seraient plus valables à très grande distance. Cela a donné naissance à la théorie MOND (Modified Newton Dynamics).
 
Alors, effectivement pour les étoiles tournant dans le halo autour d’une galaxie cela semble fonctionner comme on le voit sur le graphe ci-contre.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Le test maintenant est sur les amas de galaxies.
 
 
Que se passe-t-il entre les différentes masses de gaz ?
L’essentiel de la masse dans les amas est sous forme de gaz et non de galaxies.
 
Notre conférencière nous explique très clairement le phénomène avec ces deux slides.
 
Cas avec MOND
Cas avec matière noire
 
 
 
On a eu cette possibilité en étudiant la collision dans les amas, avec notamment l’amas du boulet (bullet cluster E1E0657-56).
 
 
En rose le gaz après la collision, on détermine où se trouve la masse après la collision (repérée en bleu), elle a été déformée par la gravitation, elle correspond à un effet matière noire.
 
Donc ce phénomène est incompatible avec MOND.
 
 
 
 
 
 
 
 
Donc à suivre….
 
 
 
POUR ALLER PLUS LOIN :
 
 
Article sur les micro lentilles par le CEA : Gravitational microlensing
 
 
L’énigme de la matière sombre
 
L’expérience EROS II au Chili en pdf.
 
À la poursuite de la matière noire de l’univers CR de la conférence de G Chardin aux RCE 2010.
 
L’énigme de la matière noire, CR de la conférence d’Alain Bouquet aux RCE 2004.
 
La matière noire joue à cache-cache, on la cherche, dans un ancien astronews.
 
Search for Supersymmetry with ATLAS and its Connection to the Dark Matter, presentation ppt du CERN.
 
Généralités sur les super novae à l'IAP
 
La matière noire dans l'univers et peut-on s'en passer? CR de la conférence de F Combes à la SAF.
 
La pâle lumière de la matière noire CR de la conférence de GF Bertone à l’IAP.
 
 
 
 
 
Bon ciel à tous !
 
 
Jean Pierre Martin .Commission de Cosmologie de la SAF.
www.planetastronomy.com
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