Mise à jour le 19 Décembre 2011
 
 
CONFÉRENCE EXCEPTIONNELLE
"SUPERNOVAE, ÉNERGIE NOIRE :
L’UNIVERS EN ACCÉLÉRATION"
Par Saul PERLMUTTER
PRIX NOBEL DE PHYSIQUE 2011   UNIVERSITÉ DE BERKELEY
Organisée par l’IN2P3, le LPNHE et l’Université P&M Curie
À l’amphithéâtre Farabeuf rue de l’École de Médecine Paris
Le Samedi 17 Décembre 2011 à 17H00
 
Photos : JPM. pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos et des animations.
 
 
De nombreux passionnés d’astrophysique (plus de 500 !) se sont donnés rendez vous en ce pluvieux et froid samedi 17 décembre 2011 à l’amphithéâtre Farabeuf pour entendre un des trois Prix Nobel de Physique 2011, je veux dire Saul Perlmutter.
 
Il nous faisait l’exceptionnel plaisir de passer deux jours à Paris pour nous honorer de sa présence.
 
On aperçoit la queue qui se formait déjà deux heures avant le début dans la rue de l’École de Médecine.
 
 
 
 
 
 
Saul Perlmutter (PhD de Berkeley) est actuellement Professeur de Physique à l’Université de Berkeley (Californie) et chef scientifique au Lawrence Berkeley National Laboratory (LBNL).
 
C’est le responsable du programme international Supernova Cosmology Project qui le premier annonça en 1998 l’accélération de l’expansion de l’Univers.
 
N’oublions pas ses deux collègues du Prix Nobel : Adam Riess (PhD de Harvard) astronome au Space Science Telescope Institute de Baltimore et Brian Schmidt astronome australien de l’Australian National University (PhD Harvard) du High-z Supernova Search Team
 
Signalons un autre Prix Nobel de Physique (2006) du Lawrence Berkeley, notre ami George Smoot que nos lecteurs connaissent bien. Il est d’ailleurs professeur à Paris en ce moment.
 
 
 
 
 
 
Énorme succès populaire, l’amphi est saturé, au dernier pointage les organisateurs me signalent la présence
de plus de 700 personnes pour un amphi de 470 places ! Bravo les organisateurs !!
(j’ai pris cette photo une demi-heure avant le début alors que le public entrait encore)
 
Le but de cette conférence était de présenter au public français le sujet du dernier prix Nobel de Physique.
 
 
La première partie de l’exposé est familière à nos lecteurs, c’est principalement la notion de distance dans l’Univers et la découverte de son expansion notamment par Hubble.
 
LES CONCEPTS DE BASE :
 
Ces concepts sont décrits brièvement avec ces quelques slides extraites de sa présentation.
(clic sur certaines images pour plus de détails)
 
C’est Edwin Hubble qui le premier met en évidence le mouvement des galaxies lointaines; elles s’éloignent de nous, l’Univers est en expansion. L’expansion, cela veut dire qu’il y a de plus en plus d’espace entre les galaxies. On montre aussi que la lumière de ces galaxies qui s’éloignent est déviée vers le rouge (redshift) à cause de leur vitesse d’éloignement (effet Doppler).
Donc tous les objets que l’on voit dans le ciel, sont des images du passé plus ou moins éloigné. La lumière du Soleil met 8 minutes à nous parvenir, celle de l’étoile la plus proche 4 années ; Andromède la plus proche des galaxies voisines 2,5 millions d’années, certains  amas de galaxies nous donnent une image datant de la fin des dinosaures etc…
Heureusement pour mesurer les distances, nous disposons  de phares dans l’Univers que sont les chandelles standard (standard candles en anglais) ; ce sont des étoiles très massives qui explosent dans certaines conditions (toujours les mêmes, c’est pour cela qu’on les appelle standard), les Super Novæ de type Ia, que l’on abrège en SNIa. Ici on voit avant et après l’explosion de la SN 1998 découverte par le projet SCP. En soustrayant les deux images on voit ce qui correspond à la SN elle-même. Le redshift de la lumière détectée (au départ la lumière est plutôt dans le bleu) nous donne la distance de cette SN (stretch factor).
On a pu grâce à ces chandelles réparties tout au long du chemin spatio-temporel avoir une idée de l’énorme âge de l’Univers, plus d’une dizaine de milliards d’années. Alors on peut se poser la question du destin de l’Univers. En effet, on pourrait imaginer une action de la gravitation qui ferait que l’Univers se refermerait sur lui même (Univers fermé), c’est le Big Crunch, mais aussi on peut penser que l’expansion se poursuive indéfiniment (Big Rip). Entre les deux on définit la limite celle d’un Univers où tout évolue lentement (Univers plat).
Mais la surprise va venir en 1998 !!
 
 
 
L’ACCÉLÉRATION DE L’EXPANSION DE L’UNIVERS.
 
À partir de 1998, Saul Perlmutter et son équipe, se mettent à étudier ces SNIa afin de déterminer leurs positions dans l’univers lointain (à distance cosmologique).
Mais il y a peu de Super Novæ dans le ciel, je rappelle que la moyenne c’est une SN par galaxie et par siècle et une autre difficulté, elles ne préviennent pas et elles ne durent pas très longtemps.
Heureusement, il y a beaucoup de galaxies !
Et ils vont étudier plus de 5000 galaxies à la recherche de SN du bon type.
Et de temps en temps, bingo ! On trouve une SNIa ;
 
On découvre une cinquantaine de ces SN ; et on mesure leur distance par deux méthodes différentes :
·        Leur décalage vers le rouge donne une valeur du redshift z
·        La mesure de la luminosité recueillie (magnitude apparente) qui permet de recalculer la distance, car la magnitude absolue est connue (les SNIa « explosent » avec la même énergie, on peut en tracer la courbe de luminosité normée en fonction du temps).
 
Ils pensent confirmer l’idée qui prévalait à l’époque, que l’Univers, à cause de l'action de la gravité allait se refermer sur lui même dans une décélération continue, mais…..
 
Et, là, surprise ; les plus lointaines apparaissent moins brillantes que prévu ! Elles devraient donc être plus éloignées que prévu !
C’est l’objet de ce prix Nobel.
 
 
 
On positionne sur un graphique la magnitude observée par rapport au redshift z.
 
(Cette slide n’a pas été présentée comme telle lors de la conférence, je l’ajoute pour la clarté des explications)
 
Les différentes couleurs correspondent à différents destins de l’Univers ; en rose Univers décéléré et en bleu Univers accéléré.
On remarque que pour les SN proches (partie inférieure gauche de la courbe) elles se positionnent sur la courbe rouge, alors que dès que z>0,1 (supérieur à 10 milliards d’années), on diverge de la courbe rouge et on se dirige vers le bleu.
L’Univers subit une accélération de l’expansion!
 
 
 
Il semble qu’une mystérieuse « Force » donne une formidable accélération à l’expansion.
Après les vérifications d’usage, on confirme On baptisera cette force ou énergie inconnue « énergie noire » (dark energy).
 
Une autre vue de ce positionnement des SN où l’on rend hommage aux trois récipiendaires du Prix Nobel:
 
 
 
Cette énergie sombre ou noire, aurait une densité d’énergie plus importante que la densité d’énergie de la matière de l’Univers, sinon il n’y aurait pas accélération.
 
Cette nouvelle forme d’énergie favorise le fantasme des journalistes et des scientifiques, elle prend différents noms comme : énergie noire, quintessence, super gravité, énergie fantôme, énergie du vide, etc etc..
 
Mais en fait on ne sait rien à propos de cette nouvelle énergie répulsive, ou alors on se trompe, la relativité générale ne s’appliquerait-elle pas aux distances cosmologiques ?
 
 
 
 
 
 
Mais de plus en plus, on confirme cette accélération, sur beaucoup plus de SN que les 42 originelles comme on le voit sur cette courbe de 2011.
 
On en déduit même la composition de l’Univers :
·        75% d’énergie noire (inconnue)
·        21% de matière noire (inconnue)
·        4% de matière « normale »
 
 
 
 
 
 
On voit sur ces graphiques les contraintes apportées par chaque type de mesure, elles confirment la composition actuelle de l’Univers.
(SN : Super Novæ ; CMB : bruit de fond cosmologique ; BAO : oscillations baryoniques ;
la rencontre de ces trois zones confirme la composition)
 
 
 
Alors, on pourrait se poser logiquement la question de savoir, si cette accélération ne serait pas une “apparence” seulement; différents facteurs pouvant affecter notre perception des mesures effectuées sur les SN lointaines.
 
En effet ce pourrait être :
·        De la poussière intergalactique d’un nouveau type qui absorberait la lumière des SN
·        Un effet de lentille gravitationnelle
·        Absorption dans l’atmosphère terrestre
·        Télescopes et filtres provoquant une absorption supplémentaire
·        La réponse des détecteur modifiée
·        Des erreurs humaines d’interprétation
 
 
Voici quelques possibilités d’explications :
 
La répartition des SN a été différente dans le passé, certaines galaxies ont commencé leur vie à différentes époques dans le passé.
On se tromperait sur le redshift ? mais pas encore prouvé.
Au fur et à mesure de son explosion, la lumière de la SN traverse différentes couches de l’étoile qui vient d’exploser ; le spectre recueilli sur Terre évolue en fonction du temps, car il correspond à différents éléments chimiques de l’étoile (au début ce sont O, Mg, Si, S, Ca puis Fe et Co). Il faut en tenir compte. (Pour info CAT scan = Computerized Axial Tomography)
 
 
 
On développe de plus en plus de techniques d’observation des SNIa comme par  exemple:
 
·        SN Factory (L’usine à Super Novæ !) qui est une collaboration internationale entre plusieurs groupes (principalement Berkeley, Yale et IN2P3) pour mettre au point les outils de détection de SNIa et explorer la nature de l’énergie noire.
Plus de 1000 SN ont été découvertes depuis 2008 et 700 ont eu leurs spectres déterminés.
·        SNIFS (SuperNova Integral Field Spectrometer) construit par l’IN2P3 avec les Américains du LBNL et Yale. Il est destiné à détecter et à analyser le spectre d'au moins 100 supernovae de type Ia par an. Il utilise le télescope UH88 de Hawaï.
 
 
 
 
Le but de toutes ces organisations et de tous ces chercheurs est d’établir une bibliothèque de spectres de SNIa comme on le voit sur la diapo ci-contre.
 
C’est le projet SpectraVis du LBNL.
 
On découvre même en procédant à ces analyses des SN jumelles, c’est à dire dont les spectres sont identiques quelque soit l’époque. (voir travail de Hannah Fakhouri de Berkely à ce sujet).
 
 
 
 
 
 
CONCLUSION.
 
 
 
 
Des projets spatiaux et terrestres plus performants sont en cours pour compléter les observations actuelles, ce sont par exemple :
 
·        La mission EUCLID de l’ESA avec collaboration de Berkeley, va rechercher l’origine de l’accélération de l’expansion de l’Univers ; son lancement est prévu pour 2019. Euclid analysera les déformations apparentes des galaxies sous l’effet de la matière noire et leur répartition à grande échelle, ce qui renseignera les scientifiques sur la nature de la mystérieuse énergie noire qui compose environ 70% de l’Univers. Pour cela le satellite emportera un imageur visible (VIS) et un spectro-imageur infrarouge (NISP), développés par un consortium européen présidé par Yannick Mellier de l’Institut d’Astrophysique de Paris, avec Olivier Le Fèvre du LAM (d’après communiqué du LAM).
·        La mission WFIRST (Wide Field Infra Red Télescope Survey) télescope spatial mis en orbite en L2, il devra imager plus de deux milliards de galaxies et effectuer la spectroscopie de plus de 200 millions d’entre elles afin d’en déterminer leur distance. Il doit ainsi permettre de confirmer l’accélération de l’expansion de l’Univers.
·        La mission LSST (Large Synoptic Survey Télescope), télescope terrestre à très grand champ équipé d’une caméra CCD de 3200 Mpix. Il devrait imager les galaxies les plus lointaines et couvrir le ciel entier en quelques jours.
·        La mission BigBOSS (Big Baryon Oscillation Spectroscopic Survey) chère à George Smoot, sera construite à Kitt Peak, ce sera le plus grand télescope dédié aux galaxies lointaines grâce à l’étude des BAO (Oscillations acoustiques baryoniques) qui sont un élément pour caractériser l’énergie noire avec son instrument de 5000 fibres optiques monté sur le 4m de Kitt Peak. Projet très ambitieux qui devrait nous amener à la frontière du Big Bang !
·        La mission SNAP (SuperNova/Acceleration Probe) télescope spatial de 2m avec un champ 100 fois plus grand que celui de Hubble. Il devrait mesurer avec grande précision les paramètres cosmologiques. Coopération US-France. Pas encore approuvé
 
 
 
Bref comme le signale Saul Perlmutter, il reste beaucoup de travail à faire et il est très optimiste sur la poursuite de ces travaux.
 
 
 
Merci encore à Saul Perlmutter de s’être arrêté à Paris !
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Public conquis et nombreuses questions à la fin de l’exposé.
 
 
 
POUR ALLER PLUS LOIN.
 
 
 
Vidéo sur le sujet de S Perlmutter durée  1 heure30  super
Dark secrets: what science tells us about the hidden Universe  sur YouTube.
 
 
 
Saul Perlmutter awarded 2011 Nobel Prize in Physics
 
Supernovas, Dark Energy, and an Accelerating Universe: What Next? Par S Perlmutter, une présentation ppt similaire.
 
Supernovae, Dark Energy, and the Accelerating Universe: The Status of the Cosmological Parameters
 
Supernovae, Dark Energy, and the Accelerating Universe article de 2003 par S Perlmutter
 
Nobel physics prize honours accelerating Universe find de la BBC
 
Cosmological parameters from SNIa par L. Perivolaropoulos de Grèce  ppt. Bien résumé!
 
Supernovae and the accelerated universe par l’ESO ppt
 
Le destin de l'Univers par nos amis d’Astropolois.
 
What is the Ultimate Fate of the Universe? Par WMAP.
 
The Fate of the Universe par The Universe adventure.
 
L’énergie noire accélère l’expansion par le CNRS.
 
Et pourtant il accélère ! article de la Recherche.
 
L’accélération de l’expansion de l’Univers.
 
Supernovae: The Stellar Route to Understanding Dark Energy Part 1: The Fundamental Role of Type Ia Supernovae
 
Spectra and HST light curves of six type Ia supernovae at 0.511 < z < 1.12 and the union2 Compilation
 
Cosmologie avec les supernovae Ia présentation pdf de Pierre Astier de l’IN2P3.
 
Énergie Noire, qui es tu? Par P Astier de l’IN2P3.
 
Supernovae, Dark Energy, and the Accelerating Universe
 
Optical spectra of Supernovae by Alexei V. Filippenko de Berkeley
 
Le spectrographe SNIFS voit sa première supernova.
 
BigBOSS the ground-based Experiment présentation pdf.
 
BigBOSS Receives Favorable Review from the National Optical Astronomy Observatory
 
Distances et Horizons cosmologiques Red-Shift et vitesses de récession par Ph Magne ; présentation ppt.
 
 
 
 
Bon ciel à tous
 
 
Jean Pierre Martin   Président de la commission de cosmologie de la SAF
www.planetastronomy.com
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