Mise à jour le 7 Septembre 2012
 
CONFÉRENCE
"L’EXPLORATION PLANÉTAIRE EN EUROPE 
UN ÂGE D’OR, UNE MÉTÉO INCERTAINE"
Par Yves LANGEVIN
de l’IAS (Institut d’Astrophysique Spatiale)
Organisée par l'IAP
98 bis Av Arago, Paris 14ème
 
Le mercredi 4 Septembre 2012 à 19H30
 
Photos : JPM. pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos
Vidéo de la conférence par le CERIMES disponible sur leur site quelques jours après (le CERIMES propose aussi toutes les vidéos des conférences IAP) :      voir : http://www.cerimes.fr/le-catalogue/institut-dastrophysique-de-paris-iap.html
 
 
 
BREF COMPTE RENDU
 
Belle salle pour la rentrée des conférences publiques de l’IAP.
 
 
 
Yves Langevin, descendant de la célèbre Marie Curie et du physicien Paul Langevin, est planétologue et Directeur de l’IAS.
Il est impliqué depuis 1973 dans les programmes spatiaux.
 
Il nous fait ce soir un résumé de la politique spatiale européenne, ses échecs, ses succès et son avenir.
 
L’exploration spatiale, devient de plus en plus compliqué au cours du temps et suivent généralement cette progression :
·        Mission de survol puis (par ex les premiers Mariner de Mars)
·        Envoi d’un orbiter (Mariner 9 autour de Mars par ex) puis
·        Un atterrisseur (Viking) puis
·        Retour d’échantillons (en attente pour Mars)
 
 
 
 
 
 
LE DÉBUT DE L’ÉPOPÉE SPATIALE EUROPÉENNE.
 
En 1961 création du CNES en France.
 
En 1962 création d’une première agence européenne, l’ELDO puis l’ESRO, échec et confusion car trop politique et pas assez scientifique.
 
Enfin en 1975, l’Agence Spatiale Européenne , l’ESA est mise sur pied.
Elle participe à des programmes américains et soviétiques et peut aussi analyser des échantillons lunaires.
 
La vraie décennie utile va être celle des années 1980 avec la rencontre avec la comète de Halley qui repasse à proximité de la Terre en 1986. Elle va donner lieu à de nombreuses missions ; dont celle de la toute jeune ESA : la mission Giotto.
La NASA devait collaborer avec l’ESA sur cette mission, mais elle abandonna sa participation, on se retrouve donc seul.
La Russie va lancer elle aussi des sondes vers Halley : ce sera Vega 1 et Vega 2, les Japonais aussi.
 
Bref, on y va seul, et après le lancement en Juillet 1985, on survole la comète le 13 Mars 1986, on passe à 600km du noyau, si près que la caméra est détruite mais pas la sonde qui va vivre jusqu’en Juillet 1992 et permettre le survol d’une autre comète.
Voir le film de la rencontre.
 
Énorme succès pour la toute jeune Europe spatiale.
 
 
LA DÉCENNIE MERVEILLEUSE.
 
Dans cette décennie 1980-1990 l’ESA participe aussi à des missions soviétiques qui ont eu peu de succès comme Phobos 1 et 2 (perdus) ou Mars 1992 qui s’est transformé en Mars 1996 (échec au lancement).
 
Rôle important tenu par Roger Maurice Bonnet Directeur scientifique de l’ESA à partir de 1983.
 
Il a une grande vision et définit le programme Horizon 2000 qui donne une perspective sur 20 ans pour l’exploration spatiale européenne.
Il arrive à faire doubler le budget de l’ESA en 10 ans, fin 1995 budget : 350 M€.
 
 
Mise au point de nouvelles missions essentielles comme :
 
·        Cassini-Huygens vers Saturne et Titan avec les Américains

·        VESTA survol de l’astéroïde avec les Soviétiques, mais l’URSS s’effondre le projet aussi, mais l’idée sera reprise par la NASA cela deviendra DAWN.

·        Rosetta sélectionnée en 1993 pour un survol/atterrissage sur un noyau de comète.
 
Arrêtons nous un instant sur le programme Rosetta.
 
 
 
 
 
Le programme Rosetta.
 
En 1991, la NASA annule (encore une fois !) la mission CRAF prévue pour une rencontre cométaire ainsi que sa participation à l’autre mission Comet Nucleus Sample Return.
L’Europe décide d’y aller seule, et en moins de deux ans redéfinit une nouvelle mission : Rosetta.
Le OK est donné en 1993 pour un lancement en 2003.
Problème : on n’a pas de générateurs nucléaires pour alimenter la sonde (sujet sensible en Europe surtout avec nos amis Allemands) il faut donc développer d’énormes panneaux solaires (on est loin du Soleil pour le rendez vous !).
Puis, problème avec la nouvelle version d’Ariane, on retarde le lancement, il faut changer de comète au lieu de Wirtanen on choisit une comète avec un nom imprononçable : Churyumov Gerasimenko.
Lancement en Février 2004, mais retard de rendez vous de trois ans. RV prévu en 2014.
 
En fait on perd du temps à cause du plan de lancement par Ariane et du fait que son troisième étage n’était pas réallumable (à l’époque)
 
Ce point étant pas très clair pour moi, j’ai demandé plus d’explication à Yves Langevin sur ce sujet, voici sa réponse très explicite :
 
 
 
Les deux questions sont liées : Ariane 5 n'étant pas réallumable, l'asymptote de départ est proche des antipodes de Kourou (45° entre le lancement et le "vrai" périgée + 135° entre le périgée et l'asymptote de l'hyperbole). Il est donc très difficile d'être très loin de 5°S (Kourou: 5°N), avec en prime des problèmes d'évite du Brésil pour la retombée du 1er étage.

Les Russes (site à 45°N) et les Américains (site à 26°N) partiraient toujours avec une vitesse orientée très au sud de l'équateur, et n'ont tout simplement pas le choix : ils lancent d'abord sur une orbite quasi-circulaire (45° d'inclinaison depuis Baïkonour).
C'est l'heure de lancement qui est totalement bloquée (2 min pour Baïkonour) car il faut que le plan de cette orbite circulaire contienne l'asymptote de départ de la Terre. 
 
 
 
On attend ensuite d'atteindre le point situé à 135° avant l'asymptote souhaitée, et on réallume le 3ème étage. Les performances sont moins bonnes qu'Ariane 5 pour une orbite équatoriale (la vitesse de rotation de la Terre est moins bien utilisée). Par contre, pour les russes, toute déclinaison (angle par rapport à l'équateur terrestre) de 45°S à 45°N donne la même masse en transit interplanétaire.

Pour Ariane 5, il faut faire des contorsions très coûteuses pour sortir de l'équateur ("dogleg" : on fait tourner de force la trajectoire en poussant de côté) et la performance en masse diminue très rapidement vers le Nord, moins rapidement vers le Sud.

Pour un lancement loin de l'équateur (cas le plus fréquent : Rosetta, BepiColombo et Juice 2022 sont dans ce cas), il faut donc lancer dans l'équateur 1 an avant la date du transfert, revenir à la Terre avec la même vitesse (typiquement 3,4 à 4 km/s) et utiliser un survol de la Terre pour orienter la vitesse de départ dans la même direction. Ceci allonge d'un an la durée de la mission.
 
 
Voici donc la trajectoire adoptée par Rosetta pour atteindre la comète.
 
Notons qu’elle a survolé deux astéroïdes :
·        Steins en Septembre 2008 et
·        Lutetia en Juillet 2010.
 
 
Actuellement, Rosetta est en phase d’hibernation qui va durer 3 ans pour le réveil avant le rendez vous de 2014.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
QUELQUES COUPS DURS ET DE L’ESPOIR.
 
En 1992, échec de la mission de la NASA Mars Observer, contact perdu.
 
Échec des missions russes Mars 96.
 
Échec en 1998 de Mars Climate Orbiter de la NASA, erreur de navigation : confusion entre inch et mm !!!
 
Échec de Mars Polar Lander de la NASA en 1999, erreur informatique à l’entrée dans l’atmosphère.
 
Ces échecs martiens conduisent à l’annulation de la mission commune InterMarsnet.
 
Mais des consolations :
 
La caractérisation de la mission mercurienne BepiColombo de l’ESA.
 
La mission Mars Express qui va être un grand succès est sélectionnée par l’ESA en 1998 pour un lancement en 2003.
 
 
La mission Mars Express.
 
Motivation de cette mission : après les différents échecs martiens et le succès retentissant de Pathfinder, l’Europe veut s’impliquer plus sur Mars, cela devient une priorité.
 
Beaucoup de temps et d’argent avaient été investi dans la mission Mars 96 (qui fut un échec), si bien que de nombreux instruments avaient été fabriqués en double. On peut en récupérer 5 :
·        La fameuse caméra allemande haute résolution HRSC
·        Le spectro imageur OMEGA
·        Le spectro IR PFS
·        Le spectro UV SPICAM
·        L’étude de plasma ASPERA
Ils vont servir de base à la construction (rapide ! sélection 1998, lancement 2003) de cette mission.
On va y ajouter un radar américain : MARSIS.
 
On lui adjoint un atterrisseur anglais (Beagle), fabriqué un peu rapidement et mal testé, ce sera le seul échec de cette mission.
 
 
 
 
C’est un succès majeur pour l’Europe.
 
 
Voici le site d’atterrissage de Curiosity qui avait la faveur des Français (Mawrth Vallis), il n’a pas été retenu, Gale Crater semblant plus prometteur.
 
 
 
 
 
 
 
 
La mission BepiColombo.
 
Combien d’entre vous connaissent ce nom?
Peu je pense, c ’est un pionnier Italien de l’espace, professeur à l’Université de Padoue :
·        Il a trouvé l’explication de l’étrange rotation de Mercure
·        Il a mis au point pour la Nasa la trajectoire originale de Mariner 10
 
Il meurt en 1984, l’ESA en son honneur baptise le projet mercurien
 
Ce projet comporte 2 orbiteurs un atterrisseur avait été prévu (le MSE Mercury Surface Lander) mais à cause de restrictions budgétaires a été annulé. L'ensemble pèse plus de 3 tonnes et a 5m de haut.
Le MPO (Mercury Planet Orbiter) en orbite basse pour photo et étude
Le MMO (Mercury Magnetosphere Orbiter) pour analyser les particules
 
Elle réside dans la propulsion de cet engin, elle combine 3 types de propulsions:
·        Moteur ionique (croisière) comme Deep Space 1 et sur la sonde européenne SMART-1
·        Propulsion chimique (mise en orbite)
·        Assistance gravitationnelle (Lune Terre Vénus)
 
Il y a de grosses difficultés de développement.
·        La propulsion change (ionique)
·        La taille change grâce à Ariane : 4000kg
·        Le lancement est retardé de 6 ans (2015 pour une arrivée en 2022), 2 survol de Vénus, 3 survols de Mercure.
·        Budget augmenté de 50%.
 
Mais c’est un OK de l’ESA.
 
 
La mission JUICE : un succès très récent (juillet 2012 !).
 
 
 
Nous en avons longuement parlé dans ces colonnes.
 
Après que la NASA se soit retirée (comme d’habitude) l’Europe se retrouve seule pour aller explorer les deux lunes de Jupiter : Ganymède (orbite) et Europe (survol).
 
Ces deux lunes glacées sont très prometteuses, car elles possèdent un océan d’eau liquide sous la croûte glacée.
 
Lancement prévu en 2022. avec Ariane 5, voyage d’une durée de dix ans !
 
 
 
 
 
 
 
 
Le programme ExoMars.
 
La NASA se retire, difficultés sur ce programme.
 
C’est une mission d’exobiologie.
 
Budget…les coûts dérapent.
 
Nombreuses incertitudes. ExoMars en attente de décisions.
 
 
CONCLUSIONS : UN AGE D’OR POUR L’EUROPE.
 
 
 
 
Le graphique se couvre de vert (les missions ESA) par rapport au graphique précédent des années 1980.
 
L’Europe est devenu un acteur incontournable de la technologie spatiale.
Les missions en cours :
·        Mars Express
·        Cassini
·        Venus Express
·        Rosetta
Les missions sélectionnées :
·        BepiColombo
·        Hayabusa (coop avec le Japon)
·        Insight
·        Juice
·        Exo Mars
 
 
 
Mais, mais… l’Europe subit une crise sans précédent, cela aura-t-il une conséquence sur les programmes spatiaux ??
 
Alors…croisons les doigts !
 
 
POUR ALLER PLUS LOIN :
 
Le portail de l’ESA.
 
L’histoire d’Ariane.
 
Les orbites d’Ariane.
 
L’actualité Mars Express sur ce site.
 
 
 
 
Bon ciel à tous !
 
 
Jean Pierre Martin .Commission de Cosmologie de la SAF.
www.planetastronomy.com
Abonnez-vous gratuitement aux astronews du site en envoyant votre nom et e-mail.