Les photos des slides sont de la présentation
de l'auteur.Voir les crédits
des autres photos et des animations.
Le conférencier a eu la gentillesse de nous
donner sa présentation, elle est disponible sur
ma liaison ftp et s'appelle : Sirois-SAF-Higgs.pdf, elle est dans le
dossier CONF-MENSUELLES-SAF/ saison 2013-2014. .
Une
salle bien pleine comme presque toujours maintenant !
Yves
Sirois est l’une des rares personnalités qui a réellement participé in
situ à la découverte du boson de Higgs au sein de son équipe de l’expérience
CMS et qui dès le mois de Juin 2012 savait qu’on allait annoncer cette
fabuleuse découverte.
Merci
à lui de nous consacrer un peu de son temps.
·Naissance
d’un paradigme : L’origine de la lumière
·Théorie
des champs
·Le LHC et
les grandes expériences
·L’origine
de la masse
·Découverte
et perspectives
L’aventure
de la matière a commencé plusieurs siècles avant notre ère et s’est
poursuivie jusqu’à maintenant pour aboutir aux quarks et leptons.
D’un
questionnement sur la structure de la matière, on a abouti aujourd’hui à
un quête des origines mêmes de la matière et des interactions Le
boson de Higgs est la clef de voûte de cette révolution conceptuelle
Dans
le monde de la physique des particules, il existe deux entités : les
fermions et les bosons.
·Les Fermions
sont des particules liées à la matière, ce sont tout ce que l’on connaît
: les atomes et les molécules
·Les Bosons,
sont principalement les « messagers » des forces de la nature
(qui sont au nombre de 4) le photon de lumière est le plus connu de tous
En gros : fermion
= matièreboson =
messagers de force
On
ne sait pas trop pourquoi les fermions (que sont les leptons et les quarks)
existent en trois familles, dont seule la première (c’est à dire électron,
quark up et quark down) correspond à de la matière stable.
En
ce qui concerne les 4 forces (ou interactions) de base ce sont :
·l'interaction
gravitationnelle, responsable de la pesanteur, règne sur l’Univers. Portée
illimitée
·l'interaction
électromagnétique, responsable de l'électricité, du magnétisme, de la
lumière et responsable de la cohésion des êtres vivants Transportée
par le photon. Portée illimitée.
·l'interaction
forte, responsable de la cohésion des noyaux atomiques, très puissante.
.Courte portée.
·l'interaction
faible, responsable de la radio-activité bêta, qui permet au
Soleil de briller. Courte portée.
L’origine
des interactions de courtes portées est fondamentalement liée à la
question de l’origine de la masse .
NAISSANCE D’UN PARADIGME :
L’ORIGINE DE LA LUMIÈRE.
Cela
a commencé avec Maxwell et l’unification de l’électricité et du magnétisme,
avec la notion de champ électrique et de champ magnétique. On a noté une
symétrie entre les équations de ces deux forces.
La
lumière est une onde électromagnétique, conséquence de l’unification
de l’électricité et du magnétisme
La
notion de champ est une notion fondamentale en physique.
NDLR :
Un
champ est associé à une propriété physique (une valeur mesurable) en
tout point de l’espace-temps.
On
dit que l’on a affaire à un champ
scalaire, lorsque la grandeur mesurable est une valeur numérique,
comme le champ des pressions ou des températures.
On
dit que c’est un champ
vectoriel lorsque la grandeur mesurable est caractérisée par un
vecteur, comme un champ de vitesse (une vitesse à une valeur absolue et une
direction)
Cette
unification mène à deux des grandes révolutions du XXème siècle :
La
relativité restreinte d’Einstein :
Les
équations de Maxwell sont invariantes pour un changement de repère galiléen
(transformation de Lorentz). Cela implique que la vitesse de la lumière
(photons de masse nulle) doit être la même quelque soit les repères.
Énergie
et masse sont deux aspects d’une même entité.
La mécanique quantique :
La
stabilité des orbites des électrons de l’atome implique la
quantification. La dualité onde corpuscule est introduite par De Broglie.
Énergie et temps sont liés pas la relation d’incertitude de Heisenberg.
Sur le chemin de la physique moderne : Dirac effectue le mariage de ces
deux révolutions conceptuelles.
Le
mariage mène à l’électrodynamique quantique (QED)
La
mathématicienne Allemande Emmy
Noether établit en 1918 ce théorème qu’Einstein lui même qualifia
de monument de la pensée mathématique.
Elle
a imaginé que derrière chaque symétrie se cache un invariant et en déduisit
son théorème qui établit un lien entre les symétries et les lois de
conservation.
C’est
ainsi que l’on peut établir des correspondances entre symétries et
invariants :
SYMÉTRIES
LOI
DE CONSERVATION
Translation
dans le temps
Conservation
de l’énergie
Translation
dans l’espace
Conservation
de l’impulsion
Rotation
Conservation
du moment cinétique
Invariance
de jauge
Conservation
de la charge électrique
Dans
une théorie de jauge, il y a un groupe de transformations des variables qui
laisse la physique du champ quantique inchangée.
Cette
condition est appelée invariance
de jauge.
La
première théorie ayant une symétrie de jauge était l’électrodynamique
classique de Maxwell.
Imposer
l’invariance de jauge pour une théorie des électrons implique
l’existence des interactions électromagnétiques
THÉORIE DES CHAMPS.
L’électrodynamique
quantique (quantum electrodynamics = QED) est aussi une théorie de jauge.
Le
modèle standard est une théorie des champs basée sur des symétries de
jauge.
Les
symétries de jauges fixent la nature des interactions
Toutes
les particules de matière (fermions) et d’interaction (bosons) sont des
quanta d’excitation de champs.
Les
particules sont les excitations d’un champ.
Les
champs sont présents dans tout l’Univers.
Les électrons sont
identiques dans tout l’Univers car tous quanta d’un seul et même champ.
Les fluctuations quantiques
du champ implique que le vide (absence de particules réelle) contient une
« mer » virtuelle de particules et d’anti particules.
La
force électrofaible est l’unification des forces électromagnétique et
faible. (Prix Nobel 1979)
Au
tout début de l’Univers, la température étant extrêmement élevée
(donc les énergies très fortes) ces deux forces étaient unifiées.
Ces
deux forces sont d’apparence très différentes, la force électromagnétique
est de portée infinie, par contre la force faible ne joue qu’au niveau
atomique.
Mais
aux échelles d’une centaine de GeV, elles sont du même ordre de grandeur :
l’unification donne
la force électrofaible
La
force électrofaible est basée sur un groupe de jauge (appelé SU(2)
U(1)) dont les transmetteurs sont les bosons Z et W±pour l’interaction faible et le photon g pour l’interaction électromagnétique.. Mais un problème apparaît :
les bosons de jauge devraient être de masse nulle d’après la théorie,
ce qui n’est manifestement pas le cas.
On
ne peut pas introduire la masse directement dans la théorie.
On
ne peut pas se passer de connaître l’origine de la brisure de symétrie
de la force électrofaible.
La
réponse sera apportée notamment par Robert Brout, François Englert, et
Peter Higgs en 1964, en introduisant un nouveau champ, un champ scalaire dit
de « Higgs », qui induit une brisure spontanée de symétrie électrofaible.
Brisure
de symétrie : EWSB = Electroweak Symmetry Breaking
Une
autre analogie pour comprendre la brisure de symétrie : dans de l’eau
liquide les molécules H2O possèdent une certaine symétrie ; plus on
descend en dessous de zéro degré (surfusion), cette eau va passer à un
moment donné d’elle même à l’état solide, la symétrie des molécules
d’eau a changé ; il y a eu brisure spontanée de symétrie.
De
même l’exemple classique d’une table ronde dans un banquet, avec
couverts et verres. Personne ne sait quel verre il faut prendre, celui de
droite ou celui de gauche ; dès qu’un convive s’empare d’une
verre, la symétrie est spontanément brisée….
Le mécanisme de
Brout-Englert-Higgs (BEH) permet de résoudre ce problème de brisure de symétrie
électrofaible tout en préservant les symétries de jauges.
Les bosons Z et W±
acquièrent une masse, le photon reste de masse nulle.
Les quarks et les leptons ce
couplent au nouveau champ scalaire et acquièrent ainsi une masse
Un
des buts ultimes du LHC est de mettre en évidence ce champ de Higgs (ou le
boson de Higgs).
LE LHC ET LES GRANDES EXPÉRIENCES.
C’est
le domaine des hautes énergies et des collisionneurs.
Ils
nous permettent :
·de sonder
la matière à plus petite distance par exemple 1 TeV correspond à des
dimensions de l’ordre de 0,001fm
(un fm= fermi= 10-15m)
·créer de
nouvelles particules massives (grâce à E=mc2)
·d’étudier
les très hautes températures : 1 TeV correspondant à 1017K !
Les
accélérateurs sont le nouveaux microscopes pour étudier la matière du début
de l’Univers.
Le
CERN est un laboratoire mondial occupant près de 9000 scientifiques de 58
pays et dont la figure de prou est le collisionneur de Hadrons le LHC,
anneau géant de 27km de circonférence situé à 100m sous terre.
Structure
du LHC.
Parcours
des particules dans CMS
Deux
énormes détecteurs sont les instruments les plus importants du LHC, mais
il y en a beaucoup d’autres (notamment LHC-B et ALICE) !
L’expérience
ATLAS (Photo : CERN)
L’expérience
CMS (photo : CERN)
Des
chiffres qui donnent le tournis :
Le
nombre de données pas seconde est incroyablement énorme : 1 Gigabit !
1232
dipôles de 15t de 8,3 Tesla (100.000 fois le champ terrestre !)
392
quadripôles
14
TeV possible avec 362 MJ de puissance stockée (un Airbus à
l’atterrissage)
croisement
de paquets de protons toutes les 25 ns, faisceaux de 10 microns au point de
croisement
refroidissement
à l’Hélium superfluide (1,9K) dans un vide plus poussé que l’atmosphère
lunaire !
Le
collisionneur est un outil pour rechercher la signature de la présence du
boson de Higgs dans les chocs proton-proton.
Les
principaux objectifs du LHC sont donc :
·Comprendre
l’origine des masses en mettant en évidence le boson de Higgs.
·Étudier la
matière au tout début de l’Univers lorsqu’elle n’était qu’un
plasma de quarks et de gluons.
·Expliquer
l’asymétrie matière-antimatière.
·Trouver la
nature de la matière noire.
Mais
c’est un tri très sélectif : il se produit 600 millions d’évènements par seconde, on en sélectionne
100.000 qui pourraient être intéressants, on traite ces informations plus
finement dans de nombreux calculateurs, et il en reste à la fin une centaine par seconde !
L’ORIGINE DE LA MASSE.
Comment
expliquer que certaines particules soient massives et d’autres sans masse ?
C’est
le challenge de la fin du XXème siècle pour la physique des particules.
L’explication
fait intervenir la notion de symétrie.
Au
tout début de l’Univers, toutes les particules étaient toutes sans
masse.
Dans
la théorie développée par Higgs et ses collègues, l’existence d’un
champ scalaire induit une brisure spontanée de symétrie quand l’univers
s’est suffisamment refroidi.
Ce
champ scalaire (appelé champ de Higgs) est présent dans tout l’Univers.
Il
est responsable de la brisure de symétrie de la force électrofaible.
Il
donne une masse aux bosons Z et W.
Les
fermions élémentaires (électrons, quarks) interagissent avec ce champ et
acquièrent une masse.
L’état
de plus basse énergie (où la bille sera à l’équilibre) n’est pas au
centre, mais à un point dont le champ n’est pas nul, dans le creux du
chapeau : :l’état
stable correspond à une valeur non-nulle de ce champ présent dans tout
l’univers.
Le
champ de Higgs (boson de Higgs) est essentiel :
·Il permet
d’assurer la viabilité de la théorie des interactions fondamentales (le
modèle standard).
·Il permet
de différencier les forces électromagnétique et faible.
·Il donne de
la substance à la matière en procurant une masse à certaines particules.
·Il
introduit la notion de vide au cœur de notre récit de l’Univers.
Le photon n’interagit pas
avec le champ de Higgs, sa masse est donc nulle et sa portée infinie.
Le champ de Higgs apparaît
10-12 sec après le BB.
Voici
comment on pourrait représenter une brève histoire de l’Univers telle
qu’on l’imagine en ce début de XXIème siècle.
LA DÉCOUVERTE DU BOSON DE
HIGGS.
Quelques
étapes qui ont mené à la découverte du Higgs.
1964 ;
Brout, Englert et Higgs élabore le mécanisme de brisure de symétrie électrofaible
introduisant le champ scalaire
1983 :
les bosons Z et W sont découverts au CERN
1995 :
découverte du quark top au Tevatron de Chicago
2012 :
découverte du boson de Higgs au LHC (CMS et ATLAS) après des millions de
milliards de collisions et des centaines de millions de collisions intéressantes
stockées pour analyse détaillée.
En
fait on cherchait la signature de la présence d’un boson de Higgs dans
une collision ; il y en a de plusieurs types, en fait 5.
Lorsque
le Boson de Higgs se désintègre, il émet 2 particules qui vont dans deux
directions opposées : soit
·Une paire
de photons gamma, rare (point violet)
·Une paire
de bosons Z, très rare (bleu) qui va donner ensuite un mode très rare à
quatre leptons
·Une paire
de quarks bottom et anti bottom, abondant (noir)
·Une paire
de leptons Tau, abondant (rouge)
·Une paire
de bosons W, très abondant (vert) qui va donner ensuite un mode à 2
leptons et 2 neutrinos.
Courbe
représentant les probabilités en fonction de la masse supposée du Higgs,
d’avoir les différents types de désintégrations du Higgs.
Et
les équipes de CMS et ATLAS se mirent à entasser les évènements avec le
succès que l’on sait : le 4 Juillet 2012, annonce officiel de la présence
du boson de Higgs, cela
vous a été relaté sur ce site en presque direct.
Mais
en fait , bien avant, on supposait cet heureux dénouement, comme notre conférencier
Yves Sirois, fêtant avec ses collègues du labo la présence de Higgs dès
le 14 Juin dans la désintégration ZZ en 4 leptons (d’où le titre 4l).
Je
ne peux m’empêcher de vous remontrer les graphes indiquant la présence
de cette particule aux alentours de 125GeV.
La
présence du boson de Higgs est annoncée dans ces deux petites bosses
figurant sur la distribution des évènements en fonction des masses des
particules.
Il
est intéressant (et fondamental) de noter, que cette découverte confirme
les masses des particules existantes, comme on le voit sur ce graphique.
Il
y a excellente correspondance avec le modèle standard (MS).
CONCLUSION.
Le
champ de Higgs a permis de valider le modèle standard en faisant acquérir
aux particules une masse.
Cela
nous permettra t-il d’aller encore plus loin vers
une grande unification alliant l’électrofaible et la force forte,
puis de façon ultime en incluant la gravitation ?
Mais
nous avons encore quelques ( !) questions en suspens notamment :
·l’asymétrie
matière/antimatière
·la nature
de la matière noire
·l’explication
de l’énergie noire
·etc…
Bref
encore du travail pour les astrophysiciens du XXI ème siècle.
Cette
théorie prédit que chaque particule possède une particule « supersymétrique »
de masse différente, ce modèle pourrait combler certaines lacunes du modèle
standard. Elle pourrait permettre de relier fermions et bosons.
Bref
un nouveau champ d’étude pour le LHC.
Merci
à Yves Sirois pour cette époustouflante présentation.