Mise à jour le 15 Mai 2015

CONFÉRENCE
«LES SURSAUTS GAMMA»

Par Frédéric DAIGNE Astrophysicien IAP  professeur à l’Université P et M Curie

Organisée par l'IAP

98 bis Bd Arago, Paris 14ème

 

Le Mardi 5 Mai 2015 à 19H30

 

Photos : JPM pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)

Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos

Vidéos des conférences proposées par l’IAP sur Canal U

 

BREF COMPTE RENDU

 

 

 

 

 

Frédéric Daigne est astrophysicien à l’IAP, il a passé sa thèse sous la direction de Robert Mochkovitch, sur les sursauts gamme justement.

 

Un post-doc au Max Planck Institute à Muniche, puis un passage au CEA Saclay avant d’aboutir à l’IAP.

Où il devient Directeur adjoint.

 

Il est aussi professeur à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI).

 

C’est un spécialiste de la modélisation physique des sursauts gamma, ces flashs très intenses de rayons gamma, tellement brillants que l’on peut les détecter à très grande distance et donc les utiliser pour étudier l’univers lointain.

 

Il s’intéresse aussi à l’évolution de la matière ordinaire (les baryons) dans l’Univers, depuis la formation des premières étoiles jusqu’à aujourd’hui

 

 

 

LA MORT DES ÉTOILES.

 

Les sursauts gamma (Gamma Ray Burst GRB en anglais) sont les évènements les plus violents de l'Univers depuis le Big Bang, ce sont des "flash" de rayonnements gamma (comme la lumière mais en beaucoup plus énergétique) qui durent un très court instant et sont produits dans des galaxies très distantes (heureusement!).

 

Ils correspondent à la fin de vie de certaines étoiles.

 

Une étoile banale comme notre Soleil, transforme en permanence son Hydrogène en Hélium en produisant de l’énergie (transformation faiblement efficace d’ailleurs) : lors de cette réaction, 26,2 Mev sont produits ce qui correspond seulement à 0,7% de mc2, ce que l’on pourrait attendre de la transformation intégrale de la matière en énergie.

 

La fin de vie d’une étoile similaire au Soleil, quand elle aura consommé tout son Hydrogène, dans 5 milliards d’années, elle s’éteindra lentement en gonflant (géante rouge) puis explosera (nébuleuse planétaire)

Il ne restera qu’une mini étoile au centre : une naine blanche, c’est-à-dire une étoile très compacte

 

Mais pour les étoiles massives (supérieures à 10 masses solaires), la fin est différente.

 

NDLR :

À la fin de sa vie, notre étoile massive n'ayant plus d'Hydrogène à brûler, son équilibre va être rompu, la gravitation devient dominante, et la contraction du cœur qui en résulte va faire augmenter sa température; l'étoile va se mettre à brûler ses "cendres", l'Hélium; jusqu'à produire de nouveaux éléments plus lourds comme le Carbone, puis l'Oxygène, puis le Silicium etc.

Quand un combustible est épuisé, l'étoile s'effondre sur elle-même. Se produit une nouvelle élévation de température, et donc nouvelle combustion etc..

Les éléments les plus lourds vont au centre de l’étoile.

Notre étoile possède alors une structure d'oignon avec les éléments les plus lourds au centre.

On arrive ensuite toujours par fusion au Fer, élément très stable. Là s'arrête cette production d'éléments lourds.

Au-delà, les réactions de fusion ne libèrent plus d’énergie mais en consomment

Cela ne peut se produire qu'avec une étoile massive et non pas avec une étoile comme le Soleil, qui suit un autre chemin, plus calme.

 

À un certain moment l’effondrement s’arrête, la couche la plus profonde est en Fer.

Lorsque la masse de ce noyau de Fer dépasse une certaine limite (1,4 masse solaire), il implose!

Les couches extérieures sont attirées par le centre, se produit alors une sorte de rebond de ces couches sur les couches internes.

Analogie : le soufflé sorti du four retombe!

Une onde de choc très énergétique se propage vers l’extérieur.

Énergie colossale, température de centaine de milliards de K    Luminosité = celle d’une galaxie entière

 

Une super nova est née!

 

Le cœur qui s’effondre va devenir dans la plupart des cas une étoile bizarre

Une étoile à neutrons  La gravité devient si forte que la plupart des particules se transforment en neutrons

Elle a un diamètre de quelques km!!!!

Si la masse de ce cadavre d’étoile est très importante Alors la gravité est tellement forte que même la lumière ne peut plus s’échapper

C’est devenu un TROU NOIR

 

 

 

Cet effondrement gravitationnel est très efficace au point de vue énergie, il correspond à 10% de mc2.

 

 

 

ASTRONOMIE X ET GAMMA.

 

Ces rayonnements sont respectivement mille et un million de fois plus énergétiques que le visible.

 

Mais l’atmosphère terrestre arrête les rayonnements X et gamma, pour les étudier il faut donc quitter la Terre et aller dans l’espace.

 

Cela donnera naissance notamment aux satellites en X comme XMM-Newton de l’ESA et en gamma comme l’ancêtre CGRO et plus récemment Swift ou Fermi de la NASA.

 

 

 

 

 

Il est intéressant de comparer le ciel vu dans différentes longueurs d’onde, voici une illustration de la NASA à ce sujet

 

 

LES SURSAUTS GAMMA.

 

 

Ils ont été détectés pour la première fois dans les années 1960 lors de la guerre froide, en effet suite au traité sur les essais nucléaires atmosphériques de 1963, les américains espionnaient les possibles explosions nucléaires soviétiques et avaient truffé l'espace de détecteurs (projet VELA). Un jour on frôla la crise, les détecteurs avaient "entendu" des émissions gamma (qui en principe sont le résultat d'une explosion nucléaire) qui ne pouvaient pas être attribuées à la partie adverse.

 

Les premiers sursauts gamma étaient découverts, ouf on avait eu chaud!

 

 

La publication correspondant à cet évènement ne fut publiée qu’en 1967 !

 

Mais qu’est ce donc un sursaut gamma ?

 

 

http://www.planetastronomy.com/special/supernovaiap%20%20report%20oct2004_fichiers/image025.gif

Les sursauts gamma (ou GRB) sont des flash très énergétiques de rayonnement gamma.

Ils sont classés en deux catégories :

·        Les GRB courts : moins de 2 sec

·        Les GRB longs : plus de 2 sec.

 

Ci contre une animation par feu le satellite Compton-BATSE (Burst and Transient Source Experiment) d'un GRB de 5 secondes de durée.

 

 

 

 

 

Ces sursauts gamma sont détectés aujourd'hui par d’autres satellites comme :

·         BATSE à bord de CGRO

·         Beppo –SAX (de 1996 à 2002)

·         HETE-2 (de 2000 à 2006)

·         INTEGRAL (lancé en 2002)

·         SWIFT (lancé en 2004)

·         FERMI (lancé en 2008)

 

 

 

Ils fournissent en temps réel la position du lieu ce qui permet de pouvoir étudier à partir de télescopes terrestres les rémanences (afterglow) de ces explosions.

 

 

Voici un exemple de spectre pris par Fermi dans différentes longueurs d’onde.

 

Il appartient au sursaut noté GRB 080916C du 16 sept 2008.

 

Les deux courbes du haut correspondent à l’instrument GBM (Gamma-ray Burst Monitor) et les trois du bas au LAT (Large Area Telescope) de Fermi.

 

 

Crédit: Abdo et al. 2009

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les spectres sont non thermiques, c’est à dire qu’ils ne correspondent pas à celui d’un corps noir, ils sont émis par des particules accélérées.

La question se pose alors de savoir quel est l'événement qui produit le GRB?

Il y a principalement deux causes : des étoiles très massives qui s'effondrent en trou noir, ou des systèmes stellaires binaires (coalescence) comportant soit une étoile à neutrons soit un trou noir.

La première catégorie est généralement accompagnée d'un GRB et donne des sursauts "longs" et la deuxième des sursauts "courts".

Les courbes de lumière sont variables aussi.

 

 

 

Se pose la question alors, d’où proviennent ces sursauts ?

 

 

On évoquait à l’époque trois hypothèses :

·         Dans le système solaire

·         Dans la galaxie

·         Dans des galaxies lointaines.

 

 

 

 

 

Mais localiser une source gamma n’est pas facile, il faudrait pouvoir comparer les directions avec deux détecteurs ou mieux avec deux satellites.

Plus récemment on utilise la méthode des masques codés et ce sont les ombres portées sur le détecteur. Une image de la source peut être alors reconstruite qui donnera l’information direction du GRB

 

 

Néanmoins, grâce à BATSE, on s'aperçoit rapidement que les sursauts sont répartis uniformément dans l'espace. (On comptera jusqu'à un sursaut par jour!)

Ces sursauts semblent provenir de très loin, sinon ils seraient plutôt répartis dans le plan galactique s’ils appartenaient seulement à notre galaxie. Ils sont donc probablement à distance cosmologique.

 

Ceci a provoqué dans les années 1995 un grand débat sur la distance de ces GRB; B. Paczynski était pour les distances cosmologiques et D Lamb non ; il avait tort.

 

 

Le satellite Beppo-SAX lors de l’observation en 1997 du sursaut GRB 970228 en rayons X, constate qu’il est suivi par une émission de lumière dans des longueurs d’onde différentes et notamment dans le visible, c’est la rémanence.

Cette rémanence décroît bien sûr avec le temps et rapidement d'ailleurs. Elles correspondent aux émissions dans le visible, les X et ondes radio qui suivent les GRB, celles ci peuvent durer de quelques jours à quelques mois.

 

Pour les mettre en évidence, les sursauts gamma sont d'abord détectés depuis l'espace et l'information est envoyée ensuite à un réseau terrestre de télescopes qui poursuit la collecte d'informations en sachant qu'une rémanence va se produire.

Ces rémanences donnent des indications sur la quantité de matière mise en jeu dans le GRB.

 

Cela permettait aussi de mesurer le redshift. On trouva alors z = 0,835 pour le sursaut de 1997.

Donc objet très loin situé à distance cosmologique.

D’ailleurs quand la rémanence s’éteint, on trouve à cet endroit une lointaine galaxie.

 

Si la distance est cosmologique, l’énergie émise sous forme de photons gamma doit être colossale.

 

On imagine entre 1044 et 1048 J !!!

 

Soit 100 fois plus que dans une super nova.

 

Cette énergie est émise pendant un très court laps de temps et sous forme de spectre non thermique, cela a pour conséquences :

·         Les sursauts gamma sont associés à un évènement cataclysmique donnant naissance à un objet compact (un trou noir)

·         La région d’émission est en mouvement relativiste.

 

De plus les GRB sont des phénomènes très rares, un pointe vers nous tous les 100 millions d’années !

 

 

 

 

MODÈLE PHYSIQUE DES SURSAUTS GAMMA.

 

 

Les sources sont très petites, des trous noirs.

Voilà ce que l’on imagine :

 

Une source centrale entourée d’un disque d’accrétion, éjecte de la matière relativiste dans un cône

 

Je reprends le texte de F Daigne sur son site :

 

En (1) un événement initial catastrophique (effondrement gravitationnel d’une étoile très massive en fin de vie ou coalescence d’un système binaire de deux étoiles à neutrons) conduit à la formation d’un trou noir de masse stellaire entouré d’un disque d’accrétion; (2) ce système trou noir + disque, par un mécanisme mal compris, éjecte de la matière à vitesse proche de celle de la lumière (phases 1 et 2 sur le schéma ci-contre). A grande distance de la source centrale, l’éjecta devient transparent (étape 3 du schéma) et peut donc éventuellement convertir une partie de son énergie cinétique en rayonnement ; (3) des ondes de choc se forment dans ce jet relativiste (chocs internes, étape 4 du schéma) et les électrons accélérés dans ces chocs émettent les photons gamma observés pendant le sursaut proprement dit; (4) le jet relativiste finit par être freiné par le milieu environnant. Deux nouveaux chocs se forment : un choc très violent qui se propage dans le milieu extérieur (choc externe, numéro 7 du schéma) et un choc en retour (numéro 5 du schéma) qui parcourt le jet. Une surface de discontinuité (numéro 6 du schéma) marque la frontière entre le milieu extérieur choqué et le jet. La rémanence est produite pendant cette phase de freinage. A la toute fin de son évolution (étape 8 du schéma), le jet devient non-relativiste, s’évase et on obtient sur le long terme un objet peu différent d’un reste de supernova.

 

Note: sur ce schéma, l’ordre de grandeur des distances est donné sur le côté gauche, par le logarithme de la distance en mètres (9 correspond donc à 1 milliard de mètres).

 

Bilan des modèles :

18 ans après la première mesure de distance, on peut dire que le scénario général est validé.

 

 

 

RÉSUMÉ :

 

Les sursauts gamma sont des explosions d’étoiles très puissantes situées aux confins de l’Univers

 

Ils sont associés à des évènements extrêmes comme des trous noirs

 

Ils sont sources de rayonnement non photonique

 

Ils peuvent être utilisés pour des tests de physique fondamentale ou de cosmologie.

 

 

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

 

Les sursauts gamma par JL Atteia et R Mochkovitch

 

Sursauts Gamma et cosmologie par R Mochkovitch IAP  le 14 Mai 2005 SAF/commission cosmologie

 

Swift, à l’assaut des sursauts gamma.

 

High-energy transients with Fermi/GBM par D Gruber du max Planck Institute.

 

GEORGE SMOOT : Early Light from GRB, Probe of the dawn of Universe.

 

Le site de Fermi.

 

L’Univers en gamma dans les archives du site.

 

 

 

 

Bon ciel à tous !

 

 

Jean Pierre Martin .Commission de Cosmologie de la SAF.

www.planetastronomy.com

 

Les autres CR des conférences IAP.

 

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