Mise à jour 19 Janvier 2015

 

 

CONFÉRENCE MENSUELLE DE LA SAF
 «VÉNUS, LA PLANÈTE OUBLIÉE ?»

Par Pierre DROSSART
Astrophysicien Directeur du LESIA  Obs de Paris

PI de l’instrument VIRTIS (Venus Express)

À l’AgroParisTech 16 rue C Bernard Paris 5.

Le Mercredi 14 Janvier 2015 à 19H00  Amphi Tisserand

 

Photos : JPM. pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)

Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos et des animations.

Le conférencier a eu la gentillesse de nous donner sa présentation, elle est disponible sur ma liaison ftp et s'appelle :

Venus-SAF-janv2015.pdf, elle est dans le dossier CONF-MENSUELLES-SAF/ saison 2014-2015. .

Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent me contacter avant.

 

Cette conférence a été filmée en vidéo (grâce à UNICNAM et IDF TV) et est accessible sur Internet

On la trouve à cette adresse   https://www.youtube.com/playlist?list=PL1ZHG2CIuv2fsKN7xm9IMpnnvZnbIdex6

 

 

 

 

 

 

Pierre Drossart est Directeur de recherches au CNRS et il est de l'Observatoire de Paris (du LESIA plus exactement) et est responsable de l'instrument imageur VIRTIS.

 

L'instrument VIRTIS est un instrument double : imageur et spectromètre IR à la fois.

 

On obtient une image et la composition en même temps, chaque longueur d'onde donne une information sur un corps particulier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA PLANÈTE VÉNUS.

 

Deuxième planète à partir du Soleil, elle est située à approximativement 100 millions de km de celui-ci.

 

C'est vraiment une sœur de la Terre :
Rayon de Vénus = 6052 km = 0,95 Terre

Masse Vénus = 0,8 Terre  Gravité sur Vénus = 0,9 celle de la Terre.

 

Mais les différences arrivent maintenant :

Période de rotation des nuages : 4 jours (super rotation) dans le même sens que la rotation de la planète. Période de rotation du sol (donc une journée de Vénus) : 243 jours (par rapport aux étoiles, mais 117j par rapport au Soleil).

Année vénusienne : 225 jours terrestres.

 

L’année est plus courte que le jour!!  Inclinaison 177°

 

 

 

Elle tourne donc très lentement, ce qui a pour conséquence de ne pas avoir d'effet dynamo du noyau ferreux et donc pas de champ magnétique. De plus, le mouvement de la planète est RÉTROGRADE.

 

 

On remarque trois couches de nuages situés entre 40 et 70 km d'altitude.

Au moins la couche supérieure est constituée de gouttelettes d'acide sulfurique! Sous les nuages : H2O et SO2.

 

Température de surface : 460°C 

La pression à la surface est énorme : 92 atm  .

 

L'atmosphère de Vénus: CO2 : 96,5%  N2 : 3,5%

 

Illustration : comparaison des pressions atmosphériques de la Terre et de Vénus.

 

 

 

Mais ce qui caractérise Vénus c'est sa température extrême due à l'effet de serre important à sa surface.

 

Les planètes comme la Terre, Vénus et Mars ont approximativement eu la même atmosphère originelle due au volcanisme : CO2, H2O, SO2 principalement.

Le CO2 et surtout H2O sont des gaz à effet de serre, c'est à dire, qu'ils sont en partie transparents au rayonnement solaire, et laissent donc ce rayonnement atteindre le sol de la planète, par contre, ils bloquent le rayonnement réémis par le sol (qui se trouve être dans l'Infra Rouge) augmentant ainsi la quantité de chaleur sur la planète.

 

En fait ce phénomène est un délicat équilibre; l'effet de serre était nécessaire sur Terre, sans cela la température moyenne au lieu d'être +15°C serait de –15°C ce qui aurait donné certainement un autre cours à la vie que nous connaissons. Bien entendu, c'est comme tout il ne faut pas en abuser, or sur Vénus il y a eu de l'abus.

 

 

Comparaison des effets de serre sur quelques planètes.

On voit que sans effet de serre la température d’équilibre sur Vénus serait de….-43°C !

75% du rayonnement solaire atteignant Vénus est réfléchi dans l'espace par la couche de nuages (son albédo est de 0,8), 15% est absorbé par l'atmosphère et 10% atteint le sol. C'est ce petit 10% qui se transforme au contact du sol en rayonnement IR et qui ne peut plus ressortir à cause de l'épaisse couche d'atmosphère, ce qui donne une différence de près de 500°C entre le sommet des nuages et le sol.

 

 

 

 

 

 

Profil de l’atmosphère de Vénus : due à l’énorme pression des gaz, d’autant qu’ils sont opaques aux IR.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’EXPLORATION SPATIALE DE VÉNUS.

 

Vénus a été depuis le début de l’ère spatiale une cible de choix, car très proche de nous ; de nombreuses missions (surtout soviétiques au début) se sont succédées avec plus ou moins de succès.

 

Pour une revue de ces missions très détaillée, voir la conférence de F Rocard.

 

En quelques mots :

 

Cela démarre en 1961 avec une grande période soviétique : Venera 1, on perd le contact, puis les n° 2 et 3 en 1965 sans succès aussi, les 5 et 6 écrasées par la pression au sol. Venera 7 en 1970 et Venera 8 en 1972 réussirent le premier atterrissage sur Vénus et purent envoyer des informations pendant plusieurs dizaines de minutes.

 

Mariner 10 survola Vénus le 5 février 1974 à 5 794 km d'altitude avant de partir pour Mercure, elle a pris plus de 4000 photos de Vénus et de son système nuageux.

Mais ce sont Venera 9 et 10 en 1975 qui prirent des photos du sol avant de s’éteindre à jamais.

On voit ici quelques unes de ces photos retraitées par un Américain, Donald Mitchell.

 

Pioneer Venus 1 sera la première sonde à se mettre en orbite autour de Vénus. La sonde prend des images en UV et des images radar de la presque totalité de la planète. On se rend compte de la super rotation de l'atmosphère vénusienne. (1978)

 

 

 

 

Venera 13 et 14 vont maintenant prendre des photos en couleur du sol vénusien, on voit à gauche une image composite de 3 photos couleur assemblées et traitées par le même D Mitchell. (Clic sur l’image pour plus de détails)

 

 

Certaines images ont même été redressées.

 

 

 

 

 

 

En 1986 des sondes russes Vega, lancent des ballons dans l’atmosphère de Vénus, ils vont flotter dans l’atmosphère pendant quelques jours et transmettre des informations à la Terre.

 

Puis c’est la période américaine vraiment, Magellan est mise en orbite et a pour but principal de cartographier radar la planète.

 

La sonde Galileo en route vers Jupiter, passe aussi près de Vénus et complète les informations.

 

Voilà l’exploration de Vénus avant que l’ESA ne lance sa mission.

 

 

 

LA MISSION VENUS EXPRESS DE L’ESA.

 

L'objet de la mission Venus Express est principalement l'étude de l'atmosphère de Vénus et la dynamique des nuages, afin de comprendre les différences avec notre atmosphère et d'essayer de savoir pourquoi elle est si différente de la Terre.

Il faudra aussi comprendre la super rotation de l'atmosphère, c'est à dire qu'elle tourne PLUS VITE que la planète elle même, comprendre l'interaction avec le vent solaire.

 

Il restait du matériel à récupérer de la sonde Mars Express et ceci a donné l'idée à l'ESA en 2001 de lancer un "appel à idées" pour le réutiliser.

Une mission vers Vénus s'est tout de suite imposée, et Venus Express a été sélectionnée en Novembre 2002 pour un lancement 3 ans plus tard (Soyuz Fregat le 9 Nov 2005); un record dans le domaine spatial où les délais sont plutôt de l'ordre de la dizaine d'années. Mise en orbite le 9 Avril 2006.

 

Venus Express (VEX) est donc née de Mars Express dont il a l'aspect ; quelques modifications ont été apportées à cause de la proximité du Soleil, d'où de moins grands panneaux solaires qui comportent aussi des radiateurs pour évacuer la chaleur, et amélioration de la protection contre le rayonnement. C’est une petite mission qui n'emporte que 7 instruments et qui n'a coûté que 200 Millions d'€ en récupérant du matériel de réserve d'autres sondes telles que Mars Express et Rosetta.

 

Venus Express effectuera plus de 3000 orbites autour de la planète.

 

 

 

 

 

 

Cette mission qui est en train de se clore (plus de carburant) nous a procuré 8 avancées majeures sur cette planète :

 

·         Étude des vortex polaires

·         Présence d’un volcanisme récent possible

·         Étude de l’étrange rotation de Vénus

·         Et notamment de la super rotation

·         Découverte d’une couche d’ozone

·         Étude du magnétisme induit par le rayonnement solaire

·         Problématique de l’échappement de l’eau

·         Présence de neige carbonique dans les nuages.

 

 

 

 

L’orbite choisie est une orbite polaire très allongée permettant des zooms dans certaines régions.

 

On tourne autour de Vénus en 24 heures (très pratique) sur cette orbite très elliptique qui permet de s'approcher pour faire des vues de près (Nadir 250km) et de s'éloigner à 60.000 km pour les vues d'ensemble.

 

 

 

 

 

 

 

LE SPECTRO IMAGEUR VIRTIS.

 

Pierre Drossart est responsable de l'instrument imageur VIRTIS à bord de VEX ; c’est un instrument double : imageur et spectromètre IR à la fois.

 

 

On obtient une image et la composition en même temps, chaque longueur d'onde donne une information sur un corps particulier. VIRTIS permet des "coupes tomographiques" de l'atmosphère vénusienne grâce à un choix judicieux de longueur d'ondes.

Cet instrument nous permet d'observer le fameux double vortex du Pôle Sud que l’on voit en animation gif ici.

Une autre animation.

Ce vortex peut être analysé en faisant varier la longueur d'onde ce qui nous permet de pénétrer plus ou moins profondément dans les nuages, et on remarque que plus on descend et plus le double vortex devient simple.

 

 

 

 

 

Exemple d’images VIRTIS :

 

Partie gauche de chaque image : vue diurne du Pôle Sud dans le visible à 380nm où l'on remarque des formations atmosphériques et la lumière réfléchie par l’atmosphère.

 

Partie droite : vue nocturne de la même zone en IR à 1,7µ, où l'on remarque la complexité de la structure nuageuse provenant de différentes couches. Les zones les plus brillantes qui correspondent aux zones émettant le plus de rayonnements, sont les moins nuageuses.

 

La couche la plus dense se situe à 60km d’altitude.

 

(Clichés ESA)

 

 

 

 

 

 

LA SURFACE DE VÉNUS.

 

 

On a remarqué des légères différences entre les photos prises par Magellan et celles de VEX.

 

Comme ici pour la zone du Pôle Sud.

 

Pour quelles raisons ?

 

Des variations de température de surface ?

Des mouvements tectoniques ?

 

 

 

 

 

 

On a notamment remarqué un point chaud sur Vénus, Idunn Mons, Vénus serait-elle toujours active ? Y aurait-t-il des écoulements récents de lave ?

 

 

 

 

LES NUAGES ET LEUR COMPOSITION.

 

Les vents animés de grande vitesse se déplacent vers l'ouest et complète une rotation en quatre jours.

Cet effet de "super rotation" génère normalement la formation d'un vortex au dessus de chaque Pôle.

La sonde européenne a aussi utilisé pour la première fois la "fenêtre Infra Rouge" de l'atmosphère; en effet observée à des longueurs d'onde bien particulière, on peut arriver à détecter les émissions des couches profondes de l'atmosphère, donnant ainsi un aperçu des nuages très denses qui sont situés vers les 60km d'altitude.

 

 

Les nuages de Vénus: la couche supérieure contient des gouttelettes d'acide sulfurique entre 45km et 70km. Au-delà, de 70 à 90km présence d’une brume d’aérosols.

H2SO4 provient du volcanisme des planètes, le SO2 émis par les volcans se transforme en acide dans la haute atmosphère.

Les couches inférieures contiennent du CO2 et de la vapeur d'eau, gaz à effet de serre.

Les rayonnements solaires craquent cette molécule pour produire du CO et O2 dans la haute atmosphère.

Venus Express a déjà détecté la présence de O2 dans la haute atmosphère et de CO au sommet de la couche nuageuse.

 

VIRTIS a montré que la structure de l’atmosphère change très rapidement d’une orbite à l’autre.

Les régions polaires sont le lieu de vortex impressionnants. Celui du Pôle Sud est même double.

 

La forme du vortex sud change tous les jours comme on le voit sur ce montage.
Les images du haut montrent la couche supérieure des nuages vers les 65km d’altitude.
 Les images de la rangée du bas, montrent les mêmes nuages 20km plus bas.
Crédit : ESA/VIRTIS/INAF-IASF/Obs. de Paris-LESIA/Universidad del País Vasco (I. Garate-Lopez)

 

 

On a même pu mesurer la vitesse des vents de la région polaire Sud.

 

Mesure des vitesses des vents pour les nuages inférieurs (42km) en IR pendant différentes orbites.

 

Cercles de latitude en pointillé, tous les 5°.

 

Le point blanc est le centre de rotation.

 

Crédit : Nature et I. Garate-Lopez, R. Hueso, A. Sánchez-Lavega, J. Peralta, G. Piccioni & P. Drossart

 

 

 

 

La phase d’aérofreinage, à partir de Juillet 2014 (jusqu’à 130km) a permis de faire des mesures in situ dans les nuages.

 

 

La perte d’Oxygène par Vénus.

 

Vénus ne possède pas comme la Terre de champ magnétique significatif pour dévier le plasma solaire et donc reçoit de plein fouet ce flot de particules. Vénus est aussi massive que la Terre et devrait retenir par gravité son atmosphère, seulement ce vent solaire est tellement puissant qu'il arrache les couches supérieures de l'atmosphère permettant ainsi à celles ci de s'échapper dans l'espace.

C'est l'instrument ASPERA (Analyser of Space Plasma and EneRgetic Atoms) et le magnétomètre MAG qui sont chargés d'étudier ce phénomène.

 

Le vent solaire fait s'échapper dans l'espace des ions H+ cela a été détecté par ces instruments et on peut dire ainsi que Vénus perd son Hydrogène à cause du vent solaire.

 

 

De même ASPERA a montré que vénus perdait des ions Oxygène, donc Vénus au cours du temps a perdu son eau (H2O), contrairement à la Terre qui l'a gardée grâce à son champ magnétique protecteur. Les atomes d’Oxygène provenant de la dissociation du CO2 sont transportés vers la face nocturne (night side) de la planète, où ils peuvent se recombiner pour reformer O2 mais dans un état excité. La désexcitation émet une lumière (nightglow).

(Dawn : aube   ; Dusk : Crépuscule)

 

Illustration : ESA

 

 

 

 

 

 

CONCLUSIONS.

 

 

Une somme considérable de données, avec une meilleure connaissance de :

·         •structure atmosphérique, dynamique, thermique

·         •relations Soleil-Vénus (échappement)

·         •Relations vortex polaire – dynamique générale

·         •Aéronomie (émissions de haute atmosphère)

 

Questions scientifiques de fond encore non résolues:

·         •Ancienneté de l’échappement atmosphérique

·         •Relations atmosphère/planète : Sismologie, volcanisme de Vénus, rotation, y-a-t il eu de l’eau ?

·         •Planétologie comparée exoplanètes-planètes

 

 

Les futures missions :

 

L’ESA propose la mission ENVISION, un orbiteur prévu en 2022.

 

La NASA propose la mission SAGE (Surface and Atmosphere Geochemical Explorer) qui est un atterrisseur pour étudier notamment le volcanisme. Temps de survie prévu : 3 heures. Lancement 2016 ?

 

La Russie planifie la mission Venera D, un orbiteur et un atterrisseur.

 

Signalons qu’une mission Japonaise est en cours : Akatsuki. Lancée en 2010, elle a manqué Vénus une première fois ; elle devrait essayer de se mettre en orbite en 2016.

 

 

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

 

Résultats Scientifiques obtenus grâce à l'instrument VIRTIS

 

VIRTIS montre que la rotation de Vénus ralentit

 

La mission Venus Express conférence de Jean Dauphin EADS RCE 2004

 

Venus Express à la Cité des Sciences : Historique et premiers résultats

 

The unexpected temperature profile of Venus’s atmopshere.

 

Température et effet de serre sur Vénus.

 

Catalogue des images des missions soviétiques vers Vénus,

 

The Atmosphere Of Venus: Winds And Clouds Observed By Virtis/Venus Express

 

Water vapor abundance near the surface of Venus from Venus Express/VIRTIS observations

 

Virtis Observations Of Venus' Lower Atmosphere

 

Is Venus Active?

 

Wind Speeds In Venus's Cloud Layers

 

The Shape-Shifting Southern Vortex Of Venus

 

L'aventure Venus Express sur votre site préféré.

 

 

Bon ciel à tous

 

 

Jean Pierre Martin   Président de la commission de cosmologie de la SAF

www.planetastronomy.com

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