mise à jour le 15 Décembre 2005

 

CONFÉRENCE
"TITAN ET HUYGENS
RAPPORT DE MISSION"

Par JEAN PIERRE LEBRETON 
de l'ESA, responsable de la mission Huygens

Organisée par l'IAP

98 bis Av Arago, Paris 14 ème

 

le mardi 13 Décembre 2005

 

Photos : JPM.pour l'ambiance

 

Cette conférence est disponible intégralement en vidéo (streaming non enregistrable : cliquer sur voir la conférence une fois sur leur site) et/ou à l'achat sur le site du CERIMES (Centre de Ressources et d'Information sur les Médias pour l'Enseignement Supérieur) à cette adresse

 

 

 

BREF COMPTE RENDU

 

Grand moment ce soir à l'IAP, nous avons la chance d'avoir le patron de la mission Huygens en personne, Jean Pierre Lebreton qui vient nous présenter les dernières découvertes.

 

 

Jean Mouette, notre sympathique organisateur (photo) se prépare à dérouler sa liste des spectateurs qui se sont inscrits. La salle est comme à l'habitude pour les grandes occasions, pleine à craquer.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean Pierre Lebreton, travaille sur ce projet de mission vers Titan depuis 1984 nous dit il, et la réussite de l'atterrissage est comme il nous l'annonce le plus grand événement de l'année 2005 pour la célèbre revue "Astronomy".

 

 

UN PEU D'HISTOIRE ET D'HISTORIQUE.

 

La présentation commence par l'histoire de Cassini et Huygens, les vrais, les astronomes.

 

Galilée voit Saturne mais ne comprend pas les formes qu’il y a autour

 

C’est Christiaan Huygens astronome mathématicien horloger, il comprend le phénomène des anneaux de Saturne et le fait de voir les anneaux changer de position en fonction de la position sur son orbite. Saturne est inclinée comme la Terre. Nous sommes en 1655

Il découvre la même année le plus gros satellite de Saturne Titan.

Sur invitation de Colbert, en 1666, on lui fait un pont d’or et il est membre de l’Académie Royale des Sciences qu’il va diriger et structurer.

 

Louis XIV engage aussi Jean Dominique Cassini (en fait : Giovanni Domenico Cassini) à Paris où l’Observatoire est en construction.

Il arrive en 1669 et prend la nationalité française quelques années plus tard

Il va diriger l’Observatoire et être le précurseur d’une dynastie d’astronomes

Dès sa prise de fonction il s’intéresse à Saturne, il découvre la discontinuité dans les anneaux qui porte maintenant son nom : division de Cassini, il découvre aussi les 4 autres plus gros satellites de Saturne : Japet, Rhéa , Dioné et Téthys.

 

C’est en particulier grâce à ces deux savants que l’étude de Saturne a été profondément améliorée

Il était normal qu’une mission aussi ambitieuse que celle actuelle porte le  nom de « CASSINI-HUYGENS »

Merci à nos glorieux prédécesseurs!

 

Quant à cette mission, c'est Daniel Gautier de l'Observatoire de Paris Meudon qui en eut le premier l'idée. Après le succès de la mission Voyager vers Saturne, il propose en 1982 une mission vers Titan à la toute jeune ESA.

C'est grâce à lui que cette idée a germé et nous a conduit au succès que l'on connaît.

Merci à lui.

 

Études conjointes avec la NASA en 1984 et développement de la mission telle qu'on la connaît en 1990 pour un lancement en 1997.

Évidement Saturne étant bien loin (10UA) et afin d'éviter une consommation excessive de carburant on demande l'aide des autres planètes par assistance gravitationnelle : 2xVénus; 1xTerre; 1x Jupiter. On atteint Saturne après 7 ans d'un voyage long de 3 milliards de km.

Tout ceci vous a déjà été conté sur ce site précédemment.

 

 

LE MONDE DE TITAN

 

Titan est le plus gros satellite de Saturne (5150km de diamètre) et le deuxième plus gros du système solaire après Ganymède.

Son atmosphère est à base principalement d'Azote (comme sur Terre) et d'un peu de méthane , sa pression est similaire à celle sur Terre (1,5bars) et il y a des hydrocarbures complexes à sa surface, c'est pour cette raison qu'il est intéressant à étudier.

 

Et comme le souligne JP Lebreton, un monde idéal pour une descente en parachute!!!!

 

 

Profil de l'atmosphère de Titan.

 

(© A D Fortes UCL London)

 

On remarque un légère élévation de la température (+30K) en altitude signifiant un léger effet de serre dû au CH4.

 

La source de méthane n'a toujours pas été trouvé, on va y revenir un peu plus tard.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA CHIMIE EN ACTION DANS TITAN

 

Très bien résumée par ce slide présenté.

 

On remarque une couche ionosphérique vers les 1000km d'altitude (zone violette).

 

Il se crée dans cette très haute altitude une chimie très complexe due à la dissociation de l'azote moléculaire et à la photolyse du méthane.

Ceci donne ces corps organiques complexes qui se condensent ensuite en aérosols tombent sous forme de pluie et même sédimentent à la surface.

 

Ces dépôts organiques à la surface de Titan pourraient avoir plusieurs centaines de mètres d'épaisseur.

 

 

 

 

 

QUELQUES PRÉCISIONS SUR LA MISSION HUYGENS

 

La 3ème orbite de Cassini était réservée à Huygens qui avait été détaché de Cassini le 25 Décembre 2004. L'atterrissage est prévu le 14 Janvier 2005; Cassini se positionne pour recevoir les infos de la descente et de l'atterrissage, car il sert de relais vers la Terre; si il est mal positionné, on n'aura pas de données.

Huygens fonctionne sur batteries : il y a à bord 5 batteries.

Il y a aussi 2 calculateurs en parallèle et 2 émetteurs radio, redondance complète.

Signalons aussi, ce que je ne savais pas qu'il y avait à bord un CD ROM (attention ce sont les années 1990, c'est le début!) avec 80.000 messages enregistrés; je crois savoir que le lecteur n'était pas avec, ce sera pour la prochaine mission….

 

Vue de dessous : http://esapub.esrin.esa.it/bulletin/bullet92/images/lebre92f7b.gif

 

Vue de dessus : http://esapub.esrin.esa.it/bulletin/bullet92/images/lebre92f7a.gif

 

 

 

Les liaisons radio prenaient 68 minutes entre Titan et la Terre et étaient aussi en mode secours détectées par les radiotélescopes du réseau JIVE de Hollande (JIVE = Joint Institute for Very long baseline interferometry in Europe), ce qui permit de localiser à mieux que 10km près le point d'atterrissage.

Quelques radio télescopes du réseau VLBI : en partant du haut à gauche et en tournant CW : le 100m de Green Bank (qui transmit le premier signal : OK de Huygens voir plus bas le "bip" de la victoire); le 70m de Parkes en Australie; le 25m de Shangai et le 25m du VLBA de Kitt Peak en Arizona. (Photos © NRAO et X;Hong et ATNF).

 

 

 

 

Puis on se mit à recevoir les images de la descente (instants inoubliables pour moi, j'étais à la Cité des Sciences dans le grand auditorium et on voyait cela en direct, quelle émotion).

Tout ceci vous a déjà été conté dans ces colonnes, consultez les références plus bas pour vous remémorer ces moments.

 

 

Cassini reçoit toutes les données, mais 1h12 après être posé, il disparaît de l'horizon, des signaux sont quand même reçus par les radio télescopes pendant encore quelques heures.

 

Le site d'atterrissage sera localisé avec précision par la NASA : 192,3°W; 10,3°S

 

On a réussi à positionner la zone d'atterrissage par rapport aux informations radar de Cassini et on les a mis sur la même image.

 

 

 

JP Lebreton nous passe maintenant le petit film d'images de la caméra DISR mises bout à bout (donc séquence d'images de la sonde descendant et tournant) à partir de l'altitude de 152km (altitude marquée en haut à droite de chaque image). On remarque que le brouillard se dissipe vers les 40km d'altitude. On commence à voir apparaître les chenaux et les "rivières". En dessous de 700m on allume la lampe non pas pour éclairer le sol mais pour faire des études de réflectivité.

 

Voici ce petit film en format Quicktime de 6,3MB que vous pouvez voir ou télécharger, c'est un document historique, n'hésitez pas.

 

Plus récemment on en a tiré un film 3D couleur de cette descente que je trouve moins parlant, mais enfin à vous de juger, le voici il est aussi en QT et ne fait que 2MB.

 

Quelques informations sur la séquence d'atterrissage qui sont résumées sur la figure suivante.

 

 

1er parachute à 156km dure 2 secondes

2ème parachute s'ouvre et la descente dure 15 minutes, le bouclier est largué, le top signal est envoyé et sera détecté par le réseau de radio télescopes, ce qui produira le fameux hourrah entendu à Darmstadt.

3ème parachute s'ouvre à 110km, il est plus petit, car la descente ne doit pas durer trop longtemps (elle aurait duré 7 heures si on n'avait pas changé de parachute, l'atmosphère de Titan est dense), elle dure 2h 13.

 

La descente devait durer moins de 2h30, elle va durer 2h28, quelle précision!!

Seule problème non résolu pendant la descente : la sonde possédait des ailettes pour la faire tourner dans un certain sens, mais en fait très vite elle tourna dans l'autre sens, on ne sait pas pourquoi.

 

On voit en pointillé la prédiction de la rotation de la sonde (spin rate en anglais) et en plein, la courbe réellement mesurée. Elle est dans le sens contraire!

(©Nature)

Reconstruction de la trajectoire (altitude) et de la vitesse de descente en fonction du temps mission.

La discontinuité correspond à l'ouverture du parachute.

(©Nature)

 

 

Mesure des vents.

 

En vert la courbe des vents mesurée par le télescope de Grenn Bank (marquée GBT : Green Bank telescope), que remarque-t-on?

Il y a une très forte turbulence aux alentours de 120 à 140km d'altitude (échelle de droite), puis une décroissance rapide de la vitesse des vents entre 100 et 60km jusqu'à atteindre 0, puis augmentation des vents en dessous (inexpliquée jusqu'à présent) et décroissance en s'approchant de la surface.

 

Il y aussi bon accord entre les vents mesurés par les radiotélescopes et la caméra de bord.

 

 

 

Structure atmosphérique de Titan

 

À partir de toutes les données on a pu reconstruire l'atmosphère de Titan.

 

Grande surprise : c'est une atmosphère très "striée" comme le dit notre conférencier, due à une très grande dynamique.

 

Dans la haute atmosphère, la densité et la température sont plus élevée qu'attendu.

 

En ce qui concerne la stratosphère et la tropopause, il y a accord avec les données de Voyager.

 

 

 

On a mis aussi au jour la présence de particules chargées donnant une couche ionisée (choc avec les rayons cosmiques) vers les 60km, peut être a-t-on même découvert des éclaires (non confirmé).

 

 

La composition chimique de l'atmosphère n'a pas révélé de surprise et a déjà été rapporté ici, par contre celle de surface était beaucoup plus riche et plus complexe que prévue. (voir précédent astronews).

La chimie organique sur Titan se passe sur plusieurs fronts à la fois : dans l'atmosphère, dans les aérosols et en surface.

 

 

 

Une dernière indication de JP Lebreton, sur l'image prise de la surface connue de tous (photo ci-contre) et qui représente des cailloux de glace (d'eau) recouverts de matière organique; il est possible que le gros bloc à gauche (le n°8) se soit fendu à l'atterrissage de Huygens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour conclure, Titan est un corps où le méthane joue exactement le même rôle que l'eau joue sur Terre. Pluie, brume, rivières, etc..

On n'a toujours pas trouvé la source de ce méthane, qui provient des entrailles de Titan; on a quelques idées : cryovolcanisme; réaction chimique de H et CO2 qui crée CH4 (serpentinisation); piège sous forme de clathrates …

 

Bref il reste du travail à faire.

 

 

Merci Jean Pierre Lebreton pour ce passionnant voyage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN.

 

De l'équipe de JP Lebreton de l'ESA plusieurs articles dont :

 

À lire absolument : Nature met à notre disposition gratuitement les articles (en anglais) publiés récemment dans la célèbre revue sur Titan, précipitez vous, soit pour les télécharger voici leur site soit pour les voir articles par articles :

Huygens rediscovers Titan

An overview of the descent and landing of the Huygens probe on Titan

Rain, winds and haze during the Huygens probe's descent to Titan's surface

The abundances of constituents of Titan's atmosphere from the GCMS instrument on the Huygens probe

In situ measurements of the physical characteristics of Titan's environment

A soft solid surface on Titan as revealed by the Huygens Surface Science Package

Complex organic matter in Titan's atmospheric aerosols from in situ pyrolysis and analysis

The vertical profile of winds on Titan

 

Description de la mission en anglais par JPL (avant l'atterrissage) dans un document pdf de 10 pages.

 

De même Lebreton mission overview en anglais de 1997.

 

 

L'écoute par radio télescopes article de la Planet Society (anglais)

 

 

Tout sur l'atmosphère de Titan en français et très récent.

 

Le système à base d'ammoniac et d'eau sur Titan, 23 pages pdf en anglais expliquant la chimie de ce corps.

 

Fondamental; l'atmosphère et l'érosion sur Titan par  AD Fortes de l'University College de Londres

 

Le cryovolcanisme sur Titan , 2 pages en anglais pdf.

 

 

Plus généraliste :

 

Titan sur le site de JC Boulay, en français, très complet.

 

Et je ne vais pas m'oublier, il y a quelques articles de base sur la mission Huygens que je vous conseille de revoir :

Huygens, arrivée en direct à la Cité des Sciences le 14 Janvier 2005.

Premier rapport scientifique sur Huygens conférence de presse de l'ESA de janvier 2005.

Titan, le retour compte rendu complet à la Cité des Sciences le 8 Avril 2005.

Huygens conférence de presse du 30 Novembre 2005, les dernières nouveautés.

 

 

J'ai eu aussi le plaisir de donner une conférence générale sur la mission Cassini Huygens, couvrant aussi les aspects historiques et dont la taille est trop prohibitive pour être mise sur ce site, mais ceux qui le souhaitent peuvent le recevoir en CD contre un CD vierge et une enveloppe correctement timbrée pour le retour. Me contacter.

 

De plus et pour clore je signale que je donne le 25 Février à 18h30 au Domaine de Montauger près d'Évry, conférence organisée par Planète Sciences et le CG de l'Essonne. Plus de détails plus tard.

 

 

C'est tout pour aujourd'hui!

 

 

Bon ciel à tous

 

 

Jean Pierre Martin   http://www.planetastronomy.com/