mise à jour le 16
Mai 2005
CONFÉRENCE DE
ROBERT MOCHKOVITCH, (IAP)
"SURSAUTS GAMMA ET COSMOLOGIE"
Organisée par la
SAF
Dans ses locaux
rue Beethoven, Paris
Le Samedi 14 Mai 2005 à 15H00
à l'occasion de la réunion de la commission de cosmologie.
Photos : JPM pour
l'ambiance.
BREF COMPTE RENDU
Robert Mochkovitch
est connu de nos lecteurs, il a participé au séminaire
IAP sur les Super Novae du mois d'Octobre 2004 qui a déjà été relaté ici.
Il a travaillé d'abord sur les naines blanches
puis sur les super novae et s'est tourné bien logiquement ensuite vers les
sursauts gamma (en anglais Gamma Ray Bursts ou GRB). Il se propose aujourd'hui
de nous faire l'historique de ces GRB et de leurs implications dans la
cosmologie moderne.
(Photo : R
Mochkovitch et C Picard (à droite) président de la commission de cosmologie
avant la présentation.)
Le public était
venu nombreux malgré le week end de Pentecôte. (et tout le tumulte fait
autour!!!!)
ORIGINE
DES SURSAUTS GAMMA
C'est en fait une
découverte que l'on doit à la guerre froide, en effet dans les années 1960
Russes et Américains s'espionnaient (je vous rassure ils s'espionnent
toujours!) et chacun voulait être prêt à détecter des essais nucléaires
éventuels, aussi de super satellites espions tournaient autour de nos têtes
afin de détecter ce qui est la conséquence d'une explosion nucléaire : des
photons gamma. C'était donc le rôle de ces satellites américains de la série
VELA (signifie chien de garde en espagnol!).
Et bien sûr arriva ce qui devait arriver,
un beau jour de 1967, branle bas de combat au Pentagone, on vient de détecter
une émission violente de rayons Gamma. Mais on reconnaît tout de suite que ce
n'est pas "terrestre", d'où cela peut il venir, une origine cosmique
est elle possible?
Grande incertitude
pendant près de 15 ans avant qu'on ne lance un satellite spécialisé dans ce qui
maintenant avait été baptisé Sursaut Gamma .
Au fait c'est quoi
la définition d'un sursaut gamma :
Les sursauts gamma
sont les évènements les plus violents de l'Univers depuis le Big Bang, ce sont
des "flash" de rayonnements gamma (comme la lumière mais en beaucoup
plus énergétique) qui durent un très court instant (de 0,1 à 100 sec) et sont
produits dans des galaxies très distantes.
L'OBSERVATION
DES GRB :
C'est le satellite Compton GRO (Gamma Ray Observatory)
lancé en 1991 qui contient plusieurs expériences dont celle appelée BATSE (Burst and Transient Source
Experiment : expérience sur les sources des sursauts et transitoires) située
aux 8 coins de l'engin spatial. (voir photo NASA).
C'est cette expérience
qui est chargée de détecter ces transitoires gamma très rapides, dont les
détecteurs sont des Photo Multiplicateurs à cristaux NaI qui transforment les
gamma en lumière que l'on peut collecter. (explication un peu simpliste je
l'admets).
Et pendant plus de
huit ans il a scruté tout le ciel et a découvert une multitude de GRB.
Et qu'en déduit
on?
(photos et
graphiques NASA/MSFC)
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Les sources
gamma sont réparties UNIFORMÉMENT
dans le ciel, elles semblent donc provenir de l'univers lointain sinon
elles seraient réparties dans le plan galactique seulement. |
Il y a deux
groupes de GRB, les courts centrés sur 0,1sec et les longs centrés sur 100
sec. Origine
différente? |
La moyenne
d'apparition des sursauts était de 1 par jour
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Des profils
temporels très variés mais des spectres très semblables avec un pic aux
alentours de 700keV.
LA
RÉMANENCE DES SURSAUTS GAMMA :
Une amélioration a
lieu en 1997 avec le satellite Beppo-Sax
projet Italien d'où le nom Beppo en l'honneur du scientifique Beppo Ochialini
et SAX comme Satellite per Astronomia X. il a été lancé le 30 Avril 1996 et a
fonctionné pendant 7 ans.
Le 28 Février 1997
il permet la localisation exacte d'un sursaut gamma en X et en même temps sur
Terre dans le visible.
C'est donc
logiquement le GRB 970228 (les dates en astronomie sont toujours à l'américaine
: année; mois; jour) dont on voit ci dessus la localisation dans les capteurs
de Beppo-SAX et ci-dessous la localisation optique par le télescope des
Canaries à 10 jours d'intervalle; on remarque donc la RÉMANENCE (afterglow en
anglais), phénomène lié aux sursauts gamma.
(OT : Optical
Transient : transitoire optique comme ils sont appelés sur les photos)
Cette rémanence se
remarque dans divers domaines de fréquences.
En effet le
sursaut se produit bien dans le domaine gamma ou X puis perd de son énergie et
passe dans le domaine visible puis dans le domaine radio.
Sursaut Gamma à domaine X à visible à ondes radio
La rémanence suit
une loi de décroissance exponentielle sur plusieurs mois comme on le voit sur
le graphique présenté par R Mochkowitch.
LE
PREMIER REDSHIFT COSMOLOGIQUE :
Enfin Beppo-SAX détecte le 8 mai 1997 un
sursaut appelé "cosmologique" c'est à dire situés à des distances (ou
des temps) proches du Big Bang.
Un facteur
détermine cette distance c'est le facteur "redshift" z (les étoiles
et galaxies s'éloignent de nous provoquant un décalage de leur lumière vers le
rouge par effet Doppler, plus la lumière est rouge plus elles sont loin, z rend
compte de ce décalage ), voici un site US
qui définit clairement ce facteur indicateur de distance avec un exemple de
calcul
En fait, plus le z
est grand et plus la distance est grande.
Il caractérise aussi le "retour en arrière" vers l'origine (le BB),
par exemple un z= 0 veut dire l'état actuel; z= 1 45% de l'âge de l'univers soit 6 milliards d'al : z= 5
correspondant à 5% de l'âge de l'univers, 700.000 ans après le BB; plus z
grossit plus on se rapproche du Big Bang.
On distingue sur
ce graphique le décalage (shift) des raies du Fe et du Mg qui amènent à
déclarer un z de 0,835 (correspond à v/c= 0,54 soit 54% de la vitesse lumière) correspondant à une
"distance" de approximativement : 7,6 milliards d'al.
L'observatoire
Keck à Hawaï prend même une image de ce
sursaut quelques heures à peine après l'événement.
Aujourd'hui on
sait que la plupart des redshift des sursauts sont compris entre 0,1 et 4,5
(donc très loin : 13 milliards d'al!).
L'orateur nous
parle ensuite du puissant sursaut
du 29 Mars 2003 qui est lié à une étoile de type Wolf Rayet (étoiles
massives 25Ms et chaudes ayant la particularité de perdre leur enveloppe).
QUELS
MODÈLES POUR LES SURSAUTS GAMMA?
L'énergie émis par
les GRB est considérable, elle est de l'ordre de 1044 Joules, soit
au moins 100 fois plus que les super novae.
Le max d'émission
est en fait dépendant de l'angle solide dans lequel se produit le sursaut, cet
angle est calculé à partir de la rémanence.
Comment une telle
énergie peut elle se déclencher aussi rapidement et aussi puissamment?
Cette énergie est
émise par un gaz en mouvement relativiste (très près de la vitesse lumière à qq
0,01% près!).
Je laisse parler R
Mochkovitch qui s'exprime dans un article recommandé à la fin de ce rapport :
Avant toute
discussion détaillée d’un scénario théorique pour les sursauts gamma, il est
possible d’énoncer un certain nombre de contraintes de base qui devront être
satisfaites par tous les modèles. Tout d’abord, la variabilité observée des
profils temporels
jusqu’à
l’échelle de la milliseconde indique que les sources des sursauts doivent être
des objets compacts, seuls capables de présenter une dynamique suffisamment
rapide.
La seconde
contrainte est simplement liée à la formidable quantité d’énergie Eγ
rayonnée par les sursauts.
A partir des
quelques événements à décalage cosmologique z connu, il est possible de déduire
la valeur de
Eγ = 1044
– 1047 (Ω/4Π) en Joules où Ω est l'angle solide. dans lequel l’énergie est
focalisée.
Certaines
indications tirées de l’observation des
rémanences laissent penser que les sursauts les plus extrêmes pourraient
être les plus focalisés, ce qui limiterait la valeur de Eγ à un intervalle
plus restreint, peut-être entre 1044 et 1045 joules.
Cette énergie est libérée en quelques secondes, ce qui conduit à des luminosités jusqu’à 15 ordres de grandeur supérieures à la limite d’Eddington (la limite d’Eddington correspond à la luminosité au-delà de laquelle la force exercée par la diffusion Thomson des photons sur les électrons dépasse la force de gravité de l’objet).
Les sources
produisant les sursauts gamma ne peuvent donc rayonner à partir d’une enveloppe
statique. Au contraire, l’émission doit provenir d’un vent « soufflé» par le
rayonnement. De plus, ce vent doit atteindre une vitesse relativiste,
nécessaire pour s’affranchir du problème dit de « compacité ».
Celui-ci
s’énonce de la manière suivante : le spectre observé des sursauts gamma
s’étendant souvent au-delà de 511 keV, la production massive de paires
électron-positron à partir des photons les plus énergétiques est susceptible de
rendre la source opaque à son propre rayonnement.
Dans le cas
d’une émission à partir d’un vent relativiste de facteur de Lorentz Γ (où
Γ = , v étant la
vitesse du vent), le seuil à 511 keV pour la création des paires dans le repère
propre du vent correspond à des photons observés à une énergie
E = Γ × 511
keV. Si le
facteur de Lorentz est élevé, ces photons sont très peu nombreux ce qui permet
de résoudre le problème de
compacité. En
pratique, des calculs détaillés montrent que des valeurs de Γ supérieures
à 100 sont probablement
nécessaires.
On aboutit ainsi
au modèle présenté par R Mochkovitch que l'on voit sur la figure ci dessous
tirée du même document.
Mais alors d'où
proviennent ces sursauts gamma? Quel est le moteur central de ces GRB?
On pense à la
coalescence d'objets compacts comme les étoiles à neutrons ou les trous noirs
(source des sursauts courts?) et aussi à l'effondrement d'étoiles massives en
trous noirs (sources de sursauts longs?).
Donc un trou noir
entouré d'un tore d'accrétion avec émission de jets relativistes.
Les chocs internes
dissipent de l'énergie qui conduisent à cette émission gamma.
Là, mes
amis j'ai un peu décroché,
quand il a parlé de l'influence du facteur de Lorentz dans le vent relativiste,
j'ai senti en moi le vent de l'incompréhension, mais si vous avez suivi jusque
là c'est pas mal!
ORIGINE
DE LA RÉMANENCE
La rémanence est
produite par l'effet "chasse neige" de l'éjecta relativiste qui est
peu à peu freiné par le milieu extérieur.
L'énergie dissipée
est liée au temps suivant la formule : E ~ t-3/2 ce qui la fait passe aux X en qq minutes
puis dans le visible en qq heures et enfin dans le domaine radio en qq
semaines.
Finalement le jet
se transforme en bulle non relativiste.
La rémanence c'est
ce qui est le mieux connu, elle est maintenant étudiée grâce au satellite SWIFT dont
nous avons déjà parlé dans ces colonnes.
Swift permet de
suivre en direct des sursauts en gamma X et visible à partir d'une chaîne de
télescopes terrestres et de faire un suivi très précis de la rémanence.
Signalons aussi le
satellite Integral
qui opère dans le gamma et qui a un champ plus faible que Swift mais qui
participe quand même activement à la découverte de sursauts.
LES GRB
: UN OUTIL POUR LA COSMOLOGIE?
Comment détecter
un sursaut à grand Z?
Il faut aller très
vite (au maximum 10 min après le sursaut) et regarder dans l'infra rouge.
Pourquoi? L'effet
du redshift z est de multiplier la longueur d'onde par (1+z) donc de passer
dans le domaine des IR si le z est grand (logique car redshift veut dire en
français décalage vers la partie rouge du spectre).
Avec les
observatoires spatiaux actuels (Swift) a t on une chance de détecter de tels
sursauts cosmologiques.
R Mochkovitch nous
propose un petit calcul statistique afin de savoir dépendant du modèle de
l'Univers employé, combien de tels évènements on peut envisager de détecter.
SFR : Star
Formation Rate, taux de formation des étoiles, correspondant à différentes
hypothèses.
La première courbe
à gauche représente le taux de formation d'étoiles en fonction du redshift (en
horizontal), le paramètre étant 3 modèles différents de formation.
La courbe de droite
est le résultat c'est à dire le nombre de sursauts attendus par an en fonction
des modèles 1 et 2 (le 3 est rejeté)
On voit que par
exemple un Z=5 a une chance de se produire 2 fois par an en modèle 1 et 10 par
an en modèle 2.
À contrario, la
détection de tels évènements peut aussi valider le type de modèle choisi.
On peut donc en
déduire le type de taux de formation et peut être un jour, pourquoi pas, le
type de structure de l'Univers.
Géant n'est ce
pas?
Merci à Robert
Mochkovitch de nous avoir amené ainsi aux confins de l'Univers.
POUR
ALLER PLUS LOIN
Documentation CNRS
très bien faite sur les
sursauts gamma en français, 11 pages format pdf de JL Atteia et R
Mochkovitch, à lire absolument!!
Simple de base sur les GRB
en français.
Par in2p3 de la Fac des
Sciences de Paris, un classique
Très bonne et complète explication en
français par Imago Mundi.
Présent
et futur des GRB en anglais, très bon.
GRB par Imagine
the Universe (simple et en anglais).
Definition par
Wikipedia.
APOD du GRB 990123.
Le réseau de détection des GRB
: le GCN : GRB Coordinates Network.
La galerie des sursauts
gamma par le NASA
Le
sursaut GRB 970228 et sa décroissance : 5 pages au format pdf.
Nos amis
allemands nous expliquent aussi les GRB , mais en anglais et avec beaucoup
de liens Internet sur le sujet.
Les étoiles de Wolf Rayet
par Th Lombry :
Excellente
présentation pdf de 43 pages par nos amis italiens surtout
sur la formation de ce vent relativiste (en anglais, assez théorique, nécessite
une aspirine).
À consulter
aussi en référence, le
site de Denis Gialis Docteur en Astrophysique, qui a soutenu une thèse
sur les sursauts gamma devant justement R Mochkovitch; elle se trouve parmi
ses publications qui sont fort impressionnantes.
Bon ciel à tous
Jean Pierre Martin SAF Commission de Cosmologie