mise à jour le 27 Janvier 2006

 

     

CONFÉRENCE SUR
"LE PROJET COROT ET SON HISTOIRE"

Par Annie BAGLIN,
Directeur de recherche au CNRS, Responsable de la mission

Organisée par la SAF

À l'Institut Océanographique   rue St Jacques, Paris

 

Le Mercredi 25 Janvier 2006 à 20H30

 

 

Photos d'ambiance : JPM.

 

 

BREF COMPTE RENDU

 

 

 

 

 

 

 

C'est Roger Ferlet de l'IAP, notre grand spécialiste des planètes extra solaires qui nous présente Annie Baglin, Dr de recherche au CNRS et responsable scientifique de la mission Corot.

 

Mais en introduction il nous parle de l'information majeure de la soirée, la découverte d'une planète extra solaire presque terrestre (5 masses terrestres située à 5 UA de son étoile) mais très loin : 25.000 années lumière de chez nous, par une équipe internationale dirigée par un Français, Jean Philippe Beaulieu de l'IAP, consulter les dernières astronews sur ce site pour plus de détails.

 

 

 

 

 

 

 

La documentation très bien résumée du projet, remise à l'occasion de cette conférence peut être trouvée et imprimée à partir d'ICI pour ceux qui ne l'ont pas eu.

 

 

LE GENÈSE DE COROT : PREMIÈRE ÉTAPE.

 

 

(voici le logo officiel du projet Corot)

 

Notre conférencière nous parle d'abord de la genèse du projet Corot.

 

Tout a commencé par l'étude d'une étoile particulière ……notre Soleil.

À la fin des années 1960 on détecte des curieux mouvements périodiques (de l'ordre de qq minutes) dans notre soleil, une expédition polaire est décidée une dizaine d'années plus tard afin d'étudier notre étoile pendant plusieurs jours (polaires).

 

Et surprise, on s'aperçoit que le soleil, vibre comme un tambour.

 

 

Il vibre comme tout instrument de musique, il a donc des fréquences propres caractéristiques de l'objet qui les émet, et leurs détermination permet d'atteindre la structure interne. C'est une science qui s'appelle la sismologie mais comme il s'agit d'étoiles, c'est de l'asterosismologie et quand il s'agit du Soleil c'est de l'héliosismologie.

 

 

 

 

Voici une animation parmi d'autres de David Guenther qui montre (très amplifié, bien sûr) les oscillations du Soleil.

 

Le satellite d'observation du Soleil SOHO l'a confirmé.

 

Vous voulez écouter les vibrations du Soleil, allez donc à Stanford.

Ses vibrations sont dans le domaine des très basses fréquences : 3 à 10 mHz.

 

Il existe même un réseau de surveillance du soleil, qui s'appelle le GONG (acronyme de Global Oscillation Network Group, j'adore ce terme!!) et qui a pour but d'étudier le soleil par le principe d'hélio sismologie.

 

 

 

 

On en déduit la répartition de la température entre le centre du Soleil (15 millions de degrés) et l'extérieur , seulement 5500°/

 

Le CEA qui a crée cette image, vous propose aussi un voyage au centre du Soleil pour mieux faire connaissance avec notre sourde de vie.

 

 

Bref, de ces études on déduisit plein d'informations sur notre étoile :

 

Masse: 2 1030 kg

Température surface: 5700 K

Age: 4.5 milliards d’années

 

 

 

Il y a dans l'Univers beaucoup d'autres étoiles :

Des plus grosses (x100) / des plus petites(/10)

Des plus chaudes (25000K) / des plus froides (2000K)

Des plus jeunes (107 ans) / des plus vieilles (14 109 ans)

Des plus ou moins riches en métaux

 

 

On se pose la question sur les autres étoiles , sont elles semblables à notre Soleil.

 

Ce fut la première motivation du projet qui allait s'appeler Corot.

 

Mais comment faire? Le signal provenant des autres étoiles est extrêmement faible : cent milliards de fois moins (1011) que le Soleil, il faut donc être sûr d'utiliser tous les photons émis, donc utiliser une méthode photométrique (mesure de lumière). Ces variations de luminosité de telles étoiles sont beaucoup plus faibles que l'effet dû aux perturbations atmosphériques par exemple, d'autre part une même étoile n'est visible de la Terre que la nuit et pendant quelques mois seulement dû à la rotation de la Terre autour du Soleil.

 

Conclusion : en route pour l'espace.

 

Et il va falloir une grande capacité de détection aussi : le LESIA (Laboratoire d'Études Spatiales et d'Instrumentation en Astrophysique) avait mis au point des détecteurs (tube photo multiplicateurs PMT) dans les années 1980 qui étaient de qualité spatiale.

 

 

On avait tous les éléments pour une mission spatiale, bon il manquait de petites choses comme le financement et le lanceur mais cela allait être discuté lors de divers colloques qui démarrèrent en 1984 et le projet ne fut retenu qu'en ….1987.

Le projet devait s'appeler EVRIS (Étude de la Variabilité et de la Rotation Intérieurs Stellaires) et devait être patronné par le LAM de Marseille et le LESIA et embarqué à bord de la sonde soviétique Mars 94 (en fait elle devint très vite Mars 96!).

Elle était construite autour d'un petit télescope de 9cm et devait étudier une dizaine d'étoiles sur le chemin vers Mars de la sonde Russe.

Or le destin de cette sonde fut bref et tragique, elle en quitta jamais la banlieue terrestre.

 

Il fallait tout refaire.

 

 

 

DEUXIÈME ÉTAPE : LE PROJET COROT SE CONCRÉTISE.

 

 

En fait cet échec fut salutaire, cela a donné un peu plus de recul au projet basé sur les faits suivants :

 

 

D'abord la technologie faisait des progrès, exit les PMT qui vont être remplacés par des CCD qui sont beaucoup plus performants et moins fragiles.

 

On voit ici les CCD qui seront utilisés sur Corot.

 

(photo © Sodern)

 

 

 

 

 

 

Et ensuite se produisit dans les années 1990 une petite révolution :

 

On découvre les premières exoplanètes!!!

 

 

C'est grâce à l'effet Doppler (méthode des vitesses radiales) que la première planète extra solaire a été trouvée par M Mayor et D Queloz de l'Observatoire de Genève avec le spectrographe ELODIE de l'Observatoire de Haute Provence (OHP).

C'est la planète baptisée 51 Peg b, tournant autour de l'étoile 51 Peg dans le carré de Pégase et située à 42 années lumière de nous, donc très très proche.

Ils ont mesuré les variations de vitesse au cours du temps et ont eu la surprise de noter que la période était très rapide : 4,23 jours!!!

Ils ont mesuré aussi la distance à l'étoile : surprise aussi elle est très près : 0,05UA et de masse 0,5 celle de Jupiter et température évaluée à 1300°K.

C'est le premier élément de ce que l'on va appeler des "Jupiter chauds" (Hot Jupiter).

 

Cette histoire vous a déjà été contée à plusieurs reprises sur ce site.

 

Donc à partir de 1995 on commence à découvrir des exoplanètes, cela va changer le cours du projet.

Et on en découvre de plus en plus , à ce jour (début 2006) le compteur indique 170.

 

 

 

Mais pour le moment on ne découvre que des planètes géantes, on commence à détecter des planètes style Neptune, mais les telluriques restent à découvrir.

 

Ce sera la deuxième mission du nouveau Corot; mais la détection de petites planètes n'est pas simple, la méthode précédente des vitesses radiales est mal adaptée, il faut employer une méthode photométrique, comme la méthode des transits ou occultation.

 

Les différentes techniques vous ont été expliquées il y a peu par Roger Ferlet dans cette même enceinte, reportez vous y pour vous rafraîchir la mémoire.

En deux mots:

C'est la méthode photométrique qui correspond au passage d'une planète devant le disque de son étoile ce qui provoque une (très) légère atténuation de sa luminosité que l'on détecte. (ordre de grandeur : Jupiter provoquerait 1% d'atténuation et notre belle planète: 0,01%!!!).

 

En fait la problématique de la détection des planètes par la méthode du transit est assez proche de celle pour détecter les vibrations d'étoiles par sismologie, le nouveau projet va donc être bicéphale afin de convaincre la maximum de personnes.

 

 

 

 

 

 

LE NOUVEAU COROT.

 

On établit en 1997 une nouvelle proposition au CNES dans le domaine des petites missions.

 

Le programme scientifique devient donc plus ambitieux :

·        héliosismologie : étude de milliers d'étoiles

·        recherche de planètes : détection de quelques dizaines de petites planètes.

 

Le projet prend son nom définitif COROT qui veut dire : COnvection, ROtation et Transits planétaires.

 

Il est pré sélectionné en 1998, mais la décision finale se fait attendre.

 

On demande de rechercher des partenaires pour rendre la mission plus internationale, beaucoup de pays européens vont y participer comme : l'Autriche, l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique et le Brésil (intéressant car dans l'hémisphère Sud).

La maîtrise d'ouvre reviendra au CNES.

 

 

Et enfin en Octobre 2000 le projet est sélectionné, il sera intégré à une plateforme Proteus pour un lancement initialement prévu en 2004.

La plateforme PROTEUS (Plateforme Reconfigurable pour l'Observation, pour les Télécommunications et les Usages Scientifiques), conçue pour des satellites de masse environ 500 kg au lancement, est construite par la Société Alcatel Space Industries, à Cannes (Alpes Maritimes, France).

 

Le coût pour le CNES devrait être de 60 M€ pour un coût total du projet de 130 M€, il devrait occuper 50 ingénieurs du CNES et plus de 150 autres scientifiques.

 

 

 

 

 

 

 

LA MISSION COROT.

 

Corot poursuit donc deux objectifs scientifiques principaux :

·        "Voir" l'intérieur des étoiles en détectant et en étudiant leurs oscillations grâce aux méthodes de la sismologie.

·        Rechercher des planètes extra solaires en détectant leur passage devant les étoiles autour desquelles elles gravitent.

 

Pour cela il mesure avec une très grande précision les variations d'éclat d'étoiles sélectionnées, pendant de très longues périodes.

La base de ces mesures est un télescope afocal de 27 cm couplé à 4 CCD de 4 millions de Pixels chacun, (deux pour chaque partie de la mission). Les CCD sont à transfert de frames (de trames en français) (voir photo plus haut dans le texte), 4 millions de pixels d'infos et 4 millions de pixels de mémoire de transfert

On enregistre simultanément sur ses quatre détecteurs les variations d'éclat de 10 étoiles brillantes (de magnitudes comprises entre 6 et 9.5) pour le programme de sismologie et de plus de 10 000 étoiles faibles (de magnitudes comprises entre 11 et 16) pour le programme exoplanètes.

 

Le télescope est un télescope à grand champ (très grand champ même : 7° carré) fonctionnant dans le domaine visible, qui collecte et concentre les photons et forme une image du ciel sur les détecteurs, CCD  installés dans le bloc focal. Deux miroirs le principal; 30cm et le secondaire 10cm. Le faisceau passe ensuite par un objectif dioptrique (IAS Orsay) de 1200 mm de focale ouvert à f/4

 

Le grand champ permet d'observer un très grand nombre d'objets.

 

Une case à équipement contient tous les équipements électroniques nécessaires au fonctionnement de l'instrument et le calculateur de bord en charge du traitement des données.

 

 

 

 

 

Le télescope doit être très protégé des lumières parasites, c'est le rôle du baffle de grande dimension constitué de Titane revêtu d'une peinture spéciale et équipé de chicanes de façon à ne laisser passer qu'un photon sur 1 milliard de milliards.

 

 

L'instrument fait 3,30m de haut et pèse dans les 600kg.

 

 

L'intégration du satellite est effectuée par Alcatel Space à Cannes et les tests finaux ont eu lieu en Décembre 2005.

L'ensemble a ensuite été envoyé à Toulouse pour des tests électromagnétiques (Intespace) dans une chambre anéchoïque  (j'ai appris quelque chose, cela veut dire sans écho voir photo de gauche) et des tests climatiques dans le vide simulant le Soleil.

 

 

 

(photos CNES/Alcatel/Intespace)

 

Les tests terminés il repart à Cannes pour intégration définitive avec la plateforme Proteus, et le 6 Janvier 2006 , née vraiment le satellite Corot dans sa configuration définitive. (photo de droite)

 

 

Lancement prévu vers la fin de l'année par une fusée Soyuz de Starsem (coopération franco russe) de Baïkonour.

 

Justement quelle sera l'orbite de Corot?

 

La seule façon d'observer régulièrement sans interruptions la même direction du ciel est de mettre le satellite sur une orbite polaire.

Il faut aussi éviter les radiations solaires, donc l'altitude a été choisie autour de 900km.

 

 

 

(dessin CNES)

 

 

La partie du ciel que l'on veut examiner doit aussi ne pas englober, le Soleil, la Terre et la Lune et être dans l'ombre du Soleil, cela conduit à observer perpendiculairement à l'orbite, comme la Terre effectue sa révolution autour du Soleil, deux fois par an, on tourne le satellite et on observe dans une direction opposée.

 

 

 

 

On va donc observer aussi là où on a le plus de chances de voir des étoiles : vers le plan galactique. En été et en hiver cela va correspondre à deux zones différentes (les "yeux de Corot") que l'on voit sur le dessin ci contre.

 

Il y a donc deux directions d'observation fixes diamétralement opposées pour toute la mission.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extrait de la présentation Corot de l'Observatoire de Paris :

Les qualités scientifiques des cibles et les contraintes techniques définissent les « Yeux de CoRoT » : deux cercles diamétralement opposés sur le ciel de 12 degrés de rayon, centrés à l'intersection du plan galactique et du plan équatorial. L'un, observable en hiver est situé près des constellations d'Orion et de Monoceros, l'autre observable en été près de celles de l'Aigle et de Scutum.

Les cibles du programme de sismologie sont brillantes et leur éclat est mesuré toutes les 30 secondes, avec une précision de un dix millième. La direction de pointage est choisie de façon à observer au moins une cible de sismologie très brillante (magnitude voisine de 6, visible à l'œil nu !), pour laquelle la précision sera si bonne qu'on pourra y détecter des oscillations aussi faibles que celles observées dans le Soleil. Les cibles du programme de recherche d'exo-planètes sont beaucoup moins lumineuses, donc nécessitent un temps de pose plus long (8 minutes) pour obtenir la précision nécessaire à la détection des transits.

 

 

 

 

 

 

Donc en plus d'étudier les étoiles Corot s'attaque à la chasse plus médiatique des exoplanètes, et l'on repère sur ce graphique les différentes zones de recherche des projets existants ou à venir.

 

Comment lire ce graphique :

 

Échelle verticale (logarithmique) : la masse des planètes à rechercher par rapport à celle de la Terre.

 

Échelle horizontale (logarithmique) : distances des planètes à rechercher par rapport à l'unité astronomique (UA : distance terre soleil).

 

La Terre se trouve à l'intersection de 1 et de 1 dans la zone grise et les planètes du système solaire sont les points rouges.

 

Les carrés bleus correspondent aux récentes découvertes. (des planètes lourdes et près de leur étoile, des Jupiter chaudes).

 

 

 

En violet figure la zone d'observation de Corot, en vert celle de la méthode des vitesses radiales, en bleu foncé l'amélioration que pourrait apporter le projet Kepler de la NASA et en brun la futur projet astrométrique de l'ESA : GAIA.

 

On voit qu'on espère beaucoup de Corot pour la découverte de planètes terrestres.

Sa durée de vie devrait être de 3 ans on attend avec impatience le lancement.

 

 

 

Longue vie à Corot et nous en reparlerons au moment de son lancement.

 

 

 

 

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

 

 

Le site de l'OAMP (Marseille) est très complet sur le projet Corot et fournit aussi beaucoup de photos.

 

Le site le plus clair et le plus didactique sur la mission Corot est celui de l'Observatoire de Paris sur les exoplanètes avec son chapitre sur Corot, je vous conseille de vous y plonger.

 

Une grande partie de l'historique de la mission (pas tout à fait à jour néanmoins) se trouve en format pdf à cet endroit.

 

Le projet Corot à l'ESA.

 

Tout sur l'héliosismologie mais en anglais à Stanford.

 

Le CNES et la mission Corot, dont la Galerie de photos de Corot.

 

Les fabricants des CCD , la société EADS/Sodern.

Plus de détails sur les CCD de la mission Corot avec ce Power Point de V Lapeyrère du LESIA. (2,5MB)

 

 

 

 

 

Bon ciel à tous

 

 

Jean Pierre Martin   www.planetastronomy.com

Membres de la SAF