mise à jour le 20 Janvier 2007
 
     
TABLE RONDE ET DÉBAT
"DÉFINIR PLANÈTE, SATELLITE, ÉTOILE…"
Animée par Gilles DAWIDOWICZ
Organisée par la SAF
À l'Institut Océanographique  195 rue St Jacques, Paris
 
Le Mercredi 17 Janvier 2007 à 20H30
 
 
Photos : JPM pour l'ambiance. (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)
Les photos des slides sont des présentations des auteurs.
 
 
 
BREF COMPTE RENDU
 
 
 
 
 
 
 
 
Cette table ronde comprend les personnalités suivantes : (de gauche à droite sur la photo).
Suzanne Débarbat, Astronome honoraire, Observatoire de Paris; Philippe de la Cotardière, responsable scientifique du Petit Larousse, ancien Président de la SAF; Nicolas Biver, Astronome Observatoire de Paris, spécialiste des comètes; Danielle Briot, Astronome Observatoire de Paris; André Brahic, Astrophysicien CEA; Audouin Dollfus, Astronome honoraire Observatoire de Paris.
 
Mmes Débarbat et Briot, ont participé à la réunion de l'UAI à Prague en 2006 qui décida du sort de Pluton et A Brahic faisait parti du comité des sages qui ont proposé les nouvelles définitions.
 
 
Tout va tourner ce soir autour des nomenclatures astronomiques, ceci est dû à la polémique qui est née après cette réunion tumultueuse à Prague, dont nous avons déjà parlé ici.
 
 
Le débat est animé par notre ami Gilles Dawidowicz, Président de la Commission de planétologie de la SAF.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Rappelons les principales décisions :
L'UAI a retenu pour les corps de notre système solaire 3 catégories possibles.
Résolution 5A :
1) Une planète est un objet céleste qui doit satisfaire les critères suivants :
a)     L'objet doit être en orbite autour du Soleil.
b)    L'objet doit être suffisamment massif pour que sa propre gravité lui donne une forme presque sphérique. (généralement objets > 800 km de diamètre)
c)     L'objet a "nettoyé" l'espace autour de lui (dû à sa forte gravité).
2) Une planète naine (dwarf planet) est un objet céleste qui doit satisfaire les critères suivants :
a)     L'objet doit être en orbite autour du Soleil.
b)    L'objet doit être suffisamment massif pour que sa propre gravité lui donne une forme presque sphérique. (généralement objets > 800 km de diamètre)
c)     L'objet n'a pas "nettoyé" l'espace autour de lui.
d)     N'est pas un satellite.
3) Tous les autres objets exceptés les satellites orbitant le Soleil seront appelés petits corps (small solar system bodies) du système solaire.
 
 
 
HISTORIQUE DE LA NOMENCLATURE ASTRONOMIQUE par A. DOLLFUS.
 
 
 
La nomenclature astronomique a commencé bien évidemment quand on a commencé à distinguer quelques détails sur ces corps célestes, donc avec l'utilisation de la lunette.
Et c'est Galilée le premier en 1610 qui a commencé à utiliser des termes latins pour nommer les montagnes, les cratères de la Lune.
 
L'emploi du latin se généralise pour les dénominations.
 
En 1919 est créée l'Union Astronomique Internationale (UAI ou IAU en anglais) avec un comité de nomenclature lunaire.
En 1935 Blagg et Muller mettent au point le document de référence "Lunar Surface Nomenclature" qui reste en vigueur jusqu'en 1959.
 
Pourquoi 1959 ?, les plus anciens se souviendront que c'est cette année là que les Russes ont envoyé une sonde Luna 3 faire le Tour de la Lune et y faire la première photo de la face cachée; il y avait donc de nouveaux noms à distribuer.
 
 
Notre orateur, Audouin Dollfus s'occupait à l'UAI à cette époque là de la commission des planètes et a vécu ces moments historiques.
 
Les soviétiques proposent des noms d'hommes célèbres pour les cratères nouvellement détectés et nomment aussi des monts comme les Monts soviétiques ou la Mer de Moscou. N'oublions pas que nous sommes en pleine guerre froide.
Mais les sondes suivantes (Zond 3 soviétique aussi) montrent que les Monts soviétiques n'existent pas, il faut reprendre la nomenclature.
Puis les Lunar Orbiter américains donnent une image beaucoup plus précise de la Lune.
 
 
En 1967lors de la réunion de l'UAI à Prague, on crée un groupe de travail de la nomenclature lunaire dont A Dollfus est le Président.
Puis les Apollo se posent sur la Lune, les Mariner vont visiter Mars et d'autres planètes, etc…
 
Ce groupe de travail définit une carte et une éthique de la nomenclature astronomique.
 
Avec un esprit : elle doit être supra national et supra temporel.
 
Cela doit être une aide au travail de la science et à la connaissance.
 
Elle doit être simple (écriture et prononciation), claire (emploi facile) et évocatrice.
 
Les directives données sont :
·        pour les entités géographiques :
1.       langage neutre : le latin
2.     pas de sigles, pas de noms de sociétés, pas de noms commerciaux
·        pour les cratères :
1.       noms de personnalités dans le domaine des sciences, de la culture, des arts et lettres
2.     pas de noms de politiques ni de militaires ni de religieux
3.     ces personnalités doivent être décédées depuis au moins 3 ans et être sur une liste d'attente.
 
La commission poursuit son chemin.
 
En 1973, réunion de l'UAI à Sidney, où un groupe de travail Planetary System Nomenclature est crée, dont Peter Millman du Canada devient le Président.
 
 
Bref l'UAI continue jusqu'à cette séance mémorable de 2006 à Prague.
 
 
 
Philippe de la Cotardière continue en disant qu'on a peut être sous estimé la portée de la décision de l'UAI (de redéfinir les planètes); le mot planète étant un mot de base, il doit être compréhensible simplement par tout le monde. Et donc avec la définition actuelle il prête à critiques.
De toutes façons, ce n'est probablement qu'une décision provisoire étant donné qu'il est limité au système solaire.
 
 
André Brahic qui faisait partie du comité des sages de l'UAI nous donne ses impressions sur ce qui s'est passé et nous résume les définition des trois catégories de corps du système solaire.
Il est entièrement en accord avec les définitions adoptées, et admet qu'on a besoin aussi d'une définition pour les planètes extra solaires.
 
Ph de la Cotardière craint que planète naine soit mal nommée et source de confusion.
 
Danielle Briot intervient aussi pour souligner que si les planètes extra solaires n'ont pas été inclues c'est parce que la plupart ont des orbites qui ne sont pas circulaires et la définition aurait dû être complètement changée, donc décision repoussée à plus tard.
 
 
Elle nous présente d'ailleurs un graphique intéressant (voir ci contre) représentant l'excentricité en fonction de la période orbitale des planètes extra solaires connues à ce jour.
 
Les extra solaires sont les points rouges; les étoiles binaires en noir et notre système solaire en vert.
 
On remarque bien en effet que la plupart des exoplanètes détectées sont très excentriques.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Suzanne Débarbat qui était présente à Prague aussi signale que la proposition originale de définition des planètes était différente :
 
On définissait en fait deux termes : planète (planet en anglais) et plutons (plutons en anglais mais la planète Pluton se dit Pluto, il n'y avait pas d'ambiguïté en anglais, seulement en français)
Si ces définitions avaient été acceptées lors de cette réunion, notre système solaire comporterait 12 planètes, 8 classiques et 4 autres.
 
Les classiques bien entendu : Mercure, Vénus, Terre; Mars; Jupiter; Saturne; Uranus et Neptune et les autres : Cérès; Pluton; Charon (compagnon de Pluton) et 2003 UB313 (un nom devra être trouvé).
Pluton restait donc bien une planète mais est le prototype d'une sous catégorie appelée les "plutons".
Il y aurait donc trois nouvelles "planètes" avec cette première version.
 
Heureusement cette définition a changé ensuite pour la définition actuelle.
 
 
 
 
 
André Brahic, avec sa verve habituelle, précise que les USA étaient officiellement plutôt pour conserver Pluton en tant que planète, alors que la plupart des astronomes américains, comme Mike Brown (découvreur de la vraie fausse 10ème planète appelée UB313), acceptaient la "dégradation" de Pluton et de "sa" planète.
 
 
Mike Brown précisait aussi que c'était une décision difficile et courageuse et que c'était la meilleure définition scientifique possible.
 
André Brahic nous explique aussi pourquoi on n'a pas pu donner une définition simple du mot "étoile".
 
Elles sont tellement différentes suivant leurs masses : supérieure à 70 Jupiter c'est une étoile, mais inférieure à 17 Jupiter c'est une planète et entre les deux c'est une naine brune, bref, pas facile à donner une définition exacte et simple.
 
 
 
 
 
NICOLAS BIVER NOUS PRÉSENTE LA DIVERSITÉ DES PETITS CORPS DU SYSTÈME SOLAIRE.
 
 
 
La ceinture des astéroïdes comprend 120.000 corps numérotés et 300.000 répertoriés, la masse totale des astéroïdes de cette ceinture principale représente au total une masse de l'ordre de 0,05% de la masse terrestre!!!
 
Alors que la ceinture de Kuiper, située au delà de Neptune, comprend un millier d'objets répertoriés et un peu plus d'une centaine de comètes périodiques.
Elle comporte aussi des objets en résonance 3:2 avec Neptune, les Plutinos.
 
On distingue aussi entre objets "froids" et objets "chauds", à cet effet voir la conférence de A Morbidelli à l'Observatoire de Paris.
 
Les planètes au début de la formation du système solaire étaient plus près du Soleil, la ceinture de Kuiper était beaucoup plus massive à l'époque.
 
Elle a perdu 99% de sa masse au cours du temps.
 
À l'origine on l'évaluait à 35 masses terrestres alors que maintenant elle n'est plus que de 10% de la masse terrestre.
 
 
Nicolas nous présente une graphique intéressant, les planètes et astéroïdes à l'origine étaient a peu près dans la bande bleue.
Ce graphique représente en abscisse la distance au Soleil (échelle log) et en ordonnée la masse des planètes.
 
Les points triangulaires sont les positions actuelles.
 
On remarque qu'effectivement les deux ceintures ont perdu de leur substance.
 
 
 
 
 
 
N Biver nous propose ensuite une revue des petits corps du système solaire que je vous passe sous forme des 3 slides qu'il nous a montrées.
 
 
 
En haut à gauche, un gros objet de la KB (Kuiper Belt : ceinture de Kuiper) : Quaoar, 1250km de diamètre et sa courbe d'albédo en fonction de la longueur d'onde.
En haut à droite les corps plus gros que Charon : EL61 de forme non sphérique et FY9, tous deux de l'ordre de 1500km de diamètre.
Ci contre à gauche, le monstre, Eris (Ex Xena 2003 UB313)
Orbite très excentrique, couverte de glace de méthane. Elle possède en plus un satellite. Ce corps a posé beaucoup de problème pour la définition du mot planète. On remarque qu'il possède le même spectre (en haut à droite) que Pluton!
 
 
Bref que d'objets énigmatiques au fin fond dus système solaire, et encore on n'a pas tout découvert, que nous réserve l'avenir?
 
 
 
ET C'EST ANDRÉ BRAHIC QUI CONCLUE CETTE SOIRÉE.
 
 
Il commence par nous raconter l'histoire de la découverte des planètes depuis Ptolémée à Kepler en passant par Copernic etc..
Comment définir une planète : sa masse? Sa taille? sa structure interne? Son orbite? Le poids des traditions? Etc..
Le nombre de planètes a évolué avec les siècles, au début 7, car la Terre et le Soleil étaient considérés comme planètes, puis 5 ensuite 6 puis 7 puis 13 …. Cérès à sa découverte était considéré comme une planète, ainsi que les astéroïdes suivants qui furent découverts.
Bref c'était quand même un beau bazard!
 
Il s'attarde sur Pluton, considérée comme une gros astéroïde et est heureux qu'une mission interplanétaire lui soit entièrement dédiée : New Horizons.
 
Et maintenant Eris qui vient troubler le jeu  avec son énorme taille et son orbite excentrique.
 
 
 
 
Puis il nous fait part des coulisses de la décision du comité sur les nouvelles définitions.
 
 
Ce comité des sages comprend les membre suivants :
 
Professeur André Brahic, célèbre astrophysicien bien connu de nous tous, prof à Paris VII et Dr du lao gamma gravitation au CEA.
Dr Iwan Williams de la Quenne Mary University de Londres expert en dynamique du système solaire.
Dr Junichi Watanabe directeur de la division grand public au NAOJ, astronome du système solaire bien connu au Japon.
Dr Richard Binzel, professeur de sciences planétaires et terrestres au célèbre MIT. C'est lui qui a mis au point l'échelle de risques météoritiques, dite échelle de Turin.
Dr Catherine Cesarsky directeur général de l'ESO et présidente élue de l'IAU.
Dava Sobel auteur à succès de livres à base scientifique comme Longitude et la fille de Galilée. Représente en fait le grand public dans ce groupe.
Dr Owen Gingerich Professeur émérite d'astronomie et d'histoire des sciences au Harvard Smithsonian Center for Astrophysics (CfA).
 
 
 
André Brahic nous montre aussi la façon dont nos amis américains voyaient ce comité des sages.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Il nous parle de la genèse de cette nouvelle définition des planètes; en Septembre 2005, le comité des sages n'arrive pas à se mettre d'accord sur le nombre de planètes du système solaire, suite à cela une réunion du comité a lieu à Paris, où le désaccord total est constaté.
Il faut donc essayer de trouver une solution acceptable par tous.
Comme beaucoup de choses en France cela se discute au …..restaurant et les nourritures terrestres aidant, les points de vue se rapprochent au fur et à mesure que les bouteilles se vident, et miracle, on décide là des 3 catégories. Il y a consensus, mais les résultats sont tenus secrets jusqu'à Prague.
 
 
Nous savons tout maintenant (sauf le nom du restaurant providentiel!!!)
 
 
 
 
 
Tout le monde a le sourire après une telle réunion!!!
 
 
 
 
Merci à tous et notamment à André et Gilles pour cette superbe soirée et pour m'avoir donné l'opportunité d'y participer.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
POUR ALLER PLUS LOIN :
 
Histoire de la nomenclature astronomique (anglais).
 
Et plus particulièrement lunaire chez Wikipedia. (anglais).
 
En français la nomenclature martienne par Ph Labrot de Nirgal.net.
 
 
 
Bon ciel à tous
 
 
Jean Pierre Martin   www.planetastronomy.com
Membres de la SAF