Mise à jour le 31 Janvier 2009 rev 1
commentaires de G Saliba et JP Luminet 2 Février à la fin du CR.
 
AMA09
Conférence de George SALIBA sur
"L'ASTRONOMIE ISLAMIQUE"
UNESCO  PARIS 15 JANVIER 2009
 
Photos : JPM. pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos et des animations si nécessaire.
D'autre part le site de l'AMA09 m'a fait l'honneur de mettre quelques unes de mes photos en ligne dans un diaporama.
Je signale que tous les discours et toutes les conférences ont été filmées et sont disponibles en vidéo sur ce site.
 
REMARQUE : Les comptes rendus des conférences sont mis en ligne au fur et à mesure
Vous vous en apercevrez en allant voir la page du compte rendu général de temps en temps à l'index "conférences", je signalerai les mises en ligne dans la fenêtre des mises à jour du site
 
 
BREF COMPTE RENDU
 
 
George Saliba est professeur de sciences islamiques à l'Université de Columbia à New York, il nous parle comme le signale Jean Audouze, le chairman de la session, d'astronomie islamique, ce qui ne veut pas dire forcément qu'ils étaient tous musulmans, mais qu'ils parlaient tous la langue arabe.
 
L'astronomie islamique a vu le jour pour de deux raisons principales :
·        Les pratiques religieuses (heures des prières et direction des prières)
·        La demande des chefs d'état pour raisons administratives.
 
Les premières observations astronomiques islamiques datent de quelques 600 ou 700 ans après Ptolémée.
 
 
 
 
 
 
 
LES OBSERVATIONS.
 
On remarquera que l'inclinaison de la Terre sur son axe (23,5°) n'est pas la valeur calculée par les Grecs ni par les Indiens mais celle déterminée à Bagdad entre 800 et 850.
À la même époque, on a aussi grandement amélioré les mesures de Ptolémée comme celles de :
·        le mouvement de l'apogée solaire
·        la précession des équinoxes (1° tous les 66 ans et non pas tous les 100 ans comme calculé par Ptolémée)
·        l'excentricité solaire
 
 
En fait tous les paramètres astronomiques déterminés par les Grecs ont été améliorés à cette époque.
 
La transmission des textes anciens :
 
 
 
 
On voit le texte original de l'Almageste de Ptolémée dans la partie inférieure de cette diapo.
 
G Saliba nous indique que la traduction n'était pas purement automatique, en effet si on remarque dans le texte grec la durée du mois lunaire comme étant le rapport entre 126007jours et 1 heure divisé par 4267 mois ce qui semble donner comme résultat écrit :
29 jours 31  50  8  20; mais cette valeur n'est pas le bon résultat de l'opération, le vrai résultat de l'opération calculé par les astronomes islamiques qui ont effectué la division étant :
20 jours 9   8  50  31  29.
 
Or il se trouve que la valeur écrite dans l'Almageste est l'ancienne valeur calculée par les Babyloniens!
 
 
Il semblerait que Ptolémée n'ait jamais fait l'opération!
 
 
Donc comme cet exemple le montre les traducteurs islamiques des textes grecs n'étaient pas seulement des linguistes mais aussi des scientifiques capables de vérifier ce qu'ils étaient en train de traduire.
 
 
Une autre idée astronomique héritée des Grecs, c'est la vision des différentes sphères entourant la Terre avec les différents épicycles.
(Pour décrire le mouvement rétrograde des planètes extérieures comme Mars par exemple, les Grecs qui plaçait la Terre au centre du système solaire, avaient inventé une pirouette pour s'en sortir, les épicycles : il s'agit d'un cercle dont le centre décrit un autre cercle appelé déférent, dont le centre était situé entre la Terre et l'équant . Mais il y avait quand même quelques imperfections constatées avec le mouvement réel des planètes, et à cette occasion Ptolémée introduit un élément supplémentaire : l'équant, un point symétrique de la Terre par rapport au centre du déférent pour lequel la vitesse angulaire de l'astre est constante.)
 
Cette idée avait au moins un défaut, l'équant ne passait pas par le centre de la Terre alors que les mouvements se faisaient autour de lui. Ce point devait être celui autour duquel tournait la sphère sans que ce soit le centre de cette sphère, ce qui est une absurdité physique, comme nous l'a démontré notre orateur avec une animation.
 
Les astronomes islamiques s'en aperçurent et essayèrent de remodeler ou même de redéfinir le système astronomique hérité des Grecs.
 
 
 
On voit ici l'évolution à partir du modèle Terre-Lune-Soleil de Ptolémée, en passant par l'amélioration de Ibn al-Shatir en 1375 pour arriver à un modèle identique par Copernic en 1543.
 
 
 
C'est à ce moment que G Saliba pose la question suivante : est ce que Copernic connaissait les œuvres de al-Shatir?
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Une autre figure célèbre de l'astronomie islamique était Nasir al-Din al-Tusi, il essaya aussi de modifier la vison grecque des mouvements planétaires.
À cet effet, pour éliminer l'équant, il était convaincu qu'il fallait de nouvelles mathématiques.
 
Il proposa, en 1260, afin de produire un mouvement linéaire à partir d'un mouvement circulaire, un montage appelée "Tusi couple".
C'est un cercle qui roule à l'intérieur d'un autre cercle.
(voir partie de gauche sur la diapo ci-contre).
 
Copernic utilisa un système similaire pour rendre compte du mouvement de Mercure. (partie droite).
D'après G Saliba il est très troublant que Copernic utilisa le même genre de figure et les mêmes lettres (traduction latine des lettres arabes) que Tusi et aussi les mêmes fautes.
 
 
 
 
 
CONCLUSION.
 
L'apport principal des astronomes islamiques à l'astronomie a été l'importance de la précision et l'emploi de mathématiques évoluées pour la représentation de la réalité physique du ciel.
 
 
 
 
Mon impression personnelle : il est exact que l'on puisse se poser des questions entre les similarités du système de Copernic et des textes islamiques plus anciens, mais rien ne prouve que Copernic pouvait avoir accès à ces textes , que ces textes n'existaient peut être pas en traduction latine au XVIème siècle et surtout qu'il était capable de comprendre l'arabe.
À mon avis un tel commentaire final manquait dans cette présentation qui sous-tendait indirectement l'idée que Copernic avait plagié à certaines occasions les astronomes islamiques, même si cela n'a pas été dit clairement.
Par contre, il est clair que certains points doivent être approfondis, car il y a beaucoup de coïncidences. 
 
 
 
 
 
POUR ALLER PLUS LOIN.
 
Astronomie arabe et musulmane par Euro Mag
 
La science arabe à l'époque de la Renaissance par G Saliba.
 
A histroy of arabic astronomy, livre en ligne de G Saliba, une synthèse très complète.
 
Ancient and medieval values for the mean synodic month by Bernard r. Goldstein, University of Pittsburgh
 
Re-writing the History of Science in the Islamic Civilization: Report of George Saliba’s visit to Lahore, November 2007
 
History of islamic Science
 
L'héritage de Ptolémée , présentation ppt de André Ross, très bien fait résume la pensée Grecque qui allait subsister des siècles.
 
Théorie des équants selon Ptolémée.
 
Sur al tusi  en français.
 
Animation du Tusi couple.
 
Ancient Planetary Model Animations
 
 
COMMENTAIRES :
 
George Saliba suite à la lecture de mon compte rendu m'a envoyé le commentaire suivant qu'il m'autorise à publier , je le laisse dans sa langue originale :
 
Dear Mr. Martin
Thank you for sharing with me your remarks on my talks at the UNESCO.  I am in full agreement with your readings, except for the following:
1) In your description of the Ptolemaic deferent you say that it centered on the earth, which is not true, the deferent is an eccentric in all cases, and thus has its own center half way between the earth and the equant.  Incidentally Ptolemy never proves that. He only posits it, which caused a severe criticism by Jabir Ibn Aflah of Spain j'ai corrigé ce point
2) When you describe the equant, you do not quite state the absurdity it implies.  It is not absurd because it was eccentric, but because it was supposed to be the point around which a sphere moved uniformly in place without the sphere's center being identical to the equant.  As I have tried to demonstrate it is like assuming that a basketball can be made to spin on a finger that is not directed towards the center of the ball.  That is the physical absurdity, as there is no such basketball in reality. j'ai corrigé ce point
3) Finally in your concluding personal remark, you state correctly that I only asked the questions as to how to explain the following facts:
                a) Copernicus used the same lunar Model as that of Ibn al-Shatir (d1375).
                b) He used the same Mercury model of Ibn al-Shatir and made a mistake in describing it.  It was Copernicus who made the mistake not Ibn al-Shatir. Thus Copernicus could not have been describing his own model, since he seems to misunderstand it.
                c) Copernicus used the same Tusi Couple, point for point as you say, and in addition misread the Arabic letter 'zain' for 'fa'' (since the two letters are very similar in Arabic orthography) thus rendering it with an F instead of a Z.
                d) [Copernicus used the same model for the upper planets as was used by Mu'ayyad al-Din al-Urdi (d.1266) a contemporary and colleague of Tusi at Maragha . this I did not mention in my talk but is mentioned in my book which was referred to in the introduction]
 
I then said, Copernican scholars must explain all those similarities in order to understand how Copernicus came to use this kind of mathematics and not another.  He had options, as I showed the four options for the planet mercury which were used by Khafri (d. 1550), none of them identical to Ibn al-Shatir's, and yet Copernicus used that of Ibn al-Shatir and made the mistake in his description.  All these similarities cry for explanation.
 
I stopped at that, I never used the term "plagiarize" nor did I imply it as you suggest.  I only pointed to the remarkable similarities and asked and still ask all the Copernican scholars to explain them.  I only said that I do not believe they were coincidences. There are too many of them.  But I never claimed to know how Copernicus came to know of them, nor did I assume that Copernicus ever read Arabic.  I only suggested in the discussion that he may have been working from diagrams, and there lies his genius in being able to interpret diagrams correctly.
I still do not know how this information reached Copernicus, but I certainly insist that it is not "hasard" as you would say in French.
 
I simply repeat that there is a real problem, and Copernican scholars should solve that problem instead of complaining.   
Good luck and thank you again for your kind remarks and salutations.
 
 
 
Jean Pierre Luminet, du LUTH, Directeur de recherche au CNRS, célèbre auteur de livres sur l'histoire de l'astronomie, me signale aussi qu'il suffit de lire le De Revolutionibus pour savoir que Copernic a utilisé et cité les travaux d'astronomes arabes, cf. p.103 du "Secret de Copernic", où il raconte comment il découvre Battani, Alhazen ou Al Shatir!!

 

donc à vous de vous faire votre opinion!!

 
 
Bon ciel à tous
 
 
Jean Pierre Martin  
www.planetastronomy.com
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