Suite
à l’invitation du Professeur Pierre ROCHUS (voir photo), Directeur de
l’instrumentation spatiale au CSL, nous nous sommes rendus dans cette
bonne ville de Liège afin de visiter ce centre.
Pierre Rochus est aussi Professeur à
l'Université de Liège IES/LTAS.
Le site du CSL est magique, dans un immense
parc (le Science Park) où se
trouve un superbe campus avec de nombreuses industries, dont un grand nombre
tournées vers le spatial.
Le CSL est le centre de recherche spatial de
l’Université de Liège.
Il emploie 85 personnes , la plupart étant des
ingénieurs ou physiciens.
Depuis près de 50 ans, l’Université de Liège
s’est spécialisée dans les instruments
spatiaux et les test de qualification (vide et froid) correspondants.
C’est un des quatre centres agréés par l’ESA
pour tester et certifier ses satellites, il est aussi agréé par la NASA.
Le CSL a participé
activement aux principales missions spatiales de ces dernières années
comme :
EXTREME
UV IMAGING TÉLESCOPE (EIT) À BORD DE SOHO.
Le
télescope EIT, étudié en partenariat avec l’IAS (Orsay), a été
conçu, intégré et testé au CSL ; il est destiné à observer la
couronne solaire dans le domaine de l'extrême ultraviolet (EUV).
La détection des UV est problématique, en
effet la plupart des matériaux les absorbent à ces longueurs d’onde.
Photo : optique d’entrée à droite, CCD
à l’extrême gauche.
Des méthodes de revêtements multicouches ont
été mises au point pour arriver à ces fins. 4 canaux de détection sont
disponibles.
La détection finale étant faite par CCD
refroidi.
Le télescope en lui-même est du type
Richtey-Chrétien.
Ce télescope fonctionne parfaitement depuis
plus de 15 ans dans l’espace, on le fait fonctionner maintenant
en mode réduit de deux vues de la couronne par jour.
Voici comme exemple les 4 canaux de l’EIT
pris le 14 Juin 2011.
Les différents canaux de EIT en UV :
171 ; 195 ; 284 et 304 Angstrœm.
L’instrument EIT a ainsi pu étudier le Soleil
sur un cycle complet et nous faire parvenir un grand nombre
d’informations à ce sujet.
Ici un cycle solaire complet vu avec le filtre
de 284 A.
Cet instrument fait partie du SECCHI (acronyme
de Sun-Earth Connection Coronal and Heliospheric Investigation),
l’instrument le plus important de
la mission Stereo . il a été développé en collaboration avec le
NRL (Naval Research Lab) américain.
Rappelons cette mission: deux satellites de
part et d’autre de la Terre sur son orbite ; l’un est placé
"en avant" de la Terre (A) et l'autre "en arrière" (B)
permettant ainsi des vues stéréoscopiques du Soleil.
Ils doivent produire les cartes 3D des éjections
violentes de matières
coronales du Soleil (CME). Ce sont ces particules très énergétiques
qui se détachent de la couronne et qui après quelques jours viennent
frapper la Terre
STEREO (Solar Terrestrial Relations Observatory)
a été lancé le 25 Octobre 2006 et est toujours opérationnel.
Ces informations devraient être plus précises
que celles de SOHO, grâce à la Stéréo, en effet SOHO avait du mal a déterminer
la direction des CME car il les voyait avec un seul oeil, STEREO avec sa vue
de côté, apporte une amélioration et mesure ainsi leurs vitesse,
direction, et volume de matière.
Le CSL a participé activement à la conception
et à la réalisation de la partie HI (Imageur Héliosphérique) de cet
instrument.
Vue de l’instrument HI avec ses
baffles d’entrée (ou masques occulteurs). (cliché CSL)
Les deux caméras de HI avec leurs
champs de vision CSL
(dessin CSL.)
Le but du HI, comme de tout l’instrument
SECCHI, est de procéder à l’observation des CME (éjections de matières
coronales) et des autres structures quand elles passent de la couronne à
l’héliosphère solaire.
L’ensemble HI consiste en deux petites caméras
grand angle (HI-1 et 2) montées sur le côté de chaque sonde STEREO, il
n’y a aucun élément mobile à part le volet de protection.
Les deux angles directeurs sont de 13° et 53°,
les deux champs de vision sont très grands: 20° et 70°.
Cela donne les meilleurs angles de vision pour
étudier les CME.
Voici en grand champ ce que voient les imageurs
héliosphériques HI de STEREO le 18 Février 2007.
On y voit quelques planètes, la comète
McNaught , M31, la voie lactée et notre planète et sa Lune.
Bien entendu le Soleil est masqué par le
coronographe au centre de l’image.
L'image est composée de HI-1 (le plus petit
champ) le plus près du Soleil, et la plus grande partie de l'image provient
de HI-2.
Le plus délicat a été de concevoir le baffle
d’entrée qui doit rejeter toute lumière parasite (stray light en
anglais).
La partie avant (en couteau) est faite pour
rejeter l’intensité du disque solaire ; le baffle extérieur doit éliminer
toute lumière de la sonde elle même; quant au baffle interne, il se charge
de limiter la lumière de la Terre, des planètes et des étoiles grâce à
ses nombreuses couches.
L’INSTRUMENT
MIRI (MEDIUM INFRA RED INSTRUMENT) DU FUTUR TÉLESCOPE SPATIAL JWST.
Le CSL a terminé et livré l’optique
d’entrée (l'IOC Input Optics & Calibration Unit) d’un des trois
principaux instruments du futur remplaçant de Hubble, le JWST, c’est le
MIRI, chargé de l’imagerie et la spectroscopie IR.
Cet ensemble est destiné à collecter et à
distribuer la lumière à l’instrument MIRI.
MIRI, situé au foyer du télescope, fonctionne
sous très basse température, 7K.
Ses trois caméras sont actives dans l’IR
moyen (contrairement à Hubble).
Les miroirs de l’optique d’entrée, sont
fournis par une autre société du Campus de Liège, la
Société AMOS, que nous visiterons plus tard. Ces miroirs ont été revêtus
par des revêtements spécifiques par le CSL.
LYRA (LYMAN ALPHA RADIOMETER) ET
SWAP (SUN WATCHER USINGACTIVE
PIXEL SYSTEM DETECTOR AND IMAGEPROCESSING)
DU SATELLITE PROBA-2.
Le micro satellite Belge, PROBA-2 (acronyme de
PRoject for On-Board Autonomy), est en fait un démonstrateur technologique, il a été lancé en tant que
compagnon du satellite SMOS de l’ESA le 2 Novembre 2009 de Russie par une
fusée Roskot sur une orbite héliosynchrone à 725km, c'est à dire que sa
période de révolution coïncide avec la période de rotation du Soleil, en
d'autres termes que le satellite au bout d'une révolution voit un point de
la Terre au même temps solaire moyen (en anglais : SSO
Sun Synchron Orbit).
Embarqué en tant que satellite auxiliaire,
Proba-2 est le successeur du remarquable Proba-1 lancé en 2001.
Il réalisera la démonstration de 17
technologies satellitaires de pointe (comme des détecteurs miniaturisés
destinés aux futures sondes spatiales de l'ESA et une caméra CCD grand
angle d'environ 120 ° très sophistiquée), tout en emportant quatre
instruments scientifiques destinés à observer le Soleil et à étudier
l'environnement plasmique en orbite.
Le
CSL a conçu et développé en tant que leader, l’instrument LYRA et le télescope
SWAP de ce satellite, qui effectuent des observations du Soleil dans l’UV.
Photo : Caméra SWAP et images du Soleil
en direct.
Le télescope SWAP, est en fait un modèle réduit
de l’EIT (étudié plus haut) monté à bord de SOHO ; il prend de
nombreux clichés de la couronne solaire.
Les instruments à bord sont de technologies
nouvelles et devront être qualifiés à la fin de la mission.
On voit sur cette image composite, en haut le
spectre du Soleil relevé par LYRA le 7 Juin 2010, en bas, les images du télescope
SWAP le même jour.
Le CSL est surtout connu pour ses enceintes
simulateurs d’ambiance spatiale baptisées toutes du sigle FOCAL, acronyme de Facility of Optical Calibration at Liège.
Ces enceintes doivent reproduire les conditions
spatiales réelles et tester ainsi les satellites avant leur envoi dans
l’espace.
Les tests qui peuvent être effectués sur ce
site sont :
·Vide spatial (primaire et secondaire)
·Environnement thermique spatial (froid et chaud)
·Vibrations
Les salles blanches sont de classe 10.000 ce
qui signifie qu’elles ne contiennent pas plus de 10.000 particules par
pied cube ; soit en moyenne 500 fois plus propre qu’une maison
propre. (combinaisons protections de chaussures et charlottes nécessaires).
L’air est épuré continuellement par de
nombreux filtres, et recyclé plusieurs fois par heure.
Mais il existe des parties qui sont encore 100
fois plus propres pour certaines expériences, d’autres habits et
combinaisons sont alors nécessaires.
La température est constante et réglée à 21°C
avec une précision de 0,2°C, de même l’humidité y est toujours de 55%.
Toutes les enceintes sont isolés du sol et
reposent sur des amortisseurs sismiques.
Les tests thermiques peuvent passer de +120°C
à –270°C, c’est à dire à quelques degrés du zéro absolu. (Hélium).
Les enceintes de test vont jusqu’à 6,5m de
diamètre, en voici quelques unes.
C’est cette immense cuve, la plus grosse du
centre qui a procédé aux tests environnementaux d’Herschel (en plus de
ceux effectués à l’ESTEC) sur son grand miroir de 3,5m.
De plus il a été soumis à des tests de
vibrations cryogéniques avec ses trois instruments SPIRE, PACS et HIFI.
Cette cuve est en inox de 15mm d’épaisseur
fabriquée dans la région de Liège.
Cette enceinte a permis de tester aussi les
panneaux solaires (3m) de nombreux satellites de télécommunication ASTRA
Le chargement de cette cuve s’effectue
verticalement.
Cette cuve de 60m3, mise au point pour tester
les satellites Hipparcoset ISO
notamment, est très connue pour avoir effectué une longue série de tests
environnementaux (2
mois dans la cuve sous vide et sous conditions cryogéniques) sur le
satellite micro onde Planck de l’ESA. Planck est resté en tout 1 an au
CSL.
Le chargement s’effectue horizontalement sur
le côté comme on le voit sur cette photo.
On remarque la plateforme permettant
l’introduction des charges utiles dans la chambre.
Certains points importants de Planck devaient
être refroidis à 0,1K , c’est à dire presque au zéro absolu .
cela fut possible grâce à l’emploi d’Hélium liquide et de système
cryogéniques spécifiques.
L’ensemble du satellite est refroidi à
–220°C dans la cuve.
Le temps mis pour descendre à cette température
a été de l’ordre d’une semaine afin de refléter approximativement la
réalité, temps pour aller de la Terre en L2.
Le CSL a aussi effectué les mesures de
performances des miroirs de Planck en phase cryogénique.
Rappelons que Planck et Herschel ont été
lancés avec succès en Mai 2009 par une fusée Ariane 5 et qu’ils
effectuent parfaitement leur mission à ce jour.
Le
Moniteur Optique (OM) du télescope
spatial en X de l’ESA, est un télescope de type Ritchey-Chrétien de 300
mm de diamètre qui permet les mesures dans les domaines visible et
ultraviolet (de 150 nm à 550 nm).
L’instrument, comme c’est souvent le cas
dans le spatial, a été construit par un consortium dans lequel le CSL était
partenaire.
Par contre le CSL a effectué les tests de
qualification spatiale et de calibration optique dans ses locaux.
Ce télescope a été testé dans une cuve très
grande (FOCAL X) qui n’existe plus maintenant.
Les miroirs pour détecter des rayons X sont
profondément différents des miroirs optiques, en effet les X pénètrent
tous matériaux. L’astuce consiste à faire réfléchir légèrement les
faisceaux X, d’où la
structure mutli-cylindrique.
CSL a aussi testé les miroirs du télescopes
XMM (58 coquilles très minces en Nickel revêtus d’or ; sur la photo
on n’en voit que 2 mais ils sont à l’échelle) en X et en UV dans une
cuve à vide et à très basse température.
Chaque miroir est un cylindre de 60cm de
longueur et de 1mm d’épaisseur de diamètre maximum 700mm. Ces cylindres
sont montés les uns dans les autres comme une matriochka (poupée russe).
Le CSL consacre aussi beaucoup d’efforts aux
études dans le domaine optique, comme la mise au point de bancs optiques de
tout genre, le revêtement de miroirs, concentrateurs pour panneaux solaires
de nouvelle génération, élaboration de nanostructures.
Le revêtement de couches minces s’effectue
avec des techniques à base de plasma notamment, le substrat étant nettoyé
préalablement par ablation Laser.
Toutes ces méthodes servent à la
qualification de matériel spatial.
Je sais qu’ils travaillent sur la mission
GAIA, le successeur d’Hipparcos, pour mettre au point des techniques de
revêtement.
Nous n’avons pas eu le temps de discuter de
cet aspect lors de notre visite.
Elle construit en ce moment les télescopes
indiens de 3,6m du projet Devasthal (dans l’Himalaya à plus de 2400m),
qui va devenir le plus grand d’Asie. Monture : alt-azimuth.
AMOS construit aussi le
télescope MROi (Magdalena Ridge Observatory interferometer) qui doit être
installé au Nouveau Mexique.
C’est un interféromètre de haute sensibilité.
Le télescope Devasthal.
Le télescope MROi
Mais AMOS est aussi spécialisée dans la
fabrication et le polissage des miroirs.
Merci à tous nos sympathiques amis Belges qui
nous ont piloté pendant ces visites et en particulier à Pierre Rochus que
l’on voit sur la photo en train de me présenter à ses collègues lors
d’une conférence qu’il m’avait demandé de donner.