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- Mise à jour le 28 Février 2012
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- CONFÉRENCE
"VIVONS-NOUS DANS UN UNIVERS OU DANS UN MULTIVERS"
- Organisée par l'IAP
- 98 bis Av Arago,
Paris 14ème
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- Le mardi 7 Février
2012 à 19H30
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- Photos : C Larcher. pour l'ambiance (
les
photos avec plus de résolution peuvent m'être
demandées directement)
- Les photos des slides sont de la présentation
de l'auteur. Voir les crédits
des autres photos
- Vidéo de la conférence par le CERIMES
disponible sur leur site quelques jours après (le CERIMES propose aussi
toutes les vidéos des conférences IAP) :
voir : http://www.cerimes.fr/le-catalogue/institut-dastrophysique-de-paris-iap.html
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- BREF COMPTE RENDU
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- Je n’ai pas pu assister à la conférence
pour cause d’opération chirurgicale.
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- Christian Larcher a eu la gentillesse de
prendre des notes très complètes que je retransmets ici, un grand merci à
lui.
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- Une partie du nombreux public qui a assisté à
cette présentation.
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- Transcription écrite intégrale du début de
la conférence
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- Présentation écrite par l’auteur de la conférence :
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- Dans cette conférence, je proposerai une
introduction simple à la cosmologie d'aujourd'hui et aux concepts physiques
qui la sous-tendent. De la relativité générale à la théorie des cordes,
en passant par les trous noirs et la gravitation quantique, nous en
viendrons à interroger le statut de notre univers lui-même. Se
pourrait-il qu'il ne soit pas unique ? Peut-on penser dans un "multivers"
? Peut-on y faire des prédictions ? Quelles ramifications philosophiques
pourraient naître de cette hypothèse d'univers multiples ?
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- Je propose que nous parcourions ensemble
quelques grandes découvertes, quelques questions lancinantes de la
cosmologie contemporaines, non pas -surtout pas- à la manière d’un
savoir que je tenterais de transmettre ou d’asséner, mais plutôt, sur le
mode d’une ballade, d’une promenade d’un pas hésitant, parfois hiératique,
comme on aurait pu s’y adonner il y a quelques 25 siècles sur l’Agora,
ou, pour le dire d’une façon un peu plus contemporaine, à la manière de
ce que le philosophe Jacques Derrida nomme une « destinerrance ».
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- (Remarque de la rédaction :"Voyager
implique que l’on quitte un rivage familier, duquel on emporte son identité pour
aborder l’inconnu. L’événement de l’abord de l’autre doit en général
sa chance à la possibilité de manquer son but. Entre la dérive et
l’arrivée se joue la discipline de la catastrophe, de l’accident
d’où résulte une dérive du sens, et qui fausse la destinée. D’où et
vers où pourrait-on dériver pour arriver ? Dériver et arriver sont
inséparables. Cette tragédie de la destination nous place dans la
destinerrance, celle de la vie. Jacques Derrida, La Contre Allée [1999])
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- Alors, je crois que la première grande
cosmologie qui nous est parvenue sous forme essentiellement exhaustive, la
Théogonie d’Hésiode, s’ouvre par ces paroles magnifiques :
« Commençons par invoquer les Muses
qui, habitant cette grande et céleste montagne, dansent d'un pas léger
autour de la noire fontaine de l'autel du puissant fils de Saturne, et
baignant leurs membres délicats dans les ondes du Permesse, de l'Hippocrène
et du divin Olmius, forment sur la plus haute cime de l'Hélicon des chœurs
admirables et gracieux ».
- Ainsi donc ce livre-Monde débute-t-il composé
par le poète des poètes, le premier sans doute qui osa penser, dans une
sorte de pertinente consubstantialité
primitive, la naissance des dieux et des éléments, ce que l’on
appellerait peut-être aujourd’hui les lois et les choses, comme si à
regarder de plus près, il fallait déconstruire l’abîme qui sépare la nécessité
de la contingence, comme s’il fallait « in fine » penser les
aléas, impromptus, et les chaînes, structurantes, sur un même mode.
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- L’aède, le poète de la Grèce antique,
comme devrait être, je crois, le physicien d’aujourd’hui est évidemment
détenteur d’un savoir.
- Il connaît la liste des néréides et le rôle
des naïades, il est protégé par Apollo,
mais il est avant tout inspiré par les muses.
- Il s’agit moins pour lui de découvrir une vérité,
unique, que de tisser des « fils du Monde » -si l’on peut
dire- à partir d’un socle commun de connaissances.
- Tout
est religieux mais rien n’est sacré dans la pensée grecque.
Personne ne fut damné pour avoir prétendu, comme Homère, qu’Aphrodite
était la fille de Zeus ou, comme Hésiode, qu’elle naquit de l’écume
(Aphrodite est la Venus romaine, déesse de l’Amour et de la Beauté.
D’après la Théogonie d’Homère elle serait née de l’écume de la
mer.
- L’écume en grec, se dit aphros. Cette écume
serait constitué du sperme d’Ouranos castré par Cronos) à Paphos
(Paphos, ville située sur la côte ouest de l’île de Chypre coordonnées
34° 46’ 01’’ N et 32° 25’ 01’’ E)
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- Je crois que, paradoxalement peut-être,
c’est ce geste d’anthropomorphisme radical qui a permis l'émergence
d'un rapport à la nature dé-anthropocentré,
celui là même que poursuit
-avec quel brio- l’astrophysique contemporaine. Dieu merci ou peut-être
Darwin merci, la nature a bien fait les choses qui nous a dotés de récepteurs
naturels, nos yeux, qui sont adaptés à nos besoins, récepteurs des grains
de lumière tels qu’émis par notre étoile, le Soleil.
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- Mais comme vous le savez, il existe des grains
de lumière dont l’énergie est beaucoup plus grande ou beaucoup plus
petite, qui ne nous sont pas usuellement accessibles. Mais bien évidemment
leur légitimité intrinsèque à révéler d’autres visages du cosmos,
souvent bien plus fascinants que ceux qui nous sont familiers, n'est en rien
amoindrie par le simple fait qu’ils ne sont pas directement visibles.
- Si nous voulons tenter de comprendre ce que
sont ces différents visages - avant même d’envisager l’hypothèse de
multivers - il faut
s’imaginer doté de détecteurs plus génériques, plus généraux, que
nos yeux usuels.
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- À quoi ressemblerait le firmament si on
pouvait le scruter avec des
yeux sensibles par exemple aux très basses énergies (ou très grandes
longueurs d’ondes), disons aux ondes radiofréquences ?
- Entre beaucoup, beaucoup d’autres choses, on
pourrait directement scruter la structure filamentaire du gaz des galaxies
qui conforment l’Univers à grande échelle.
- À légèrement plus haute énergie, dans le
domaine des micro-ondes,
imaginez une voûte céleste extraordinairement brillante, aveuglante, esthétiquement
pauvre parce que présentant le même aspect dans toutes les directions,
mais scientifiquement très riche, parce que présentant une sorte de
photographie instantanée de ce que fut l’Univers 380 000 ans seulement
après le Big-Bang.
- À légèrement plus haute énergie, dans le
domaine des infra-rouges,
c’est - entre beaucoup d’autres choses - le cœur de notre voie lactée,
notre petit îlot d’univers, qui deviendrait vide alors même que les
longueurs d’onde optiques sont très intensément absorbées ;
c’est l’environnement direct du trou noir super massif, qui est évidemment
un des lieux fondamentaux de la Galaxie, qui se révélerait de façon plus
directe et plus naturelle dans ces longueurs d’ondes.
- À légèrement plus haute énergie toujours,
dans le domaine des UV,
c’est - entre beaucoup d’autres choses - les raies de deutérium qui
apparaîtraient. Le deutérium est un élément extraordinaire parce qu’il
est fragile, c’est à dire qu’il ne saurait être synthétisé dans la
fournaise stellaire des étoiles sans être immédiatement détruit par les
conditions hostiles qui y règnent. Seul l’univers le plus primordial peut
le générer sans immédiatement le briser.
C’est donc un signe intime, une trace, comme un vestige de
l’univers le plus reculé, des premières secondes du cosmos.
- À plus haute énergie encore, dans le domaine
des rayons X par
exemple, c’est - entre autres choses - les processus thermiques les plus
extrêmes, la surface des naines blanches, des astres effondrés, dont la
température se compte en dizaines ou en centaines de milliers de degrés
qui pourraient être scrutés ; ils perdent d’ailleurs très
lentement leur énergie et verront leur structure interne évoluer vers un cœur
de diamant pur, oui de diamant. Que l’on se souvienne que, dans la délicieuses
polyphonie du grec ancien, « cosmos » se réfère à l’ordre
parfait et que c’est aussi le terme qui désigne les joyaux, les breloques
qui ornent la peau des Muses.
- À plus haute énergie encore, dans le domaine
des rayons γ durs,
imaginez une voûte céleste essentiellement noire ; imaginez un ciel
sans Hélios, sans Séléné, sans Soleil, sans Lune, sans étoile, sans
planète, qui ne sont pas capables d’émettre ces grains typiquement mille
milliards de fois plus énergétiques que la lumière visible. C’est un
objet plutôt ténu dans les longueurs d’ondes optiques qui s’imposerait
comme astre du jour, tel la « nébuleuse du crabe » révélant
le pulsar qui se trouve en son cœur, qui irradierait le milieu stellaire
environnant de particules relativistes.
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- Les nuages du cosmos sont manifestement
nombreux et leurs particules « relativistes ».
- C’est un point important, car la physique des
particules, c’est l’une des grandes réussites scientifiques du XXe siècle,
bien que son objectif et son enjeu soient en quelque sorte un oxymore
conceptuel : qu’est-ce que l’infiniment petit ?
- Que reste-t-il aujourd’hui de « l’atomos »de
Démocrite ?
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- La physique des particules nous dit quelque
chose du monde subatomique à l’aide de deux principes.
- - D’abord
le principe de jauge, il s’agit en quelque sorte de sur-déterminer
les symétries. Le physicien des particules est obnubilé par
l’unification. Dites moi ce que sont vos invariances je vous dirai ce que
peuvent être les interactions. Le principe de jauge a permis d’unifier
les forces électriques et magnétiques sous forme d’interaction électromagnétique
et cette force électromagnétique avec la force nucléaire faible, sous
forme d’interaction électrofaible. Vous voyez les quarks par exemple, ils
ne sont plus, à véritablement parler, les petites billes liées par des
ressorts à l’intérieur des cœurs des noyaux d’atomes comme on les
représente parfois, ils sont plutôt des représentations irréductibles de
groupes de symétrie.
- C’est au lourd, très lourd, peut-être trop
lourd prix que l’abstraction
révèle un visage du cosmos.
- Non pas - me semble-t-il - parce que la mathématique
serait, comme le pensait Galilée, le langage pur, autonome, intrinsèque de
la nature, mais plutôt parce qu’elle est une manière, parmi d’autres,
de faire un monde qui est en l’occurrence signifiant, qui est cohérent,
qui est remarquablement descriptif, prédictif et prescriptif, parce que très
contraint.
-
- Mais fort heureusement le monde qui nous
entoure n’est pas unifié, il est au contraire diversifié, foisonnant.
- - Il faut donc un second principe qui vient en
quelque sorte contrebalancer le premier de façon à permettre de réhabiliter
la diversité effective du réel en dépit de cette tension ou de ce désir
d’unité conceptuel c’est
le principe de brisure spontanée de symétrie. Pensez à un crayon
posé sur sa pointe ; il est initialement parfaitement symétrique par
rotation autour de son axe. Quant on le lâche, il tombe et il choisit, aléatoirement,
une et une seule direction privilégiée ; il a donc brisé la symétrie
qui le décrivait initialement ; pour le dire de façon un peu
technique, il arrive que les solutions soient moins symétriques que les équations
qui les génèrent.
- Revisitées à l’aune de ce principe de
brisure de symétrie, qui s'est avéré si efficace en physique des
particules, nos lois elles mêmes peuvent se réinterpréter, dans une
certaine mesure, comme des paramètres environnementaux. Autrement dit,
elles résultent d’une évolution, elles résultent d’une histoire.
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- La physique des particules disais-je, mais des
particules relativistes.
- La
Relativité restreinte, c'est probablement la première grande déconstruction
de l’idée, de l'image, newtonienne, d’un espace absolu en soi, presque
pour soi, de cette forme pure, à priori transcendantale dirait Emmanuel
Kant de la sensibilité humaine ; au contraire, chez Newton, l’espace
et le temps sont en quelque sorte à posteriori une plastique qui vient
s'immiscer dans l’édifice et je crois que la théorie, évidemment révolutionnaire
dans ce qu’elle énonce, dans ce qu’elle dit, l'est aussi dans ses
hypothèses, dans ces prémices, dans ce sur quoi elle se fonde, parce
qu’elle constitue justement la première théorie de jauge de
l’histoire, c’est à dire la première proposition à se fonder sur les
symétries - mais en l’occurrence - une symétrie plus simple que les
espaces abstraits de la physique des particules :l'invariance des lois
par déplacement spatial et temporel. Quand Isaac Newton énonce les
Principia, il ne les suppose pas valides exclusivement à Cambridge en
l’an de grâce 1687 mais aussi à Athènes et à Alexandrie, mais aussi la
veille et le lendemain. Il y va, si l’on peut dire, de la condition de
possibilité d’une intelligibilité physico mathématique du réel. Une
loi dépendant de Dieu ou du temps s’inscrirait en faux de façon définitoire
par rapport à ce qui la caractérise.
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- Une fois donc cette hypothèse, presque inévitable,
posée, la Relativité restreinte nous conduit d’une façon étonnante à
trois conséquences radicales.
- D’abord l’émergence
d’une vitesse, absolue, indépassable, que la théorie des champs
peut bien assimiler -à raison- à celle de la lumière, mais qui correspond
peut-être plus fondamentalement à une constante de structure de
l’espace-temps. Cette limite à nos velléités exploratoires de
l’espace ne résulte pas, quant à son existence, de la forme particulière
des lois qui sont à l’œuvre dans notre monde, je crois que c’est
vraiment le point nodal, mais du simple fait que les lois existent, c’est
à dire des symétries fondamentales de l’espace-temps.
- Ensuite l'émergence
d’un lien indéfectible entre l’espace et le temps. Si je me mets
en mouvement par rapport à vous, ma montre présentera un temps s’écoulant
légèrement plus lentement que le vôtre ; nos horloges invariablement
se désynchroniseront et chacun d’entre nous pourrait devenir plus vieux
que ses propres parents, si tant est qu’ils sont encore en vie et qu’ils
soient soumis à une vitesse suffisante pendant un intervalle suffisant.
- On peut le dire autrement : la lance d’Achille
pourrait devenir plus petite que le bouclier d’Hector, sans aucune
intervention d’Athéna, par le simple effet de la contraction géométrique
agissant sur celle-ci, si elle se déplace, là encore de façon
suffisamment rapide.
- Et enfin, troisième conséquence fondamentale,
la relativité restreinte conduit
à une relation entre l’énergie et la masse : E = mc2
, ce qui est proprement révolutionnaire parce qu’il s’agit
d’un lien entre des grandeurs qui étaient jusqu’alors pensées comme de
natures différentes ; elles ne jouissent pas du même prima
ontologique : l’énergie est contingente, elle est susceptible d’être
acquise ou perdue ; la masse est liée à l’être. Je pèse « donc
je suis » pourrait dire le physicien dans un version appauvrie du
cogito cartésien donc plutôt « je suis ce que je pèse ».
- Cette égalité à ouvert la possibilité de
transformer une propriété en existence. Il faut vraiment se rendre compte
de ce que cela signifie, c’est un peu comme si l’on annonçait que
l’on va transformer la qualité de timbre d’un magnifique piano
Bosendorfer en existence matérielle d’un nouveau piano Kaway, éventuellement
sans détruire le premier. Voyez, c’est un lien entre un inné et un
acquis, entre un essentiel et un accidentel, entre un être et un avoir ;
pour le dire de façon plus précise la capacité de transformer le
mouvement en existence. Çà c’est exactement ce qui est en œuvre dans un
accélérateur de particules, c’est la vitesse du corps incident qui
permet l’émergence de nouveaux corps, éventuellement sans détruire les
premiers et de façon matérielle, palpable, tangible.
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- Transcrit par Christian Larcher
- Pour la suite, la transcription ne sera pas
exhaustive.
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- Avant de lire ce qui suit, il est utile de lire
la transcription intégrale du début de la conférence
(voir le document plus haut).
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- Suivons le fil conducteur de la ballade proposée
par l’auteur à travers l’espace et le temps pour retisser la trame de
l’histoire du monde et écrire le « livre-monde ».
- Le voyage débute avec la Théogonie d’Hésiode
cherchant un rapport à la nature dé-anthropocentré.
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- Nos yeux captent les grains d’énergie
provenant du Soleil mais il existe d’autres grains dont l’énergie est
soit plus faible soit beaucoup plus grande.
L’étude de ces grains d’énergie révèle les différents
visages du cosmos. Cette promenade nous fait rencontrer les trous noirs, les
naines blanches avec leur cœur de diamant pur, les pulsars etc.
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- La physique des particules nous dit quelque
chose du monde subatomique grâce à deux grands principes :
- - Le principe de Jauge
- - Le principe de brisure spontané de symétrie
- Le premier concerne l’unification des forces.
Le physicien est obnubilé par l’unification. C’est au prix de
l’abstraction mathématique que se révèle un visage du cosmos. Non pas
comme le soutenait Galilée parce que la Nature serait écrite en langage
mathématique, mais par ce qu’il est signifiant, cohérent, descriptif, prédictif
et prescriptif.
- Pour justifier de la diversité effective du réel,
il faut un second principe qui vient en quelque sorte contrebalancer le
premier. (Lire dans le document joint ce qui concerne le contenu de ce
second principe).
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- La Relativité restreinte énonce
l’invariance des lois par déplacement spatial et temporel.
- Elle conduit d’une façon étonnante à trois
conséquences radicales :
- L’émergence d’une vitesse absolue, indépassable,
que la théorie des champs peut bien assimiler - à raison - à celle de la
lumière mais qui correspond peut-être plus fondamentalement à une
constante de structure de l’espace-temps.
- L’émergence d’un lien indéfectible entre
l’espace et le temps.
- L’émergence d’une relation entre l’énergie
et la masse qui est proprement révolutionnaire car elle unit des grandeurs
fondamentalement différentes. L’énergie est contingente, on peut en acquérir
ou en perdre. La masse est liée à l’être : « je pèse donc
je suis » ou plutôt « je suis ce que je pèse »
-
- Des particules chargées - particules et
antiparticules - sillonnent
l’espace stellaire. Pourquoi
la symétrie entre matière et antimatière est-elle brisée ? Où est
passée l’antimatière ? Pourquoi la nature a fait le choix de la
matière au dépend de l’antimatière ? Est-ce qu’il existe, loin
d’ici, des anti-étoiles, des anti-galaxies, des anti-planètes ? Et
même une anti-cosmologie ?
-
- Au delà des particules chargées il y a les
neutrinos. Les neutrinos sont précieux car ils voient un cosmos
essentiellement transparent et conservent l’empreinte, la trace de ce qui
les a créé.
- Au delà des neutrinos il faudra recourir aux
ondes gravitationnelles. Ces sortes d’ondes de géométrie correspondent
à un « tressaillement fugace » de la métrique de l’Univers.
- Leur détection permettrait de scruter le
cosmos avec des yeux de géomètre.
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- La Relativité générale
- L’espace-temps réagit à la présence des
corps, il se distord et se distend eut égard à la distribution de masse et
d’énergie. Un peu comme si dans notre étrange parcours d’échecs
cosmiques, la morphologie des cases devenait une conséquence de la position
des pièces. Un peu comme si, dans notre jeu de théâtre, le décor évoluait
au gré de la position des acteurs. Ou comme si la manière de dire était
fondamentalement liée à la nature de ce qui est dit.
- L’espace-temps n’est plus le cadre dans
lequel se produisent les phénomènes, il est lui même un phénomène.
Un phénomène comme les autre, un phénomène régi par des équations d’évolution. Notre vision du monde apparaît comme strictement
relationnelle et évidemment relativiste. Est-ce qu’Hésiode l’aurait
appelé une chimère ?
-
- Ce qui est un peu gênant, c’est que
l’observateur fait intégralement partie de ce qu’il veut décrire…Est-ce
véritablement une description objective ? par ailleurs, le problème
des conditions initiales est épineux. Enfin, ce qui est aussi un peu délicat,
c’est que l’expérience n’est pas reproductible.
-
- La cosmologie est cependant devenue une science
et même une science de précision qui repose sur trois piliers :
- L’observation
de Hubble
- Chaque corps céleste à grande échelle s’éloigne
de chaque autre corps avec une vitesse d’autant plus grande qu’ils sont
éloignés, en adéquation parfaite avec l’image d’un espace-temps en
expansion depuis le big-bang primitif.
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- Le
fond diffus cosmologique
- On peut aujourd’hui scruter d’infimes
fluctuations, qui témoignent de la présence d’ondes de densité dans
l’Univers primordial. Très exactement ce que l’on appelle en physique
des ondes acoustiques. C’est presque sans métaphore que l’on peut
considérer qu’il s’agit d’écouter l’Univers primordial. La qualité
de timbre d’un instrument nous en dit long sur sa facture. Il est
aujourd’hui possible de mesurer l’âge de l’Univers, son spectre de
puissance, sa vitesse d’expansion, sa géométrie avec des précisions qui
avoisinent 1 %. La cosmologie est devenue une science de précision.
-
- La
nucléosynthèse primordiale
- La physique nucléaire est une vieille et vénérable
science ; elle peut calculer avec une bonne précision ce que devraient
être les abondances des différents éléments dans un modèle d’Univers
en expansion depuis le big-bang primitif. Et là encore les prédictions
sont en bonnes adéquations avec les mesures.
-
- L’homogénéité et
l’expansion
- Comment se fait-il que des zones causalement dé-corellées,
c’est à dire n’ayant pu avoir la possibilité d’échanger la moindre
information, se trouvent miraculeusement à la même température ?
- Il faut en quelque sorte amender le modèle
cosmologique et supposer que dans
les premiers instants il s’est déroulé une phase d’expansion considérable, facteur d’échelle de la taille caractéristique de l’Univers,
exponentielle, qui permet de recoller ces zones qui ne sont qu’apparemment
disjointes quand on les observe aujourd’hui.
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- Les
trous noirs
- « Vous qui entrez ici perdez toute espérance »
disait Dante dans sa comédie
pour décrire les enfers.
- C’est un peu ce qui se passe avec les trous
noirs parce que une fois l’horizon franchi, cette espèce de membrane mathématique
dépourvue de toute matérialité, plus aucun retour vers le monde antérieur
n’est envisageable. Dans le trou noir en quelque sorte le temps se change
en espace, l’espace se change en temps. La singularité centrale marque,
d’un certain point de vue, moins un lieu spécialement déterminé
qu’une sorte d’achèvement de l’écoulement du temps.
A l’extérieur du trou noir, dans notre monde, un corps en chute
libre sur l’objet serait observé par l’observateur local, au voisinage
de l’horizon, comme présentant sa plus grande vitesse possible, celle de
la lumière donc. Mais le même phénomène, scruté par l’observateur
distant, verrait un corps présentant la plus petite vitesse possible,
strictement zéro donc. Visions apparemment antagonistes et pourtant cohérentes
dans une acception relativiste.
- Mais comment comprendre que les trous noirs
semblent perdre la mémoire de ce qui les a formé ?
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- Matière
noire et énergie noire
- L’essentiel de la masse de l’Univers est
invisible ; soit !
mais on a pu de plus établir que les constituants élémentaires de cette
matière invisible n’étaient très probablement pas des particules
d’ores et déjà identifiées dans le cadre du modèle standard de
l’infiniment petit. Double paradoxe : cosmologique et de la physique
des particules.
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- On sait depuis un siècle environ que l’Univers
est en expansion, ce qui n’est pas étonnant. La Relativité générale
nous apprend que l’espace-temps doit être dynamique, à comprendre comme
une dilatation de l’espace lui-même. On a mis en évidence -
depuis un peu plus de 10 ans - que cette expansion était de plus en plus
rapide. On peut certes
adjoindre une constante fondamentale aux équations d’Einstein mais la
valeur de cette constance cosmologique n’est pas en accord avec la mécanique
quantique.
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- Théorie
des cordes
- Peut-être faut-il revoir plus profondément la
structure du microcosme pour en déduire leurs conséquences sur le
macrocosme. Et si les
particules élémentaires n’étaient pas des objets ponctuels ? mais
plutôt des structures filiformes régies par la théorie des cordes.
- La théorie des cordes c’est d’abord un
tour de dextérité mathématique. C’est une théorie quantique, par
construction ; c’est une théorie gravitationnelle parce que le spectre
d’excitation des cordes contient ce que l’on appelle un boson, sans
masse, de spin 2, autrement dit un graviton ; et c’est une théorie
d’unification parce qu’elle donne l’espoir de réinterpréter une
particule pseudo-élémentaire connue comme différents modes de vibration
d’une unique classe de cordes fondamentales. Un peu comme une corde de
violon qui selon les positions des doigts sur le manche peut générer
toutes les notes de la gamme chromatique.
- La découverte de la super symétrie, découverte
toute théorique qui créerait
un lien entre le monde des forces et le monde des cordes, entre le monde des
interactions et le monde des objets ; ensuite la découverte des
relations dites de dualité, de liens entre les grandes et les petites
distances, entre les fortes et les faibles interactions et la découverte du
paysage ; comment réaliser
4 triangles équilatéraux avec 6 allumettes ? il n’y a de réponse
que dans l’espace : le tétraèdre ; il faut inventer la 3è
dimension pour répondre au problème ; de même dans la théorie des
cordes, il y a cohérence à condition de supposer que le monde est décadimensionnel,
ce qui n’est pas très compatible avec notre expérience quotidienne !
il faut donc cacher, recroqueviller, compacter ces dimensions supplémentaires ;
cela génère une infinité de lois physiques émergentes différentes.
- Il est très vraisemblable que l’inflation ne
crée pas un Univers mais une succession, une
infinité d’univers bulles dé-corellés les uns des autres. Voilà
la première image du multivers. L’inflation crée le monde ;
la théorie des cordes, si elle est correcte, les emplit ou les
structure avec des lois physiques différentes.
- Pourquoi
existe t-il quelque chose plutôt que rien ? est à remplacer par
pourquoi existe t-il une telle diversité ? Notre univers serait
à réinterpréter comme un îlot contingent au sein d’un multivers.
-
- Principe
anthropique
- Notre monde après avoir été géocentré, héliocentré,
galactocentré, cosmocentré, deviendrait parfaitement acentré. Notre
Univers n’a aucune vocation à être représentatif du multivers.
- Pourquoi les lois de la physique semblent elles
si parfaitement adaptées à la complexité en général et à la vie en
particulier ?
- On peut avancer trois explications :
-
- Le coup de dé initial sélectionne, par
« une incroyable chance », « cet îlot dérisoire »
était compatible avec la complexité
- Par ce qu’un être intelligent (Dieu ?)
a orienté l’évolution de l’Univers vers l’émergence de la vie en général
et de la vie humaine en particulier. Ce qui résulterait d’une vision très
anthropocentrique, théologique ou téléologique.
- De possibles multivers ; en jetant une
infinité de fois les dés, toute séquence, aussi improbable soit elle, va
nécessairement se réaliser et même d’ailleurs se réaliser une infinité
de fois.
- Évidemment la proposition est vertigineuse ;
elle redessine même les contours de ce que pourrait-être notre rapport au
monde. Elle résout même certaines contradictions en physique théorique.
-
- Cette théorie est-elle encore scientifique ?
Peut-on la falsifier ou la réfuter?
- Il
semble que oui, pour une raison
assez simple qui est que le multivers n’est pas un modèle inventé de façon
« ad hoc » par goût de la diversité. Il est une conséquence
de modèles élaborés pour répondre à des questions précises de
physique des particules et de la gravitation relativiste.
- Si ces modèles, qui peuvent être mis à l’épreuve
de l’expérience « hic et nunc », avec beaucoup de difficultés
c’est vrai, mais ce n’est pas à priori impossible, si donc ces modèles
venaient à être infirmés, toutes leurs conséquences, y compris bien évidemment
ses modèles multiples, s’évanouiraient à nos yeux.
- Il n’a jamais été nécessaire de vérifier
toutes les conséquences d’une théorie pour que celle-ci entre de plein
droit et de plain pied dans le champ des sciences dures. Repensons à la
relativité générale..
- Si, dans un avenir éloigné, les théories qui
génèrent ces multivers venaient à faire partie du paradigme dominant, il
y aurait quelque chose de l’ordre de l’obstination, pour ne pas dire de
l’obscurantisme, à leur dénier la conséquence des univers multiples
alors qu’elle apparaît naturellement et qu’elle permet de résoudre un
certain nombre de contradictions apparentes de physique théorique.
-
- Ne pas enfermer la science dans un cadre
Popperien
- Et si on considère
cette proposition comme non scientifique, au sens de Popper, faut il nécessairement
s’en émouvoir ? cette tentative d’érection de frontières
ne permet pas de décrire des pratiques scientifiques à ce point emboîtées,
délocalisées. Et faut il interdire une auto transformation de descripteurs
de ce qu’est la science ?
- Cette idée de multivers apparaît aussi dans
des domaines beaucoup moins spéculatifs.
- Pensons une dernière fois encore à la
Relativité générale ; dans deux ou trois géométries, compatibles
avec les symétries cosmologiques ; elle prédit un espace strictement
infini. Donc une infinité d’univers en tant que zones corrélées les
unes avec les autres. Auquel cas tout ce qui peut s’y dérouler, non pas
en tant que diversité de lois mais en tant que diversité de phénomènes,
doit se produire, une infinité de fois. Il doit exister une infinité de
copies de chacun d’entre nous, qui ont rigoureusement le même passé mais
pas forcément le même futur.
- Il y a des lieux ou des temps où la Relativité
générale prévoit l’existence de singularités, des pathologie de
l’espace-temps lui même.
-
- L’autre grande théorie du XXè siècle, la mécanique quantique, n’est pas correcte
sur cette question. Les
particules élémentaires y ont le don d’ubiquité ; il faut y
renoncer en renonçant au déterminisme de la physique classique au profit
d’une vision stochastique, ou aléatoire. Dans l’interprétation de
Copenhague, elle prévoit une superposition d’états jusqu’au moment de
l’effondrement de la fonction d’onde ou de la projection du vecteur d’état.
C’est un postulat supplémentaire mathématiquement disgracieux et
conceptuellement coûteux. Dans une autre interprétation (Everet), il est
supposé que se produit un embranchement en univers parallèles sans rupture
; un monde où la guerre de Troie a eu lieu et un autre où elle n’a pas
eu lieu.
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- Concilier
des théories
- Mais il faut aller plus loin et concilier les
exigences quantiques et les impératifs gravitationnels. Moins dans une quête
d’unification que pour des raisons de cohérence interne. La relativité générale
prédit en quelque sorte elle même sa propre perte ; il y a des lieux
ou des temps où elle prédit l’existence de singularités. Ce sont sans
doute moins des pathologies de l’espace temps lui même que de la théorie
qui les décrit.
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- Plusieurs approches ont permis des avancées
considérables, par exemple la « gravitation quantique à boucles »
qui parvient à concilier, dans un cadre mathématique cohérent, dans une
axiomatique claire, les grands principes de la mécanique d’Einstein avec
la mécanique quantique. Paradoxe principal, l’espace-temps serait lui même
constitué de petites parties insécables.
- Appliquer à l’univers dans son ensemble la
« gravité quantique à boucles » lisse, régularise, le
Big-Bang, en tant que paradoxe principal et principiel. Il est remplacé par
un grand rebond, un autre
Univers en amont du nôtre qui se serait contracté et aurait donné
naissance à l’expansion telle que nous l’observons. Le multivers
d’ici n’est plus spatial ou parallèle, il est temporel et éventuellement
cyclique.
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- Les
multivers
- Face à cette question des univers multiples,
peut-être serait-il opportun de relâcher un peu la contrainte de vérité
et de penser en termes d’adéquation, d’ajustement, de bon sens. Sur
cette voie le philosophe analytique américain Nelson Goodman peut nous éclairer.
Le multivers goodmanien n’a pas trait à la vision d’une chose, il a
trait à la diversité presque démiurgique de nos capacités d’agencement
de notre système symbolique ; il a trait à la créativité humaine.
- Pour Goodman, l’art et la science sont autant
de manière de faire des mondes. Le fil conducteur de la pensée de Goodman,
c’est le refus du réductionnisme. C’est au non de
anti-réductionnisme qu’il est conduit à proposer ce qu’il
nomme un relativisme radical sous contrainte de rigueur.
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- Conclusion
- Nous ouvrions cette courte ballade avec une référence
à Hésiode, sans doute faut-il la conclure en hommage à Homère, l’autre
magicien de l’hexamètre. L’hexamètre, c’est le rythme tactile que sécrètent
les phalanges, celle de l’allégretto de la cinquième symphonie de
Beethoven, de l’unité centrale du quatuor de La jeune fille et la mort de
Franck Schubert.
- L’aèdre c’est peut-être avant tout un
musicien. Je crois que la cosmologie d’Homère présente un homme aux
prises avec sa finitude, triste souvent, blessé presque toujours, mais qui,
quand le corps d’Achille se confond avec la lumière du Soleil, peut
encore créer le monde et défier
les dieux. Je crois que la musique porte l’esprit humain, au delà du défi
humain, au delà de la farce et lui confère un peu de la dignité de la
tragédie.
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- Notes rédigées par Christian Larcher à
partir d’un enregistrement.
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- POUR ALLER PLUS LOIN :
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- À consulter le livre ci-contre.
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- Univers
ou multivers ? La cosmologie physique à l’épreuve de la philosophie,
conférence d’A Barrau à l’UNESCO le 6 Juillet 2009.
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- Les
Univers parallèles par H Reeves à
l’UNESCO le 16 Janvier 2009.
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- Les
nombreux univers de Hugh Everett,
article de Pour la Science de Mars 2012 et dans sa
version originale en anglais.
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- Bon ciel à tous !
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- Jean Pierre Martin
.Commission de Cosmologie de la SAF.
- www.planetastronomy.com
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