Mise à jour le 17 Décembre 2011
 
 
CONFÉRENCE MENSUELLE DE LA SAF
"L’ESPACE, LE TEMPS, L’ESPACE-TEMPS
ET LA NOUVELLE PHYSIQUE"
Par Marc LACHIEZE-REY
Directeur de recherche CNRS,
APC (AstroParticules et Cosmologie) Paris VII
Au FIAP, 30 rue Cabanis, 75014 Paris (métro Glacière).
Le Mercredi 14 Décembre 2011 à 20H30
 
Photos : JPM. pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos et des animations.
 
 
Salle comble grâce à notre super conférencier !
 
 
 
Marc Lachièze-Rey est un de nos plus grands astrophysiciens, il travaille au centre APC, Astro Particules et Cosmologie qui dépend de l’Université Paris VII.
 
Il a publié de nombreux ouvrages à la fois très spécialisés mais aussi certains, plus à la portée du grand public. Voir en bas de ce compte rendu.
 
 
 
Il nous parle (sans notes !!) de l’évolution des notions d’espace et de temps dans la physique et dans quelles directions on compte de les faire évoluer aujourd’hui.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Tout commence avec Aristote, pour lui pas de notion d’espace, mais uniquement de lieu.
Son savoir ainsi que le savoir Grec nous est transmis par les Arabes.
 
 
Isaac Newton est le créateur de la physique moderne ; il introduit un cadre pour la physique qui comprend un espace et un temps.
Il y a un espace physique qui se décrit par un espace géométrique.
Pour lui, l’Univers est un espace infini.
 
L’espace est homogène (pas de centre pas frontière) et isotrope (pas de direction privilégiée).
 
Il introduit la loi de la gravitation universelle qui agit dans l’espace isotrope et définit une direction privilégiée.
La vie de tous les jours est régie par les lois de Newton.
 
 
 
 
Concernant le temps, Newton l’assimile à une droite. À chaque instant on peut définir la durée par rapport à une origine.
La propriété essentielle du temps newtonien est que l’on peut associer une date à n’importe quel événement.
 
Donc, on peut définir la simultanéité de deux évènements, ce qui sera nié plus tard par Einstein.
 
Newton énonce aussi le principe d’inertie et en cinématique la loi d’addition des vitesses.
 
 
 
Le XIXème siècle arrive, et on s’aperçoit que la lumière n’obéit pas à la loi d’addition des vitesses, il existe une limite absolue, la vitesse de la lumière.
 
 
Ceci sera démontré par la célèbre expérience de Michelson et Morley.
 
À l’époque on pensait que la lumière se déplaçait dans un milieu qu’on appelait l’éther. Afin de savoir si notre Terre se déplaçait dans cet éther, on monta cette expérience d’interférométrie. Si c’était le cas, on aurait dû avoir des figures d’interférences différentes pour les miroirs correspondants au mouvement dans le sens de l’orbite de la Terre et perpendiculaire à celle-ci.
Ce ne fut pas le cas. L’éther n’existe pas !
 
 
 
 
Hendrik Lorentz, physicien néerlandais et Henri Poincaré mathématicien français, se sont attelés au problème de la composition des vitesses qui tiendrait compte de la limite finie de la vitesse de la lumière.
 
Cela aboutit vers les années 1920, aux célèbres transformations de Lorentz, qui se réduisent aux formules newtoniennes pour la vie de tous les jours.
 
C’est Einstein qui plus tard va réellement comprendre et expliquer ces formules.
Il prétend que l’espace et le temps n’existent pas, et que par conséquence la simultanéité n’existe pas non plus.
 
 
 
 
 
Albert Einstein, en 1905, publie sa théorie de la Relativité Restreinte (RR restreinte car sans gravitation, en anglais special relativity) où il n’y a pas d’espace ni de temps.
Cette théorie nous sert tous les jours avec le GPS !!
 
Quand la vitesse d'un objet est proche de celle de la lumière, il se passe des phénomènes qui vont contre le sens commun :
·        Le temps ralentit
·        Les distances se contractent
·        La masse des objets augmente.
 
Elle est aussi la base du paradoxe des jumeaux de Langevin.
On considère deux jumeaux, l’un fait un voyage dans l’espace à une vitesse proche de la vitesse de la lumière et revient sur Terre, l’autre reste sur Terre.
 
Au départ disons qu’ils ont 20 ans tous les deux.
Au retour sur Terre, le jumeau resté sur Terre a 40 ans, le jumeau astronaute 30 ans !
 
Il y a eu dilatation du temps. Pour le jumeau resté sur Terre, la durée de l’absence de son frère est supérieure au temps passé par celui qui voyage.
 
 
 
Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, ils ont vécu pendant le voyage, chacun réellement 20 ans et 10 ans biologiques que l’on peut vérifier aussi sur une montre.
C’est la preuve que le temps n’existe pas !
 
Le temps et l’espace sont remplacés par l’espace-temps, qui est différent de la simple réunion de l’espace et du temps !
 
Cette entité s’appelle l’espace-temps de Minkowski, car c’est Hermann Minkowski, mathématicien russe, qui a modélisé cet espace à 4 dimensions rendant compte de la RR.
Mais il existe aussi d’autres géométries, par exemple celle de Riemann.
L’espace-temps de Minkowski est plat. Une particule décrit une droite dans cet espace, c’est le principe d’inertie.
 
 
Mais l’espace-temps de Minkowski de la Relativité Restreinte, ne prend pas en compte la gravitation.
 
Albert Einstein veut intégrer la gravitation dans sa théorie.
La gravitation va devenir une propriété de l’espace-temps qui introduit une courbure de cet espace-temps.
 
 
Les objets suivent la forme de l’espace-temps, ils suivent la courbure, leurs trajectoires ne sont plus des droites mais ce que l’on appelle des géodésiques.
Géodésique entre deux points est la trajectoire dont la durée est la plus longue (alors que pour une droite c’est la distance la plus courte).
 
 
La masse déforme l’espace-temps en créant une courbure de celui-ci.
 
 
 
 
C’est la théorie de la Relativité Générale (RG).
 
Ce sont les équations d’Einstein qui vont permettre de calculer la courbure de l’espace-temps.
 
Cette équation lie la géométrie de l'espace-temps à la répartition de matière et d'énergie.
R est le tenseur de Ricci qui caractérise la courbure spatio-temporelle. T est le tenseur énergie-matière.
 
Ces équations sont valables dans tout l’Univers ; mais il est bien évident que dans notre système solaire, la physique newtonienne en découle pour tout ce qui est très inférieur à c et pour des masses relativement faibles.
La seule exception est Mercure qui est si proche du Soleil, Soleil qui est une masse énorme et qui déforme l’espace-temps de la première planète.
Ce sera une grande victoire d’Einstein d’expliquer grâce à sa nouvelle théorie, l’avance du périhélie de Mercure.
 
 
Une question se pose : existe-t-il une solution globale à l’équation d’Einstein ?
Einstein lui-même a cherché, puis Dirac, d’autres aussi en introduisant des géométries différentes.
 
À l’époque d’Einstein, Théodor Kaluza et Oskar Klein ont essayé d’unifier les deux interactions fondamentales que sont la gravitation et l‘électromagnétisme. Ils introduisent une cinquième dimension (qui serait tellement petite et repliée sur elle même que l’on ne pourrait pas l’appréhender).
Les équations d’Einstein correspondent à l’espace-temps à 4 dimensions.
Et ça marche pas mal !
 
Mais à la même époque, la physique quantique est découverte.
 
La lumière qui était suivant les savants soit ondes (Huygens) soit corpuscules (Newton) devient à la fois ondes et corpuscules, c’est la dualité onde-corpuscule (De Broglie).
 
Des objets nouveaux sont introduits : les quantas qui dans certaines conditions sont soit ondes soit particules.
 
Illustration :© Zach Weiner
 
Cela va donner naissance à une nouvelle géométrie, la géométrie non commutative. (développée par Alain Connes).
 
(non commutatif signifie dans notre monde que par exemple
AxB  différent de BxA).
 
 
 
 
 
 
Puis au cours du XXème siècle on découvre les 4 forces de la nature :
·        l'interaction gravitationnelle, responsable de la pesanteur, ou encore des phénomènes astronomiques, portée illimitée
·        l'interaction électromagnétique, responsable de l'électricité, du magnétisme, de la lumière etc  transportée par le photon
·        l'interaction forte, responsable de la cohésion des noyaux atomiques, très puissante..
·        l'interaction faible, responsable de la radio-activité bêta, qui permet au Soleil de briller. Rayon d'action très court.
 
 
Ceci a donné naissance au Modèle Standard de la physique.
 
 
C’est une solution inélégante et compliquée d’après Marc Lachièze Rey, car la gravitation n’est pas incluse dans ce cadre.
 
On est en présence de deux mondes, l’infiniment petit avec la Mécanique Quantique et son Modèle Standard, et l’infiniment grand avec la Relativité Générale et la gravitation. Ces deux mondes sont incompatibles et s’ignorent, alors qu’indépendamment ils fonctionnent.
 
On sent bien qu’il manque quelque chose.
 
Ce sera l’objet de la Nouvelle Physique de réconcilier ces deux mondes. Pourra-t-on les réunir en une seule théorie ? C’est le but ultime de la physique actuelle.
 
Il y a différentes pistes pour y aboutir. Citons-en deux principales :
 
 
·        La théorie des cordes (string theory en anglais) qui introduit de nombreuses dimensions supplémentaires.
·        La gravité quantique à boucle (loop quantum gravity en anglais) où on essaie de quantifier la gravitation. C’est très prometteur.
 
Il existe aussi d’autres théories trop compliquées pour être expliquées ce soir comme la théorie des catégories.
 
 
 
 
 
Bref, en conclusion, la physique c’est de la géométrie d’après Marc Lachièze-Rey !
 
 
De nombreuses questions d’un public très curieux ont conclu la soirée.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
POUR ALLER PLUS LOIN.
 
Vers la Gravitation Quantique : CR de la conférence SAF de M Lachièze Rey du 14 Janvier 2006
 
Les transformations de Lorentz avec tous les détails.
 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_des_jumeaux
 
Les jumeaux de Langevin par A. Moatti.
 
Le paradoxe de Langevin, CR de la conférence SAF de B Christophe.
 
Construction de l’espace-temps de Minkowski par R Bouzerar.
 
L’espace-temps de Minkowski par Nathalie Deruelle.
 
H. Minkowski et le scandale de l’espace-temps par Scott Walter de l’Université de Nancy, présentation pdf.
 
Cours de relativité générale par Éric Gourgoulhon du LUTH Observatoire de Paris.
 
Discussion critique autour des principes fondamentaux de la cosmologie moderne par JM Alimi du LUTh.
 
Les équations de la cosmologie par A Mertz de la SAF.
 
Kaluza-Klein Gravity par J. M. Overduin
 
La théorie quantique des champs   par G Cohen-Tannoudji, présentation ppt
 
« D’où venons-nous ? Ou allons-nous ? Les grands défis cosmologiques du 21ème siècle » Gabriele VENEZIANO, Professeur au Collège de France à la BNF.
 
The official string theory website.
 
La Théorie des Cordes par le club Orion.
 
La théorie des cordes par Alexandre Depire de l’Institut Henri-Poincaré, à voir c’est bien introduit.
 
"LE SIÈCLE D'ALBERT EINSTEIN" COLLOQUE DU 11 AU 15 JUILLET 2005 à l'UNESCO   Paris
 
La magie du Cosmos par Brian Greene
 
La gravitation quantique par Carlo Rovelli
 
 
 
Voir sa page spéciale sur ses livres.
 
 
 
 
 
 
Bon ciel à tous
 
 
Jean Pierre Martin   Président de la commission de cosmologie de la SAF
www.planetastronomy.com
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