Mise à jour le 7 Octobre 2012
 
CONFÉRENCE
« À LA RECHERCHE DE PLANÈTES PROPICES À LA VIE »
Par François Forget
Planétologue, IPSL, Paris VI
Organisée par l'IAP
98 bis Av Arago, Paris 14ème
 
Le mercredi 2 Octobre 2012 à 19H30
 
Photos : JPM. pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos
Vidéo de la conférence par le CERIMES disponible sur leur site quelques jours après (le CERIMES propose aussi toutes les vidéos des conférences IAP) :      voir : http://www.cerimes.fr/le-catalogue/institut-dastrophysique-de-paris-iap.html
 
 
 
BREF COMPTE RENDU
 
 
 
 
 
François Forget est bien connu de nos lecteurs, c’est un planétologue célèbre qui est passé par le CNES, la NASA (centre Ames) et qui est maintenant à l’Insitut Pierre Simon de Laplace.
 
Il s’intéresse ce soir, aux différentes conditions et possibilités qui peuvent mener à une vie possible sur des exoplanètes. Ce qui peut se résumer aux questions suivantes :
 
·        Y a-t-il d’autres planètes au climat propice à la vie ailleurs ?
·        Où a-t-on des chances de les trouver ?
 
 
 
 
 
 
À priori pour le moment, la vie telle qu’on l’entend est basée sur la chimie du Carbone en solution dans l’eau liquide.
 
 
Donc rechercher la vie, c’est d’abord rechercher l’eau (sous entendu liquide).
 
Où peut-on donc trouver de l’eau ?
 
Reportons nous à nos cours de physique du Lycée, en s’intéressant au diagramme de phase de H2O.
 
L’eau ne reste liquide que dans certaines conditions de température et de pression comme on le voit.
 
 
 
 
 
Où sont donc les planètes pouvant posséder de l’eau liquide à leur surface ? Elles sont dans ce que l’on appelle la zone habitable.
En deçà, l’eau est sous forme de vapeur ou totalement absente, au delà, l’eau est sous forme de glace.
Quelle est la taille d’une telle zone ?.
 
Examinons donc déjà la limite extérieure de cette zone, à partir de quel moment une planète devient « gelée ».
 
On a fait des simulations en ce qui concerne notre planète.
Par exemple si notre planète s’éloignait de 12% du Soleil, elle recevrait seulement 79% de l’insolation actuelle, et une glaciation s’installerait à sa surface.
 
 
Mais pourquoi donc une telle sensibilité à la distance Terre-Soleil ?
 
Cela est dû en fait à une augmentation rapide de l’albedo (facteur qui définit la réflexion de l’intensité solaire de la planète, tout ce qui est blanc augmente ce facteur) qui participe à un phénomène de boucle :
 
·        Le flux solaire diminue  --> 
La température chute 
--> 
La quantité de glace et de neige augmente 
--> 
L’albedo augmente 
--> 
La température chute de nouveau etc…
 
Avec les modèles actuels, on s’aperçoit que, si la Terre s’éloigne de quelques % du Soleil, il y a glaciation globale à sa surface.
 
Mais alors, dans le passé (il y a 3,5 milliards d’années par ex) le Soleil était moins brillant (de 25% soit équivalent à être 16% plus loin), pourquoi ne sommes nous pas en glaciation permanente ?
Alors que l’on pense qu’il y a toujours eu de l’eau liquide à la surface de notre planète.
C’est ce que l’on appelle le paradoxe du Soleil faible.
 
La solution à ce paradoxe tient à l’effet de serre puissant qu’a subi notre planète (et qui nous a sauvé !) grâce au méthane et au CO2.
 
En fait le climat terrestre s’est ajusté avec les variations de flux solaire grâce à un thermostat très élaboré.
 
La Terre s’est toujours adaptée (espérons qu’elle continuera !).
 
Le CO2 joue le rôle de régulateur thermique.
 
Si la température de surface diminue, le CO2 est moins absorbé, le lessivage terrestre (ou érosion) diminue , le CO2 étant plus présent, l’effet de serre augmente et la température augmente.
 
La boucle est bouclée.
 
Processus inverse si la température de surface augmente.
 
 
 
 
 
 
 
 
(NDR : Le cycle démarre avec le CO2 atmosphérique dissout dans les eaux de pluie qui forme de l’acide carbonique (H2CO3).
Cet acide faible produit un lessivage (weathering en anglais) des roches à base de Silice et relâche divers ions + et -, notamment Ca++, Mg++, bicarbonate- , etc.. Ces éléments sont ensuite dirigés vers les océans.
Là, les micro-organismes comme le plancton utilisent ce qui est à base de carbonate de Calcium pour fabriquer leur coquille.
À leur mort, ces coquilles tombent au fond des océans et se déposent, ils sont en grande partie absorbés par les fonds océaniques.
La Terre étant une planète à plaques tectoniques, ces fonds océanique vont un jour ou l’autre être absorbés par une zone de subduction (on passe en dessous d’une plaque).
Les carbonates se recombinent alors avec la silice pour former de nouveau notamment du Calcium et libérer du CO2 par les cheminées volcaniques.
Ce CO2 est donc relâché dans l’atmosphère, le cycle est bouclé.
 
Si la température baisse, l’érosion diminue, le CO2 s’accumule dans l’atmosphère. L’effet de serre augmente et la température augmente, jusqu’à atteindre un équilibre.)
 
 
 
OÙ POURRAIT DONC SE TROUVER LA LIMITE EXTÉRIEURE DE CETTE ZONE HABITABLE ?
 
 
 
 
Elle dépend en fait du CO2 comme on vient de voir, son rôle est crucial.
 
Les nuages de glace carbonique réfléchissent fortement le rayonnement solaire, provoquant un très fort effet de serre.
 
Les calculs montrent que l’on peut avoir une température de l’ordre de 0°C même jusqu’à 2,5 UA.
 
 
 
 
 
 
En conclusion pour la limite extérieure :
 
·        Il faut du CO2 pour créer l’effet de serre et
·        Un phénomène de tectonique des plaques pour recycler le CO2.
 
Dans ces conditions, on pourrait avoir de l’eau liquide jusqu’à 150 à 250% de la distance Terre Soleil (1,5 à 2,5UA).
 
 
 
Cette tectonique des plaques si essentielle, est-elle possible sur d’autres planètes ?
 
Sur les petites planètes (comme Mars par exemple) :
Il y a eu refroidissement rapide dû à la petite taille de la planète, menant à une très probable épaisse lithosphère ne permettant pas la tectonique des plaques.
 
Sur les grosses planètes (type super Terres) :
Là aussi on pense que suite à divers phénomènes le manteau doit aussi être épais et que la probabilité d’avoir une tectonique est faible.
 
La Terre serait-elle donc la seule planète à avoir la bonne taille ???
 
Et Vénus alors, sœur jumelle de la Terre ? Pourquoi n’y a-t-il pas de tectonique de plaques sur Vénus ?
 
Le manteau serait trop sec (l’eau agit comme un lubrifiant dans la tectonique).
On peut se poser donc la question de savoir si un manteau hydraté est nécessaire pour avoir une tectonique des plaques ?
 
 
INTÉRESSONS NOUS MAINTENANT À LA LIMITE INTÉRIEURE.
 
Jusqu’où peut-on s’approcher du Soleil ?
 
On sait que si on s’approche de 16%, les océans vont bouillir et même à 5% la haute atmosphère chauffe et on perd l’eau.
 
Si on s’approche :
·        Le flux solaire augmente à 
La Température augmente  à
L’évaporation augmente  à
L’effet de serre augmente  à 
La température augmente  à
Le phénomène s’emballe
 
De plus l’augmentation de température entraîne une perte de l’eau dans l’espace, par action des UV qui dissocient H2O.
 
 
 
Basé sur différents modèles, il semble que la limite intérieure acceptable pour la zone habitable soir aux alentours de 0,75UA.
 
 
 
Modélisation numérique 3D du climat sur une Terre rapprochée du Soleil (IPSL/LMD)
 
 
 
 
 
 
 
 
Zone de vie autour d’une étoile solaire.
La zone habitable évolue dans le temps, au cours des milliards d’années.
 
 
De cette zone de vie on déduit 4 types d’habitabilité possible :
 
·        Classe I : Planètes avec de l’eau liquide permanente à la surface (Terre)
·        Classe II : Planètes temporairement propices à l’eau liquide en surface mais qui ont perdu cette eau comme Mars primitif ou peut être Vénus primitif ?
·        Classe III : Corps avec un océan sous la surface glacée au contact d’un manteau rocheux (Europe)
·        Classe IV : Corps avec un océan sous la surface pris entr deux couches de glace (Ganymède, Callisto).
 
 
Les classes III et IV ne peuvent pas produire de photosynthèse et ne sont pas (pour le moment) considérées comme propices à la vie.
 
 
 
LE MAINTIEN DES CONDITIONS NÉCESSAIRES À LA VIE.
 
Le Temps est nécessaire à l’évolution de la vie.
Par exemple sur notre planète, il s’est passé une longue période entre les premières formes de vie vers –3,5 milliards d’années (Ga), la vie multicellulaire (-1,4Ga) , la vie animale (-0,6Ga) et la vie intelligente (récemment).
 
Le temps nécessaire pose un vrai problème lorsque l’on n’est pas près d’une étoile comme notre Soleil, les étoiles évoluent plus ou moins lentement selon leur type, on peut perdre l’atmosphère au cours du temps, on peut si trop près, se synchroniser autour de l’étoile (comme la Lune autour de la Terre) etc..
 
La perte de l’atmosphère : elle dépend de :
·        La gravité , si elle est trop faible, l’atmosphère s’échappe.
·        La température de la très haute atmosphère
 
 
 
Bien entendu ces facteurs dépendent du type d’étoile abritant ces planètes.
 
F Forget s’est intéressé aux étoiles de notre proche voisinage (10 parsec) et à leur répartition en fonction de leur type.
 
Il y a principalement des étoiles de type M (naines rouges) froides et de durée de vie longue.
 
Mais la vie est dure pour les planètes d’étoiles M, en effet elles doivent être très près de leurs soleils pour avoir une température acceptable, et là comme dit plus haut on perd l’atmosphère et on est synchronisé, alors….
 
 
 
 
 
 
 
QU’EN EST-IL AUTOUR D’AUTRES ÉTOILES ?
 
 
Évolution de la découverte de planètes extra solaires au cours du temps, on s’approche de masse similaire à la Terre.
Découvertes par la sonde américaine Kepler, de nombreuses planètes semblent se situer dans une zone habitable.
 
 
 
Que nous ont appris l’étude des exoplanètes découvertes ?
Un grand nombre de planètes en zone habitable ont l’air telluriques, mais :
·        leurs orbites sont souvent excentriques
·        certaines sont géantes, on pense qu’elles proviennent d’une migration de plus loin. (leurs satellites habitables ?)
 
En fait en conclusion, cela signifie que à priori notre système solaire n’est pas typique.
 
 
Un bon exemple des questions et des doutes sur ces planètes que l’on découvre : Gliese 581.
 
Ce système a été découvert par le spectromètre HARPS en 2005, d’abord 3 planètes (b,c,d) dont une qui semble habitable (c), mais on infirme cette nouvelle , puis une quatrième (d) en 2010 que l’on pense être dans la zone habitable. Puis on découvre encore 3 autres (e,f,g) dont une (g) est aussi une candidate possible.
 
 
François Forget s’est intéressé au cas de Gliese 581 d , peut-elle être habitable ou rendue habitable ?
 
En faisant certaines suppositions (atmosphère CO2-N2-H2O) c’est pensable.
 
Il publie avec son équipe un article à ce sujet :
Gliese 581d is the first discovered terrestrial-mass exoplanet in the habitable zone
 
 
 
 
 
 
CONCLUSIONS.
 
Suivant que l’on est optimiste ou pessimiste on peut penser qu’il y a abondance d’exoplanètes terrestres ou que nous sommes uniques.
 
La science n’a pas encore tranché (le fera-t-elle un jour ???).
 
Il faut observer et modéliser.
 
 
 
 
 
POUR ALLER PLUS LOIN :
 
La notion de zone habitable par l’Observatoire de Paris.
 
Variation globale du climat, présentation pdf très intéressante
 
Le cycle carbonate silicate (anglais).
 
The Carbon Cycle and Earth's Climate
 
Evolution of a habitable planet par James F. Kasting et David Catling
 
L’habitabilité : le point de vue de l’astronome par la société française d’exobiologie.
 
La tectonique des plaques article de la Recherche.
 
Histoire de la théorie de la tectonique des plaques par l’ENS Lyon.
 
L’habitabilité de Gliese 581d
 
Warming Early Mars with Carbon Dioxide Clouds that Scatter Infrared Radiation par Forget et Pierrhumbert.
 
Climat et météorologie des planètes présentation pdf de F Forget.
 
Global climate models applied to terrestrial exoplanets pdf par F Forget, R Wordsworth et al.
 
La Terre est-elle une exception dans l'Univers? CR  conf. F Forget à la SAF (Planétologie) le 9 Avr 2011
 
Estimations des changements climatiques dus aux activités humaines par JL Dufresne IPSL/LMD présentation ppt.
 
Bilan énergétique de la Terre et rôle de l'effet de serre par JL Dufresne IPSL/LMD présentation ppt.
 
The Lick-Carnegie Exoplanet Survey: A 3.1 Ms Planet in the Habitable Zone of the Nearby M3V Star Gliese 581
 
Gliese 581 c
 
Gliese 581 d : planète habitable ?
 
Première exoplanète habitable Gleise 581 d : une nouvelle candidate révélée par des climatologues
Conditions d’habitabilité des planètes : CR de la conférence IAP d’A. Maeder du 5 Juin 2012
 
 
Bon ciel à tous !
 
 
Jean Pierre Martin .Commission de Cosmologie de la SAF.
www.planetastronomy.com
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