François Forget est bien connu de nos
lecteurs, c’est un planétologue célèbre qui est passé par le CNES, la
NASA (centre Ames) et qui est maintenant à l’Insitut Pierre Simon de
Laplace.
Il s’intéresse ce soir, aux différentes
conditions et possibilités qui peuvent mener à une vie possible sur des
exoplanètes. Ce qui peut se résumer aux questions suivantes :
·Y a-t-il d’autres planètes au climat propice à la vie ailleurs ?
·Où a-t-on des chances de les trouver ?
À priori pour le moment, la vie telle qu’on
l’entend est basée sur la
chimie du Carbone en solution dans l’eau liquide.
Donc rechercher la vie, c’est d’abord
rechercher l’eau (sous entendu liquide).
Où peut-on donc trouver de l’eau ?
Reportons nous à nos cours de physique du Lycée,
en s’intéressant au diagramme de phase de H2O.
L’eau ne reste liquide que dans certaines
conditions de température et de pression comme on le voit.
Où sont donc les planètes pouvant posséder
de l’eau liquide à leur surface ? Elles sont dans ce que l’on
appelle la zone
habitable.
En deçà, l’eau est sous forme de vapeur ou
totalement absente, au delà, l’eau est sous forme de glace.
Quelle est la taille d’une telle zone ?.
Examinons donc déjà la limite extérieure de cette zone, à partir de quel moment une
planète devient « gelée ».
On a fait des simulations en ce qui concerne
notre planète.
Par exemple si notre planète s’éloignait de
12% du Soleil, elle recevrait seulement 79% de l’insolation actuelle, et
une glaciation s’installerait à sa surface.
Mais pourquoi donc une telle sensibilité à la
distance Terre-Soleil ?
Cela est dû en fait à une augmentation rapide
de l’albedo (facteur qui définit la réflexion de l’intensité solaire
de la planète, tout ce qui est blanc augmente ce facteur) qui participe à
un phénomène de boucle :
·Le flux solaire diminue-->
La température chute-->
La quantité de glace et de neige augmente-->
L’albedo augmente-->
La température chute de nouveau etc…
Avec les modèles actuels, on s’aperçoit
que, si la Terre s’éloigne
de quelques % du Soleil, il y a glaciation globale à sa surface.
Mais alors, dans le passé (il y a 3,5
milliards d’années par ex) le Soleil était moins brillant (de 25% soit
équivalent à être 16% plus loin), pourquoi ne sommes nous pas en
glaciation permanente ?
Alors que l’on pense qu’il y a toujours eu
de l’eau liquide à la surface de notre planète.
La solution à ce paradoxe tient à l’effet de serre puissant qu’a subi notre planète (et
qui nous a sauvé !) grâce au méthane et au CO2.
En
fait le climat terrestre s’est ajusté avec les variations de flux solaire
grâce à un thermostat très élaboré.
La Terre s’est toujours adaptée (espérons
qu’elle continuera !).
Le CO2 joue le rôle de régulateur thermique.
Si la température de surface diminue, le CO2
est moins absorbé, le lessivage terrestre (ou érosion) diminue , le CO2 étant
plus présent, l’effet de serre augmente et la température augmente.
La boucle est bouclée.
Processus inverse si la température de surface
augmente.
(NDR : Le cycle démarre
avec le CO2 atmosphérique dissout dans les eaux de pluie qui forme de
l’acide carbonique (H2CO3).
Cet acide faible
produit un lessivage (weathering en anglais) des roches à base de Silice et
relâche divers ions + et -, notamment Ca++, Mg++, bicarbonate- , etc.. Ces
éléments sont ensuite dirigés vers les océans.
Là, les
micro-organismes comme le plancton utilisent ce qui est à base de carbonate
de Calcium pour fabriquer leur coquille.
À leur mort, ces
coquilles tombent au fond des océans et se déposent, ils sont en grande
partie absorbés par les fonds océaniques.
La Terre étant une
planète à plaques tectoniques, ces fonds océanique vont un jour ou
l’autre être absorbés par une zone de subduction (on passe en dessous
d’une plaque).
Les carbonates se
recombinent alors avec la silice pour former de nouveau notamment du Calcium
et libérer du CO2 par les cheminées volcaniques.
Ce CO2 est donc relâché
dans l’atmosphère, le cycle est bouclé.
Si la température
baisse, l’érosion diminue, le CO2 s’accumule dans l’atmosphère.
L’effet de serre augmente et la température augmente, jusqu’à
atteindre un équilibre.)
OÙ
POURRAIT DONC SE TROUVER LA LIMITE EXTÉRIEURE DE CETTE ZONE HABITABLE ?
Elle dépend en fait du CO2 comme on vient de
voir, son rôle est crucial.
Les nuages de glace carbonique réfléchissent
fortement le rayonnement solaire, provoquant un très fort effet de serre.
Les calculs montrent que l’on peut avoir une
température de l’ordre de 0°C même jusqu’à 2,5 UA.
En conclusion pour la limite extérieure :
·Il faut du CO2 pour créer l’effet de serre et
·Un phénomène de tectonique des plaques pour recycler le CO2.
Dans ces conditions, on pourrait avoir de l’eau liquide jusqu’à 150 à 250% de la
distance Terre Soleil (1,5 à 2,5UA).
Cette tectonique des plaques si essentielle,
est-elle possible sur d’autres planètes ?
Sur les petites planètes (comme Mars par
exemple) :
Il y a eu refroidissement rapide dû à la
petite taille de la planète, menant à une très probable épaisse lithosphère
ne permettant pas la tectonique des plaques.
Sur les grosses planètes (type super Terres) :
Là aussi on pense que suite à divers phénomènes
le manteau doit aussi être épais et que la probabilité d’avoir une
tectonique est faible.
La
Terre serait-elle donc la seule planète à avoir la bonne taille ???
Et Vénus alors, sœur jumelle de la Terre ?
Pourquoi n’y a-t-il pas de tectonique de plaques sur Vénus ?
Le manteau serait trop sec (l’eau agit comme
un lubrifiant dans la tectonique).
On peut se poser donc la question de savoir si
un manteau hydraté est nécessaire pour avoir une tectonique des plaques ?
INTÉRESSONS
NOUS MAINTENANT À LA LIMITE INTÉRIEURE.
Jusqu’où peut-on s’approcher du Soleil ?
On sait que si on s’approche de 16%, les océans
vont bouillir et même à 5% la haute atmosphère chauffe et on perd
l’eau.
Si on s’approche :
·Le flux solaire augmente à
La Température augmenteà
L’évaporation augmenteà
L’effet de serre augmenteà
La température augmenteà
Le phénomène s’emballe
De plus l’augmentation de température entraîne
une perte de l’eau dans l’espace, par action des UV qui dissocient H2O.
Basé sur différents modèles, il semble que
la limite intérieure acceptable pour la zone habitable soir aux alentours
de 0,75UA.
Modélisation numérique 3D du climat sur une
Terre rapprochée du Soleil (IPSL/LMD)
Zone de vie autour d’une étoile
solaire.
La zone habitable évolue dans le
temps, au cours des milliards d’années.
De cette zone de vie on déduit 4 types d’habitabilité possible :
·Classe I : Planètes avec de l’eau liquide permanente à la
surface (Terre)
·Classe II : Planètes temporairement propices à l’eau liquide
en surface mais qui ont perdu cette eau comme Mars primitif ou peut être Vénus
primitif ?
·Classe III : Corps avec un océan sous la surface glacée au
contact d’un manteau rocheux (Europe)
·Classe IV : Corps avec un océan sous la surface pris entr deux
couches de glace (Ganymède, Callisto).
Les classes III et IV ne peuvent pas produire
de photosynthèse et ne sont pas (pour le moment) considérées comme
propices à la vie.
LE
MAINTIEN DES CONDITIONS NÉCESSAIRES À LA VIE.
Le Temps est nécessaire à l’évolution de
la vie.
Par exemple sur notre planète, il s’est passé
une longue période entre les premières formes de vie vers –3,5 milliards
d’années (Ga), la vie multicellulaire (-1,4Ga) , la vie animale (-0,6Ga)
et la vie intelligente (récemment).
Le temps nécessaire pose un vrai problème
lorsque l’on n’est pas près d’une étoile comme notre Soleil, les étoiles
évoluent plus ou moins lentement selon leur type, on peut perdre
l’atmosphère au cours du temps, on peut si trop près, se synchroniser
autour de l’étoile (comme la Lune autour de la Terre) etc..
La perte de l’atmosphère : elle dépend
de :
·La gravité , si elle est trop faible, l’atmosphère s’échappe.
·La température de la très haute atmosphère
Bien
entendu ces facteurs dépendent du type d’étoile abritant ces planètes.
F Forget s’est intéressé aux étoiles de
notre proche voisinage (10 parsec) et à leur répartition en fonction de
leur type.
Il y a principalement des étoiles de type M
(naines rouges) froides et de durée de vie longue.
Mais la vie est dure pour les planètes d’étoiles
M, en effet elles doivent être très près de leurs soleils pour avoir une
température acceptable, et là comme dit plus haut on perd l’atmosphère
et on est synchronisé, alors….
QU’EN
EST-IL AUTOUR D’AUTRES ÉTOILES ?
Évolution de la découverte de planètes
extra solaires au cours du temps, on s’approche de masse similaire
à la Terre.
Découvertes par la sonde américaine
Kepler, de nombreuses planètes semblent se situer dans une zone
habitable.
Que nous ont appris l’étude des exoplanètes
découvertes ?
Un grand nombre de planètes en zone habitable
ont l’air telluriques, mais :
·leurs orbites sont souvent excentriques
·certaines sont géantes, on pense qu’elles proviennent d’une
migration de plus loin. (leurs satellites habitables ?)
En fait en conclusion, cela signifie que à
priori notre système
solaire n’est pas typique.
Un bon exemple des questions et des doutes sur
ces planètes que l’on découvre : Gliese
581.
Ce système a été découvert par le spectromètre
HARPS en 2005, d’abord 3 planètes (b,c,d) dont une qui semble habitable
(c), mais on infirme cette nouvelle , puis une quatrième (d) en 2010 que
l’on pense être dans la zone habitable. Puis on
découvre encore 3 autres (e,f,g) dont une (g) est aussi une candidate
possible.
François Forget s’est intéressé au cas de
Gliese 581 d , peut-elle être habitable ou rendue habitable ?
En faisant certaines suppositions (atmosphère
CO2-N2-H2O) c’est pensable.