Mise à jour le 5 Février 2016

CONFÉRENCE
«QUASARS : DES PHARES DANS LE NOIR»

Par Pasqier NOTERDAEME

Chargé de recherches CNRS et Chercheur à l’IAP

Organisée par l'IAP

98 bis Bd Arago, Paris 14ème

 

Le Mardi 2 Février 2016 à 19H30

 

Photos : JPM pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)

Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos

Vidéos des conférences proposées par l’IAP sur Canal U

 

BREF COMPTE RENDU

 

 

 

 

Pasquier Noterdaeme a passé sa thèse de doctorat à l’ESO au Chili et à l’IAP.

 

Il est en poste à l’IAP depuis 2010, c’est un spécialiste des quasars.

 

Le plan de sa présentation :

 

·         Un quasar, c’est quoi ?

·         Quasars : des phares dans le noir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

UN QUASAR : C’EST QUOI ?

 

Quasar est l’abréviation anglo saxonne de quasi stellar radio source ou QSO, source radio quasi stellaire.

 

Ces objets ont été découverts à la fin de la deuxième guerre mondiale grâce à la radioastronomie.

 

On découvre à cette époque, de plus en plus des sources radio brillantes dans le ciel.

Et dans les années 1960, on découvre cet objet 3C48 (48ème objet du 3ème catalogue de Cambridge) très brillant et en même temps 3C273, dont on réussit à trouver la position précise dans le ciel grâce à une occultation lunaire.

 

 

Cela ressemblait à une étoile, mais ce n’en était pas une, on s’en aperçut en étudiant son spectre.

 

C’est Marteen Scmidt qui en 1963 avec le télescope de 5m du Mont Palomar obtient ce spectre. Effectivement cela ne ressemble pas à une étoile.

On s’est aperçu qu’ils étaient très éloignés (à cause du décalage vers le rouge important).

L’analyse du spectre montre en effet les raies de l’Hydrogène très fortement décalées vers le rouge, ce ne peut donc pas être une étoile de notre galaxie, mais un objet extra galactique.

Les raies sont décalées de 16% vers le rouge (redshift z : 0,16). Cela correspond à une vitesse d’éloignement (loi sur le redshift) de approx 48.000km/s donc un objet cosmologique. La loi de Hubble nous permet aussi d’évaluer sa distance : il est à 2,4 milliards d’années lumière (Gal) de nous.

 

 

 

Malgré sa distance, cet objet tellement brillant, est aussi lumineux que des galaxies proches.

 

Hubble l’a imagé récemment.

 

 

Les quasars sont donc très lointains, et le plus lointain trouvé à ce jour est celui qui porte le doux nom d’ULAS J1120+0641.

ULAS est l’acronyme de UK Infrared Deep Sky Survey Large Area Survey et la lettre J correspond à la position dans le ciel.

 

Il correspond à un redshift z de 7,1 soit 12,9 Gal !!

Sa luminosité est incroyable : 2 1013 celle du Soleil, 100 fois plus brillant qu’une galaxie.

 

 

On s’est aperçu en étudiant les quasars avec de plus en plus de précision que leur luminosité variait au cours du temps et sur des amplitudes très différentes : du mois à l’heure.

 

On voit ici les variations de luminosité de 3C 279, l’échelle horizontale est en année.

 

On remarquera que la taille du quasar est liée à sa variation de luminosité. En effet s’il varie rapidement, il est petit, ceci est dû à la vitesse finie de la lumière.

 

 

 

 

 

 

Comment expliquer que de si petits objets puissent émettre autant d'énergie ? Cela ne peut provenir que d’une énergie gravitationnelle.

Il faudrait en fait convertir 10% de la masse en énergie pour être dans le domaine énergétique des quasars (rappelle bombe H : seulement 0 ,7% est converti en énergie)

 

Comment expliquer que de si petits objets puissent émettre autant d'énergie : une seule réponse : ce sont des trous noirs.

On sait maintenant que c’est la région autour du TN central d’une galaxie massive.

 

 

Un quasar est une galaxie très énergétique avec un noyau actif (en anglais AGN Active Galaxy Nucleus)

Les galaxies contiennent généralement en leur centre un trou noir super massif dont la masse peut atteindre des milliards de fois celle du Soleil, comme par exemple Virgo A (M87) et 3C273.

 

Les quasars vivent dans un grand nombre de galaxies différentes, dont certaines résultent de collisions.

Hubble a illustré de nombreuses galaxies hôtes de ces objets parmi les plus puissants de l’Univers.

 

Quand le quasar a avalé tout ce qui est à sa portée, il s'éteint mais garde sa masse. On ne le voit plus ! Ce sont donc des objets du passé, ce qui explique qu’il n’y ait pas de quasars dans notre environnement immédiat (heureusement !)

 

 

QUASARS : DES PHARES DANS L’UNIVERS.

 

 

Les quasars possédant une luminosité tellement grande, qu’on peut les utiliser pour sonder l’Univers entre eux et nous.

Les raies d’absorption du quasar portent la signature du gaz (l’Univers est très majoritairement du gaz) situé sur la ligne de visée, que ce soit une galaxie, un nuage de plasma, du gaz propre au quasar lui-même.

On voit sur cette diapo, la lumière du quasar (A) traverser une galaxie et du gaz interstellaire (B) donnant des raies d’absorption que l’on retrouvera dans le spectre (C). le gaz interstellaire produit aussi un grand nombre de raies que l’on appelle forêt Lyman-alpha. (Ce sont les raies d'absorption Lyman-α de l'hydrogène neutre dans les spectres des galaxies et des quasars lointains)

 

 

 

Toute matière (baryonique) interposée entre la source et l’observateur produit des raies d’absorption dans le spectre du quasar.Il y a un nombreux système de raies, comme on le voit sur la photo ci dessus.

 

 

Cette méthode permet en plus de la détection d’objets qui sont trop peu lumineux pour être détectés en émission, de déterminer leur densité, température, composition etc.. On peut aussi ainsi étudier le gaz intergalactique indétectable autrement.

 

 

 

Plus extraordinaire, grâce aux quasars, on peut arriver à « mesurer » l’expansion de l’Univers.

 

Tiré du communiqué du CNRS à ce sujet :

Les astronomes du Sloan Digital Sky Survey (SDSS) ont utilisé 140 000 quasars lointains pour mesurer le taux d'expansion de l'Univers quand il était âgé seulement d'un quart de son âge actuel. C'est à ce jour la meilleure mesure du taux d'expansion à quelque époque que ce soit au cours des 13,8 milliards d'années depuis le Big Bang.

Des chercheurs de l’Irfu (CEA) et du CNRS ont joué un rôle majeur dans cette découverte.

Le baryon oscillation spectroscopic survey (BOSS), principale composante de la troisième génération de relevés SDSS, a été le premier à utiliser les gigantesques émetteurs que sont les quasars pour cartographier la distribution du gaz d'hydrogène intergalactique et ainsi mesurer la structure de l'Univers jeune. ….

 

Pour parvenir à ce résultat, l'équipe a combiné deux méthodes différentes en utilisant les quasars (les trous noirs actifs au centre des galaxies massives) et les nuages d'hydrogène intergalactique :

 

Combinées, les deux analyses de BOSS établissent qu'il y a 10,8 milliards d'années l'Univers était en expansion avec un taux équivalent à celui que l’on mesure actuellement. La décélération de l’expansion qui prévalait à cette époque a donc été suivie d’une accélération récente. Mesurer le taux d'expansion de l'Univers tout au long de son histoire est donc la clef qui pourrait permettre de déterminer la nature de l'énergie sombre, responsable de l'augmentation de ce taux d'expansion au cours des six derniers milliards d'années.

 

…… Quand le spectre du quasar est finalement observé sur Terre par BOSS, il contient ainsi des pics d’absorption correspondants à toutes les régions denses traversées par la lumière du quasar. En combinant un nombre suffisant de spectres de quasars de bonne qualité, assez rapprochés les uns des autres, la position des nuages de gaz permet de produire une carte en 3D.

 

BOSS détermine le taux d'expansion en utilisant ces cartes pour mesurer la taille des BAO à différentes époques cosmiques.

En dépit du caractère très novateur de la méthode retenue, les mesures de précision obtenues ici dépassent même les hypothèses les plus optimistes.

 

 

Illustration de la nouvelle mesure du taux d'expansion de l'Univers lointain par BOSS (vue d'artiste, pas à l'échelle). La lumière des quasars distants est partiellement absorbée par le gaz situé entre les quasars et nous.

 

Une structure subtile en forme d'anneau et de taille connue est imprimée sur la distribution de ce gaz. BOSS a mesuré cette taille avec une précision de 2%, et ainsi mesuré précisément le taux d'expansion de l'Univers alors qu’il n’avait encore qu’un âge de 3 milliards d'années.

 

Illust : CEA

 

 

 

 

Les quasars aussi, grâce aux spectres caractérisant les objets traversés par leur lumière, permettent de sonder les galaxies et de voir comment celles-ci s’enrichissent en métaux au cours du temps.

Et aussi ils montrent comment l’Univers primordial a produit du Deutérium.

 

 

Les constantes sont-elles constantes ?

 

 

Un quasar se trouvant dans l’Univers primordial, a été observé par trois télescopes différents (VLT, Keck et Subaru) afin de tester une des constantes de la nature liée à l’électromagnétisme.

La lumière de ce quasar extrêmement puissant traverse des galaxies situées à 10,9 et 8 Gal.

Les atomes dans ces galaxies sont à des âges différents, et les spectres obtenus permettent de vérifier si la constante de structure fine est constante dans le temps. L’absorption par les atomes dépend fondamentalement de cette constante.

Résultat de toutes les mesures sur les trois télescopes : la constante est…constante.

Merci les quasars !

 

 

 

Les quasars meurent aussi :

 

Le quasar SDSS J1011+5442 détecté en 2002 par l’étude SDSS (Sloan Digital Sky Survey) montre des signes de faiblesse lorsqu’on l’étudie de nos jours. En effet il est suivi par plusieurs instruments : ceux du SDSS, par WISE le télescope spatial, le télescope LINEAR et ceux du Catalina.

 

 

Comparaison des deux spectres avant et après la diminution de luminosité (©Jessie C. Runnoe, John Ruan et al.)

 

On a détecté une baisse de l’émission H alpha d’un facteur 50 en moins de 12 ans, on considère que maintenant ce quasar a disparu et qu’il est devenu une galaxie normale.

Le quasar (TN central) aurait avalé tout ce qu’il y avait à avaler dans son environnement.

 

Voici une vidéo explicative du phénomène.

 

 

 

CONCLUSION (NDLR).

 

 

Les quasars sont parmi les objets les plus puissants et les plus anciens de l’Univers primordial, ils sont à distance cosmologique.

Ce sont des Trous noirs super massifs qui étaient logés au cœur de galaxies

 

Ces quasars émettent des ondes radio (et X) dues à l’effet synchrotron des électrons relativistes qui réagissent au champ magnétique énorme du trou noir central.

 

Toutes les galaxies autour de nous, et probablement la nôtre aussi, ont été des quasars dans le passé.

 

Leur lumière détectée par nos télescopes est soumise à deux effets :

·         Elle subit globalement l’effet de l’expansion de l’Univers avec un décalage vers le rouge énorme.

·         L’hydrogène neutre contenu dans le gaz interstellaire possédant des longueurs d’onde bien caractéristiques, peut ainsi être dosé au cours du temps (des différentes distances) et son évolution mesurée.

·         Ces spectres servent aussi à analyser tout ce qui se trouve sur le trajet entre quasars et observateur (notamment les métaux…)

 

 

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

 

Quasar absorption lines, présentation pdf par P Noterdaeme.

 

Les trous noirs super massifs conf SAF cosmologie par S Collin-Zahn

 

Depuis les quasars jusqu'au cœur de la Voie lactée conf SAF de S Collin –Zahn.

 

 

Les quasars par le club d’astronomie Quasar 95 le bien nommé.

 

Les lois de la nature testées par trois télescopes indépendants, de l’IAP.

 

Des astrophysiciens mesurent la décélération de l'expansion de l'Univers primitif par le CNRS.

 

BOSS Quasars Unveil a New Era in the Expansion History of the Universe, par Berkeley

 

New Quasar Studies Keep Fundamental Physical Constant Constant

 

Les plus précises mesures de l’expansion de l’univers

 

The First Stars: clues from quasar absorption systems

 

Un quasar s'éteint sous les yeux des astronomes, article de Pour la Science.

 

The case of the missing quasar

 

Le quasar le plus lointain éclaire les débuts de l’Univers, article de Pour la Science.

 

Quasar, définition par Technoscience.

 

The quasar that switched off the light de sciencemag.

 

Now You See It, Now You Don’t: The Disappearing Central Engine of the Quasar J1011+5442

 

La galaxie la plus lumineuse de l’Univers est en train de se déchirer

 

 

 

Bon ciel à tous !

 

 

Jean Pierre Martin .Commission de Cosmologie de la SAF.

www.planetastronomy.com

 

Les autres CR des conférences IAP.

 

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