Mise à jour 16 Mars 2016

CONFÉRENCE MENSUELLE DE LA SAF
 «MERCURE : DE MESSENGER À BEPI-COLOMBO»

Par François LEBLANC
Chargé de recherches au LATMOS (Obs de Paris) et IPSL,

À l’AgroParisTech 16 rue C Bernard Paris 5.

Le Mercredi 9 Mars 2016 à 19H00  Amphi Tisserand

 

Photos : JPM pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)

Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos et des animations.

Le conférencier a eu la gentillesse de nous donner sa présentation, elle est disponible sur ma liaison ftp et s'appelle :

Leblanc_SAF_090316.ppt, elle est dans le dossier CONF-MENSUELLES-SAF/ saison 2015-2016. .

Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent me contacter avant.

 

Cette conférence a été filmée en vidéo (grâce à UNICNAM et IDF TV) et est accessible sur Internet

On la trouve à cette adresse   https://www.youtube.com/playlist?list=PL1ZHG2CIuv2fgxBVWqThJ_6jysynHtwV6 

 

 

 

 

François Leblanc est planétologue au LATMOS (Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales) qui est basé à Guyancourt et dépend de l’Université de Versailles St Quentin en Yvelines (UVSQ).

 

Il fait partie de l'Observatoire des Sciences de l'Univers de l'UVSQ et de la Fédération de recherche IPSL (Institut Pierre Simon Laplace).

 

F Leblanc a un faible particulier pour la planète Mercure, il est d’ailleurs responsable d’un des instruments (PICAM) de la future sonde européenne Bepi Colombo

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MERCURE AUJOURD’HUI.

 

Mercure est la planète la plus proche de notre étoile et la moins massive de notre système solaire.

Elle a joué un rôle important dans l’histoire de l’Astronomie. En effet, elle passe devant le Soleil (on dit transit) relativement fréquemment, et ce phénomène a passionné les astronomes. Johannes Kepler, élève de Tycho Brahe, prévoit le transit de  Mercure du 7 Nov 1631 et de Vénus du 7 Décembre de la même année. Pierre Gassendi est le 1er observateur au monde d'un transit de Mercure. De même J Horrocks prévoit le transit de Venus de 1639 et est le 1er au monde à l'observer.

(Remarque : prochain transit de Mercure, ce 9 Mai 2016, ne pas le louper !!)

L’étude des transits va lever le voile sur l'immensité de l'espace. Edmund Halley, (celui de la comète!) jeune astronome anglais, assiste au transit de Mercure en 1677 dans l’hémisphère sud (Île de Ste Hélène) cela va lui donner une idée géniale qu’il publiera beaucoup plus tard.

 

Mercure est difficilement observable à cause de la proximité du Soleil. Son orbite est relativement excentrique : 0,306 UA (aphélie) à 0,466 UA (périhélie) d’où une moyenne de 0,385 UA et une excentricité de 0,2  Rayon de la planète : 2440km. 

Albédo : 0,1 Sa période de révolution (88 jours) valant exactement 1,5 fois sa période de rotation.

L’étrangeté de Mercure tient au fait qu’elle est en résonance 3:2, elle effectue 3 rotations sur elle même quand elle fait 2 fois le tour du Soleil, un jour sur Mercure dure deux ans mercuriens (soit 176 jours terrestres) !

La distance au Soleil passe  de 46Mkm à 70Mkm !  Énorme.

Tout cela est indiqué sur les 4 représentations suivantes.

 

 

Une année sur Mercure = 88 jours terrestres.

Rotation sidérale = 58 jours terrestres

Inversion du mouvement apparent durant 8 jours

 

 

Phénomène étrange : Il y a donc inversion du mouvement apparent du Soleil durant 8 jours : Quatre jours avant le périhélie la vitesse (angulaire) orbitale de Mercure est exactement égale à sa vitesse (angulaire) de rotation ; le mouvement du Soleil semble s'arrêter.

Puis aux alentours du périhélie, la vitesse orbitale de Mercure excède sa vitesse de rotation et le Soleil semble alors avoir un mouvement rétrograde ; il apparaît retourner là d'où il vient, traversant le ciel d'ouest en est, durant environ quatre jours, avant de reprendre un mouvement apparent normal, c'est-à-dire se déplaçant d'est en ouest

 

Ces particularités orbitales jouent aussi sur la température de surface de la planète : dans la partie nuit : 100K (-173°C) et dans la partie jour; au plus proche 700K (427°C) au plus éloigné 550K (277°C).

Le flux solaire est 10 fois plus intense que sur Terre  

 

 

Les premières informations scientifiques sur Mercure proviennent de la sonde Mariner 10 des années 1970.

C’est le physicien Italien Giuseppe Bepi-Colombo de l’Université de Padoue qui avait imaginé la trajectoire de la sonde, d’où le nom donné à la future mission de l’ESA en son honneur.

 

 

LES GRANDES QUESTIONS. L’ORIGINE DE MERCURE.

 

 

Les planètes telluriques sont composées généralement d’un noyau ferreux dense entouré d’un manteau de roches (silicates).

La densité de ces planètes reflète la proportion entre le noyau et le manteau. Il se trouve que Mercure possède une densité très élevée (5,3, Terre : 5,5), comme on le voit sur le graphique. Cela implique que les deux tiers de la planète soit constitué par le noyau ferreux. Une proportion énorme, et dont on ne comprend pas bien l’origine.

 

D’après ce graphique, il semble qu’il y ait une relation linéaire entre le rayon de la planète et sa densité, ce qui semble logique, en effet plus la planète est grosse et plus la pression est grande, et plus la matière y est compressée, d’où une plus grande densité. Or ce n’est pas le cas pour Mercure qui ne s’aligne pas sur cette courbe.

Pourquoi ?

Courbe : DLR

 

 

 

On envisage plusieurs hypothèses comme :

·         La chaleur intense due à la très proche distance du Soleil aurait vaporisé une partie de la surface riche en silicates et ainsi favorisé les parties lourdes comme le noyau.

·         Un impact géant se serait produit aussitôt après la formation de Mercure qui aurait conduit à l’évaporation des volatils

·         Formation à partir de matériaux différents de ceux de la Terre, Vénus et Mars

 

On a mesuré pour Mercure le rapport Potassium/Thorium.

 

Le potassium (K) est plus volatil que le Thorium (Th) et si ce rapport était en faveur de ce dernier, cela impliquerait que dans le passé, la température a été si forte que le Potassium s’est en partie échappé dans l’espace. Or on a mesuré tout le contraire.

 

Cela va exclure certaines théories concernant la formation de cette planète qui sont incompatible avec d’énormes températures  comme celles pouvant résulter d’un grand impact ou que le Soleil ait arraché ses couches externes.

 

 

 

 

 

 

Messenger a aussi remarqué qu’il y avait un appauvrissement en Fer et une abondance en Soufre de la surface.

De plus comme on le voit sur ce graphique, la composition de Mercure serait proche des météorites chondritiques de type CE, proches de la composition de la nébuleuse solaire mais différent du manteau terrestre.

 

 

LA SURFACE DE MERCURE.

 

Il y a eu une intense période de volcanisme à la fin du LHB (Grand Bombardement Tardif, vers les 800Ma après le début de la formation du Système Solaire).

 

http://www.planetastronomy.com/astronews/astrn-2008/13/astron15.jpg

Le volcanisme a joué un rôle plus important que l'on ne le pensait pour former et sculpter la surface de la première planète.

On voit ici à gauche, le bassin d'impact Caloris (couleur brun-orange marqué par C) créé approximativement moins de un milliard d'années après le début du système solaire, il s'est rempli de lave volcanique (basalte) qui se trouve être pauvre en Fer comme vient de le mesurer la sonde de la NASA.

 

Les flèches blanches marquent les endroits de plaines jeunes, autour du bassin Caloris et plus loin, on trouve des cratères volcaniques (flèches noires).

Les zones apparaissant en bleu, sont des roches plus anciennes riches en minerai ilménite (à base de Titane).

 

Messenger a aussi montré le déficit en roches contenant du Fer de la surface de la planète.

 

 

NASA/JHUAPL

 

 

La sonde Messenger a au cours de ses nombreuses années autour de Mercure, imagé (presque) toute la planète, il manque une petite partie vers le Pôle Sud.

 

 

http://www.planetastronomy.com/astronews/astrn-2012/15/astron13.jpgElle a notamment mis au jour à cette occasion, de la glace d’eau au fond des cratères du Pôle Nord, qui ne sont jamais éclairés par le Soleil.

 

Mosaïque du Pôle Nord de Mercure (Messenger + radar).

Les dépôts de glace sont en jaune.

En rouge toutes les zones qui sont dans l’ombre en permanence, on voit bien que la glace ne se trouve que dans ces zones là

 

La température au fond de ces cratères (5km de profondeur) est de l’ordre de -200°C.

 

NASA/JHAPL

 

 

 

Messenger a aussi détecté une dépression sans équivalent, correspondant à une contraction passée (refroidissement) qui a provoqué une diminution du rayon de Mercure de 7km !

 

On en voit particulièrement bien la trace sur cette photo HR de Messenger.

 

 

Illustration : Nature.

 

 

 

 

LE CHAMP MAGNÉTIQUE DE MERCURE.

 

 

Mariner 10 avait mis en évidence un champ magnétique et la présence d’une magnétosphère que l’on voit représentée sur ce dessin.

 

Cela provient de la présence d’un noyau très important (75% du rayon) par rapport au reste de la planète.

 

Mercure est bien plus petite que la Terre, et logiquement sa magnétosphère est proportionnellement plus petite (8 fois plus petite) que la nôtre.

 

Par contre en ce qui concerne les perturbations dans la magnétosphère de Mercure, elles se propagent 30 fois plus vite (approximativement) que sur Terre.

 

 

 

 

 

Les dernières mesures de Messenger ont confirmé que ce champ était bien dipolaire et qu’il n’avait pas changé depuis les passages de Mariner 10.

La magnétosphère est très dynamique.

 

De plus, ce champ magnétique est aligné sur l’axe polaire, MAIS il est décentré vers le Nord de 0,2 rayon !

 

 

 

Document : Slavin et al 2009/NASA/JHUAPL

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ATMOSPHÈRE DE MERCURE.

 

Au premier regard, Mercure a l’air d’être un monde sec et sans atmosphère ; mais c’est faux elle possède une atmosphère, même très ténue, encore plus ténue que celle de Mars.

En fait son atmosphère originelle a été dispersée dès le début, dû à la faible gravité de cette mini planète et à l’action majeure du vent solaire si proche et si violent.

 

 

Son atmosphère actuelle est donc très faible, mais encore !

 

Sa composition se voit sur le graphique ci contre.

 

C’est principalement : Oxygène, Sodium, Hydrogène, Hélium et des traces de Potassium, Argon

 

Messenger découvrit même de la vapeur d’eau en 2008, probablement due à la combinaison de H et O dans l’atmosphère.

 

 

 

 

Il y a donc du Sodium dans l’atmosphère de Mercure, c’est intéressant car c’est un corps facilement détectable même à basse température. Il se détecte par sa fluorescence.

 

On s’est intéressé à la distribution spatiale des Ions Na+ (et Ca+) et O+ ; il semble qu’ils soient concentrés vers les pôles.

 

On a affaire à une atmosphère très dynamique, mais similaire d’une année sur l’autre.

 

 

Le renouvellement de l’atmosphère peut s’effectuer de plusieurs façons :

·         Le vent solaire (H et He)

·         Le bombardement météoritique (H et O)

·         Le dégazage. (Na, K, O)

 

 

 

DE MESSENGER À BEPI-COLOMBO.

 

                                                                                                                                                    

Si Messenger était une mission de la NASA, Bepi-Colombo est une mission de l’ESA et de la JAXA (Japon).

 

Ce projet comporte 2 orbiteurs :

·         Le MPO (Mercury Planet Orbiter) en orbite basse pour photo et étude. (ESA)

·         Le MMO (Mercury Magnetosphere Orbiter) pour analyser les particules (JAXA)

La propulsion de cet engin (lancement 2017) combine 3 types de propulsions:

·         Moteur ionique (croisière) comme Deep Space 1 et sur la sonde européenne SMART-1

·         Propulsion chimique (mise en orbite)

·         Assistance gravitationnelle

 

Vue des orbites passant dans l’atmosphère de Mercure.

 

 

 

Ces deux orbiteurs vont permettre une bien meilleure couverture de la planète et surtout des synergies.

 

Il y a de nombreux instruments à bord des deux sondes, dont une partie livrés par des labos français (IRAP, IAS, LATMOS..)

 

 

 

L’ATMOSPHÈRE DE MERCURE DEPUIS LA TERRE.

 

À l’observatoire solaire Themis (Canaries) on a mis en évidence deux raies du sodium très brillantes. Notre conférencier s’y est particulièrement intéressé.

Il a mis au jour une circulation jour/nuit des atomes de Sodium, et le fait qu’ils « collent » à la surface et sont relâchés le matin.

 

 

Intensité de la raie D2 du Sodium atomique en kR (kilo Rayleigh)

Soit 109 photons/cm2/4p stéradians, correspondant à 6 mesures consécutives. Le Soleil est vers le bas de la figure.

 

(Le Rayleigh est une unité d'intensité lumineuse de l'ancien Système CGS, de symbole R ; il correspond à la brillance d'une source émettant dans toutes les directions un million de photons lumineux par seconde par centimètre carré.)

 

(Leblanc et al. 2009)

 

 

 

 

 

 

Signalons que l’on détecte une queue de sodium depuis la terre ou depuis des satellites en occultant l’image de la planète.

Cette queue peut s’étendre jusqu’à 1400 rayons de la planète.

 

 

Pendant ces quelques 7 heures à la surface de Mercure, seul le vent solaire pouvait agir avec une telle échelle de temps courte.

Le vent solaire joue donc un rôle majeur sur la structure spatiale de l’atmosphère

 

 

 

Après plus de 10 années d’étude de l’atmosphère de Mercure, on peut dire que celle-ci est relativement stable.

 

On en a même déduit qu’il y avait des saisons sur cette planète comme on le voit sur le graphe ci-contre.

 

 

La densité atmosphérique varie d’un facteur 5 en cours d’année.

 

 

 

 

 

 

 

 

CONCLUSIONS.

 

La mission Messenger a complètement bouleversé nos idées de cette planète, longtemps après la mission historique de M10.

 

On souhaite avec Bepi-Colombo continuer à perfectionner notre étude de Mercure afin de résoudre ses derniers mystères.

 

Rendez vous dans quelques années pour les premiers résultats de cette aventure

 

 

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

 

L’Exploration de la planète Mercure par M. Yseboodt de l’Obs Royal de Belgique.

 

Mercure, article de la Recherche.

 

Messenger shines light on Mercury's formation

 

The MESSENGER Gamma-Ray Spectrometer: A window into the formation and early evolution of Mercury

 

Mercury is its own planet, not Moon or Earth par Emily de la Planetary Society.

 

What are Mercury's hollows? Par Emily

 

7 Remarkable Lessons from Messenger’s Mission to Mercury par le magazine Discover

 

Mercury’s global contraction much greater than earlier estimates par Nature.

 

Magnetic Tornadoes Could Liberate Mercury's Tenuous Atmosphere par la NASA

 

Messenger Mercury flyby 3 par le JHUAPL

 

MESSENGER Data Suggest Recurring Meteor Shower on Mercury par la NASA

 

Le site de Bepi-Colombo à l’ESA et au CNES.

 

Modélisation et mesure des exosphères de quelques objets du système solaire Mémoire par François Leblanc

 

Toute l’actualité de Messenger sur votre site préféré.

 

 

 

 

 

Prochaine conférence mensuelle de la SAF : Mercredi 13 Avril 2016   19H00   AgroParistech   Amphi Tisserand

Nous avons le plaisir de recevoir :

Jean Michel Faidit Docteur en histoire de l’Astronomie, auteur de nombreux ouvrages.

 

L’histoire du télescope, à l’occasion du centenaire du Hooker du Mt Wilson!.

 

 

Entrée libre mais réservation obligatoire. À partir du 10 Mars 2016.

 

 

 

Bon ciel à tous

 

 

Jean Pierre Martin   Président de la commission de cosmologie de la SAF

www.planetastronomy.com

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