Mise à jour 25 Février 2018
CONFÉRENCE MENSUELLE
DE LA SAF
«LES FORMES DE L’ESPACE : DU TROU NOIR AU MULTIVERS»
Par Jean Pierre
LUMINET
Dr de rech. CNRS,
astrophysicien LUTh, Laboratoire d'Astrophysique de Marseille
À TelecomParisTech
46 rue Barrault Paris 13.
Le Vendredi 16
Février 2018 à 19H00 Amphi Thévenin
Photos : JPM pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution
peuvent m'être
demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.
Voir les crédits des autres photos et des animations.
Le conférencier a eu la gentillesse de nous donner sa
présentation, elle est disponible sur
ma liaison ftp et se nomme :
JPL-Forme-espace-SAF2018.pdf, qui
se trouve dans le dossier CONF-MENSUELLES-SAF/ saison 2017-2018. .
Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent me
contacter avant.
Cette conférence a été filmée en vidéo (grâce à UNICNAM et IDF
TV) et est accessible sur Internet
On la trouve à cette adresse
https://www.youtube.com/playlist?list=PLM_NLeMfZ9TqyFC5d5nefFI78AfSWSI9X
Nous avions beaucoup de chance cette fois-ci, car notre amie
Laurence Honnorat de Innovaxion a aussi filmé une vidéo de cette présentation,
merci à elle, là voici aussi :
https://www.youtube.com/watch?v=X8MK6wDbHNY&feature=youtu.be
La réservation pour
cette conférence de JP Luminet a été pour moi un gros problème. La notoriété de
notre intervenant étant si grande que la salle a réservée en moins de trois
heures. Pendant les semaines qui ont suivi, j’ai dû gérer les mécontents (plus
de 1000 demandes !) en répondant personnellement à toutes les demandes et
récriminations. Suite à cela, Jean Pierre Luminet m’a promis de faire une séance
de « rattrapage » la saison prochaine. Encore désolé pour ceux qui n’ont pas pu
assister. Heureusement que l’on transmettait aussi sur YouTube en direct ; j’ai
su que de nombreuses personnes s’étaient banchées ce soir-là sur la chaine.
Mais malgré la limitation des réservations, de nombreuses
personnes s’étaient présentées (à la fois liste d’attente officielle et autres…)
si bien qu’un joyeux cafouillage se produisit à l’approche du début de la
conférence et Danielle eut beaucoup de mal à y mettre de l’ordre.
Bref on a réussi à faire rentrer tout le monde, même certains
resquilleurs.
Jean Pierre Luminet,
célèbre astrophysicien et aussi poète et musicien, a longtemps été en poste à
l’Observatoire de Paris Meudon au département du LUTh : Laboratoire Univers et
Théories.
Il est depuis quelques années retourné dans son Sud bien-aimé au
LAM, Laboratoire d’Astrophysique de Marseille.
Il nous entretient ce soir d’un sujet passionnant.
Quelle est donc la forme de notre Univers ?
Ouvert, fermé ? Fini, infini ?
Voilà ce qu’il en dit en introduction :
« La description de la forme de notre espace physique à diverses
échelles de grandeur (en taille ou en énergie) met en jeu une riche variété de
modèles géométriques, chacun dépendant de la théorie physique sous-jacente.
La visualisation des distorsions spatio-temporelles engendrées
par les champs gravitationnels et quantiques est l’un des grands défis de la
physique fondamentale du XXIe siècle.
Je discuterai des représentations décrivant la forme de l’espace
engendrée par les trous noirs, puis la forme globale de notre univers dans le
cadre de la topologie cosmique, pour finir avec quelques indications sur les
structures possibles de l’espace-temps à l’échelle quantique. »
JPL met sa présentation très claire, à disposition, aussi mes
commentaires vont être très courts.
Avant de démarrer il faut définir le mot
topologie, la
topologie est la branche de la géométrie qui classifie les espaces en fonction
de leur forme globale. Par définition, les espaces d'une même classe peuvent se
déduire les uns des autres par déformation continue, sans découpage ni
déchirure. Dans le cas des espaces à deux dimensions, c'est à dire des surfaces,
la sphère, par exemple, a la même topologie que n'importe quelle surface fermée
ovoïde.
Mais le plan est de topologie différente, puisque aucune
déformation continue ne lui donnera la forme d'une sphère.
Les
trois formes possibles de l’Univers (de haut en bas) :
Courbure spatiale positive (sphère par ex, somme des angles d’un
triangle >180°) ;
Courbure négative (selle de cheval par ex somme des angles d’un
triangle <180°) et
Espace plat (euclidien, somme des angles d’un triangle = 180°).
À priori avec nos connaissances actuelles nous serions dans un
espace presque plat. (Incertitude, de quel côté, > ou < ??).
·
la topologie cosmique, finie ou infinie
·
la relativité générale et la cosmologie avec
courbure de l'espace faible et forte
·
la mécanique classique et la relativité
restreinte avec courbure nulle
·
la gravitation quantique et la théorie de
l'Unification, la courbure subit des fluctuations.
Ne pas oublier aussi que la gravitation courbe l’espace, et plus
la gravité est forte (à l’approche d’un trou noir) plus l’espace se courbe.
Une des grandes avancées du XXème siècle a été l'équation des
champs d'Einstein qui relie la géométrie (tenseur G qui représente la courbure
de l'espace) à la matière (tenseur T).
Étant donnée la vitesse finie de la lumière, celle-ci décrit un
cône dans l'espace-temps : le cône de lumière.
Le cône
de lumière crée la distinction entre passé et futur.
Le point central de départ, c'est le présent.
Tout ce qui est à l'extérieur du cône est hors de portée de
l'observateur, à l'intérieur, ce qui se déplace moins vite que la lumière est
dans le cône, le cône lui-même correspondant à la vitesse limite (=c).
Le cône de lumière est modifié par la gravité.
Un trou noir est une région de l’espace-temps d’où les photons ne
peuvent sortir.
Illustration : diagramme de l’espace-temps montrant la formation
d’un TN par effondrement d’une étoile.
Des photons qui réussissent à s’échapper; en rouge ceux qui ne
peuvent pas s’échapper et qui restent à l’intérieur de l’horizon des évènements.
À l’intérieur du cylindre gris : vide.
Le trou noir distord la forme de l’espace :
·
Autour
·
Derrière
·
À l’intérieur
La première simulation de l'apparence d'un trou noir entouré d'un
disque d'accrétion, a été faite par JPL lui-même en 1979.
Plus tard cela a été perfectionné par Jean-Alain Marck en 1993.
Un film en a été tiré et un assemblage de photos se trouve sur
une des slides suivantes.
La séquence d'images correspond à une plongée dans le TN suivant
une trajectoire parabolique de la droite vers la gauche sur le graphique situé
en haut à gauche de la photo de droite ci-dessous.
Des distorsions dues aux mirages gravitationnels déforment notre
vue plus on s'enfonce.
|
|
Trou noir
entouré d'un disque (en rouge à gauche) observé d'une grande
distance, à cause de la courbure de l'espace-temps au voisinage du
TN, le dessus du disque est très déformé, le dessous du disque est
aussi visible en tant qu'image secondaire. |
Voici le
plongeon dans le TN; au départ sous le plan du disque d'accrétion
(en 1,2 et 3, on lit de g à d et de bas en haut) puis passe
au-dessus (4,5 et 6). En 7 il s'approche de l'horizon (event horizon
en anglais) et puis la 8 à l'intérieur du TN. |
Commentaire de notre ami Olivier Laurent sur ce dernier
assemblage d’images :
On peut voir une
modélisation d'un disque d'accrétion tournant autour d'un trou noir de
Schwarzschild (sans rotation) qui montre plusieurs aspects intéressants.
Le disque d'accrétion
devant être plus chaud près du trou noir par effet de friction, sa luminosité
doit donc augmenter en s'approchant du trou noir.
Le disque ne semble pas
plat à cause des déformations des trajectoires des rayons lumineux qui suivent
des géodésiques dans un espace-temps courbé par la masse de trou noir. On peut
ainsi voir en même temps l'image du dessus et du dessous du disque d'accrétion
normalement caché par le trou noir qui parvient à l'observateur.
La luminosité du disque
d'accrétion est également très différente de sa luminosité intrinsèque.
La partie du disque
s'approchant de l'observateur va apparaître plus lumineuse et présentera
également des longueurs d'ondes plus courtes (blueshift) à cause de l'effet
Doppler responsable de ces deux effets. Et inversement, la partie du disque
s'éloignant de l'observateur aura une luminosité plus faible avec un spectre
décalé vers le rouge (redshift).
Le phénomène de dilatation
du temps par la gravité (nommé aussi effet Einstein ou redshift gravitationnel)
est également présent près du bord interne du disque où l'on peut voir que le
disque s'assombri à cause de la diminution d'intensité et de fréquence des
rayons lumineux provenant des régions proches de l'horizon du trou noir (mais
toujours à l'extérieur de l'horizon du trou noir).
Le disque d'accrétion ne
touche pas l'horizon du trou noir, mais des effets de mirages gravitationnels du
disque d'ordres multiples sont visibles très près de l'horizon.
Signalons que ces simulations ont été en grande partie utilisées
dans
le film Interstellar.
Ensuite JPL nous parle de notre propre trou noir galactique,
Sagittarius A*, situé à 30.000 al de nous et d’une masse équivalente à 3 à 4
millions de masses solaires.
Le challenge actuel est d’essayer de « voir » ce trou noir, ou
plutôt son disque d’accrétion.
Ce sera le but ultime d’un télescope planétaire le EHT (Event
Horizon Telescope) associant de multiples radio télescopes situés sur toute
la planète.
JP Luminet nous montre ensuite l’effet du passage d’un trou noir
devant notre Galaxie à l’aide de diverses animations préparées par Alain
Riazuelo.
Pour faire sa simulation Alain Riazuelo est parti d'une
photo du ciel provenant de l'étude 2Mass en IR, la plupart des étoiles hors
de notre galaxie sont absentes, on remarque surtout les nuages de Magellan.
À cette image il a rajouté un catalogue d'étoiles connues (Henry
Draper ou HD).
Exemple de vision qu'on aurait de notre voie lactée en se
dirigeant vers un TN.
Toute étoile a une image secondaire par rapport au Trou Noir.
Une animation sur
les micro lentilles gravitationnelles (gif de 12MB), un TN passe devant la
voie lactée, que voit-on?
Et sur
YouTube.
Voyage à l’intérieur d’un trou noir.
Superbe animation que je ne retrouve pas sur le Net.
Y aurait-t-il une symétrie au trou noir?
Les équations de la RG l'implique, ce serait alors un "trou
blanc" ou une fontaine blanche.
La Science-Fiction nous a déjà fait voyager entre ces TN/TB grâce
à ces trous de ver (wormholes) sortes de raccourcis de l'espace-temps.
Notion introduite par J Wheeler en 1967.
Mais existent-ils?
On peut en tous cas les simuler mathématiquement.
LA
COSMOLOGIE RELATIVISTE.
Où on parle de modèle standard et de futur de l’Univers.
Pour arriver à la question : quelle est la taille et la forme de
l’espace.
Notre vue étant d'ailleurs limitée par l'horizon cosmologique.
Cette limite, similaire à l'horizon du marin en mer, provient du fait que la
vitesse de la lumière est finie et que donc certaines étoiles ont émis de la
lumière qui NE NOUS A PAS ENCORE ATTEINT.
Donc notre vue de cet univers observable, est limitée à l’âge de
l'Univers, approximativement 13 milliards d’al, c'est l'horizon cosmologique.
Ce n'est pas l'horizon réel de l'univers observable qui est PLUS
GRAND, en effet l'Univers a continué de s'étendre pendant le temps que la
lumière met à nous parvenir, cet univers réel est évalué à 50 milliards d'al.
Il y a trois cas de figure :
Hypothèse
1 : l'univers est infini : c'est le modèle préféré des astronomes, mais problème
: comment peut-on prouver que quelque chose est infini, c'est donc un modèle non
testable ce qui gêne les physiciens.
Hypothèse 2 : univers fini et sans bord, mais qui serait plus
grand que l'univers observable, c'est testable
Hypothèse 3 : univers fini sans bord et plus petit que l'univers
observable, c'est sur ce sujet particulier que travaille Jean Pierre Luminet et
son équipe. Dans cette hypothèse, ce que l'on voit dans le ciel, ne serait qu'un
mirage, l'univers nous donne l'illusion qu'il est plus grand qu'il n'est en
réalité.
Je laisse la parole de nouveau à Olivier :
La relativité générale est
une théorie locale permettant de relier localement la densité d'énergie et la
courbe locale de l'espace-temps mais elle ne permet pas de décrit la forme
globale de l'Univers.
Deux techniques sont
actuellement utilisées pour tenter de trouver une structure topologique dans
notre Univers observable.
La première technique
nommée cristallographie cosmique est basée sur les structures de l'Univers à
grande échelle (répartition des amas de galaxies) et la seconde technique
utilise l'analyse statistique des anisotropies du fonds diffus cosmologique émis
380 000 années après le big-bang.
Il faut rechercher ces
mirages cosmiques
en cherchant dans les cartes de WMAP et de Planck, des cercles corrélés (matched
circles en anglais) qui représentent des endroits mirages mais bien entendu on
ne peut pas chercher des images identiques, car ces mirages ne correspondent pas
forcément à la même époque et à la même vue d'un coin du ciel (c'est comme
chercher une personne en regardant des photos à différents âges et de
différentes positions, même de dos).
On recherche depuis des décennies à unifier RG et MQ, mais
jusqu’à présent sans grand succès.
Il y a bien quelques pistes : la théorie des cordes ou la gravité
quantique à boucles ou…..
Et on en arrive dans certaines théories à parler d’un….avant Big
Bang !
Bref encore un beau défi pour ce siècle.
Merci à JPL pour cette éblouissante présentation.
Quelques ouvrages de JP Luminet sur le sujet :
L’invention du Big Bang chez Points
Le destin de l’Univers chez Fayard.
L’univers chiffonné chez Folio
De l’infini avec MLR chez Dunod.
Après sa conférence JPL s’est plié à l’exercice des dédicaces au
plus grand plaisir du public.
POUR ALLER PLUS LOIN :
La Physique Étrange d’Interstellar (1/6) et les suivantes. Par JPL
Cosmic Topology : Twenty Years
After par JP Luminet.
L’Espace Dodécaédrique de Poincaré conforté pour expliquer la forme de l’univers
par l’Obs de Paris
Trous noirs et énergie sombre CR de la conf RCE de JP Luminet
Voyage autour et à l’intérieur d’un TN CR conf SAF (cosmologie) d’Alain
Riazuelo.
De l'infini, ciel, nombre matière et temps : CR de la conf. SAF de JP
Luminet le 13 Janv 2010
Le destin de l'Univers : CR de la conférence de JP Luminet à la SAF le 7
Février 2007
Prochaine conférence
mensuelle de la SAF :
Vendredi 16 Mars 2018 19H00
CONFÉRENCE D’ALAIN DORESSOUNDIRAM
Astronome Observatoire de Paris sur
«
À LA RECHERCHE DE LA PLANÈTE IX»
COMPLET
Entrée libre mais
réservation obligatoire.
(Vigipirate) À partir du 13 Janvier 2018 09H00
Bon ciel à tous
Jean Pierre
Martin Président
de la commission de cosmologie de la SAF
Abonnez-vous gratuitement aux astronews
du site en envoyant votre nom et e-mail.