Mise à jour 24 Mars 2018
CONFÉRENCE MENSUELLE
DE LA SAF
«Y A-T-IL UNE NEUVIÈME PLANÈTE DANS LE SYSTÈME SOLAIRE ?»
Par Alain
DORESSOUDIRAM
Astrophysicien
Planétologue au LESIA Observatoire de Paris
À TelecomParisTech
46 rue Barrault Paris 13.
Le Vendredi 16 Mars
2018 à 19H00 Amphi Thévenin
Photos : JPM pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution
peuvent m'être
demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.
Voir les crédits des autres photos et des animations.
Le conférencier a eu la gentillesse de nous donner sa
présentation, elle est disponible sur
ma liaison ftp et se nomme :
conf-planet9-saf.pdf, qui se
trouve dans le dossier CONF-MENSUELLES-SAF/ saison 2017-2018. .
Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent me
contacter avant.
Cette conférence a été filmée en vidéo (grâce à UNICNAM et IDF
TV) et est accessible sur Internet
On la trouve à cette adresse https://www.youtube.com/watch?v=wfLFNhtvODE&list=PL1ZHG2CIuv2fbjWk7QaeQdB2UUFyg2nAS
Alain Doressoundiram est
astrophysicien et planétologue au LESIA (Laboratoire d'études spatiales et
d'instrumentation en astrophysique) spécialiste du système solaire, et notamment
des corps lointains situés au-delà de Neptune.
Alain a publié avec son
collègue E Lellouch un ouvrage très intéressant chez Belin : «
Aux confins du système
solaire ».
Alain nous propose une vue
d’ensemble du système solaire, avec notamment les 3 ensembles d’objets en dehors
des planètes qui sont situés dans des bandes autour du Soleil :
·
La ceinture principale
d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter
·
La ceinture de Kuiper
au-delà de Neptune et
·
Le nuage d’Oort aux confins
du Système Solaire vers les 50.000 UA, siège des comètes à longue période
DES
CHIFFRES POUR COMMENCER.
Il commence par un quiz. Que représentent tous ces chiffres ?
Il
nous présente cette diapo avec une suite de nombres, c’est très intéressant ;
cela représente l’évolution du nombre de planètes de notre ciel au cours du
temps.
De l'Antiquité au Moyen Age, on comptait seulement 7 corps
mobiles dans le ciel.
Puis beaucoup plus, à l'époque de la lunette; en effet à cette
époque, même les satellites comptaient comme planète.
Puis on découvre Uranus, Neptune.
Au début du XXème siècle on en est à 8 planètes.
En 1930 Clyde Tombaugh découvre Pluton : et de 9 !
Patatra, en 2006, Pluton est déclassée on revient à 8 planètes.
On se rappelle de la découverte de Pluton :
C’est suite à un travail de fourmi de Clyde Tombaugh, embauché à
l’Observatoire Lowell (Flagstaff Arizona), que celui-ci découvre sur une
des plaques du blink
comparator, un petit point qui se déplace dans le ciel le 18 Février 1930.
L'orbite de Pluton est elliptique (30-50 UA), fortement inclinée
(17°), en résonance avec Neptune (3/2); sa période : 248ans.
Son gros satellite
Charon (dans la mythologie, Charon était celui qui transportait les morts
vers Hadès (le royaume des Morts) en leur faisant traverser la rivière Styx) a
été découvert en 1978 par J Christy, il est synchrone comme on pourrait s'en
douter.
Pluton n’a fait que perdre de la masse (dans les calculs
seulement) depuis sa découverte.
Quelques caractéristiques :
·
R Pluton / R Charon = 2
·
M Pluton / M Charon = 8,5
Pluton est couverte de glace d'eau, d'azote et de méthane, Charon
serait, elle, recouverte uniquement de glace d'eau. (albédo moyen 60%)
On découvre récemment deux autres satellites : Nix et Hydra puis plus tard les deux autres plus petits.
La sonde New Horizons visite le système de Pluton en 2015.
MAIS
PLUTON N’EST PLUS SEUL.
Dans les années 1930, F.C. Leonard pense qu'il peut y avoir
d'autres objets comme Pluton au-delà de l'orbite de cette dernière planète.
C'était une bonne idée.
C'est K. Edgeworth astronome irlandais en 1943 et
G Kuiper astronome américano-hollandais en 1951 qui donnent vie à cette idée.
Ils émettent indépendamment l'un de l'autre la possibilité de
l'existence d'une telle population, qui va prendre le nom de ceinture
de Kuiper.
On cherche de nouveaux objets dans cette zone-là, ils sont très
faibles en luminosité, on les appelle des TNO Trans
Neptunian Objects, on en trouvera de plus en plus; notamment 1992
QB1 qui sera le premier découvert par les célèbres David Jewitt et Jane. Luu
de Hawaï.
Il est à 41 UA magnitude ….23 , diamètre 240km.
Ces nouveaux objets très faibles sont découverts grâce à de
nouvelles caméras CCD comme
celle du CFHT.
On estime la population de ces objets situés entre 30 et 50 UA à
: 40.000 qui auraient un diamètre supérieur à 100km et 1 milliard d'objets de
taille cométaire.
La masse totale de cet ensemble étant relativement faible : 1/10
de la masse terrestre.
On voit ici les objets des différents disques de débris :
·
En bleu la ceinture principale entre Mars et
Jupiter
·
En rouge la ceinture de Kuiper avec les objets
transneptuniens (TNO) la position de Pluton étant marquée d’une croix
Ces objets sont les résidus de la formation du Système Solaire.
Il y a plus de 750.000 astéroïdes et plus de 2700 TNO.
Mais leur masse globale est très faible :
·
Approx 0,0005 masse Terre (0,05%)
·
Approx 1 à 10% masse Terre.
Illustration : MPC.
Il semble bien que les objets TNO soient compris dans deux
réservoirs : la ceinture
de Kuiper « classique » et une ceinture d’objets « épars ».
On s’en aperçoit en étudiant l’excentricité de ces corps en
fonction du demi grand axe. Sur le graphique on a aussi représenté les
différentes résonances avec Neptune.
La structure de la ceinture de Kuiper est très dynamique avec de
nombreuses résonances.
Excentricité en fonction du demi-grand axe (a) des TNO (objets
trans-neptuniens) et des centaures.
On remarque deux familles
d’objets :
·
Une famille
groupée, les objets classiques de faible excentricité et de a 35 à 48 UA et
·
Une famille
dispersée des objets épars de forte excentricité et dont le demi grand axe est <
à celui de Neptune.
Crédit : Sheppard et Trujillo.
On remarque aussi une troncature
vers les 48 UA appelée « falaise de Kuiper ».
Une explication que j’ai trouvée sur le Net concernant cette
diversité : Les objets se trouvant aujourd'hui dans la ceinture de Kuiper et le
nuage de Oort se sont très vraisemblablement formés dans la zone actuelle des
planètes géantes. Ils ont ensuite été repoussés à des distances héliocentriques
plus élevés suite aux interactions gravitationnelles avec les planètes géantes.
Une vue en échelle log
su système solaire jusqu’aux prochaines étoiles. (crédit : Olaf Frohn)
COMMENT
DÉFINIR UNE PLANÈTE.
À Prague en 2006, l’UAI a défini le mot planète et chassé
définitivement Pluton de cette catégorie.
Nous avons
souvent évoqué ce sujet, aussi je passe rapidement :
L'UAI a retenu pour les corps de notre système solaire 3
catégories possibles.
Résolution 5A :
1) Une planète est un objet céleste qui doit satisfaire les
critères suivants :
a)
L'objet doit être en orbite autour du Soleil.
b)
L'objet doit être suffisamment massif pour que sa propre gravité lui
donne une forme presque sphérique. (généralement objets > 800 km de diamètre)
c)
L'objet a "nettoyé" l'espace autour de lui (dû à sa forte gravité).
2) Une planète naine (dwarf planet) est un objet céleste qui doit
satisfaire les critères suivants :
a)
L'objet doit être en orbite autour du Soleil.
b)
L'objet doit être suffisamment massif pour que sa propre gravité lui
donne une forme presque sphérique. (généralement objets > 800 km de diamètre)
c)
L'objet n'a pas "nettoyé" l'espace autour de lui.
d)
N'est pas un satellite.
3) Tous les autres objets exceptés les satellites orbitant le
Soleil seront appelés petits corps (small solar system bodies) du système
solaire.
Avec ces critères, Cérès, Éris et Pluton ne sont pas des
planètes.
LES
SOUPÇONS D’UNE PLANÈTE SUPPLÉMENTAIRE.
·
Plusieurs anomalies dans la ceinture de Kuiper:
o
L’orbite de Sedna et des objets détachés (hors de
portée de Neptune)
o
Orbites très inclinées et très allongées
o
La présence de la troncature du disque (falaise
de Kuiper)
·
Pourraient être expliquées par la présence d’une
planète massive ou du passage rapproché d’une étoile au moment de la formation
du Système Solaire.
Mais toutes ces possibilités ne sont pas tous valables.
La plupart des KBO ont des orbites aléatoires, et c’est alors que
l’on remarque que les plus gros semblent avoir une orientation privilégiée, des
orbites anti-alignées.
Il se pourrait donc qu’une planète située plus loin, soit
responsable de cette particularité.
C’est le célèbre découvreur de petits corps, Mike Brown du
Caltech (le « tueur » de Pluton) et son collègue Konstantin Batygin, qui se
lancent dans une recherche par modélisation de cette possibilité et qui
finalement annoncent cette nouvelle le 20 Janvier 2016.
Cette planète aurait au cours du temps, éjecté les autres corps
dans d’autres directions ; ce qui a poussé A Morbidelli et son équipe de Nice à
faire des simulations qui semblent lui donner raison.
Ces simulations sont basées sur le modèle de système solaire
baptisé INPOP (Intégrateur Numérique Planétaire de l’Observatoire de Paris). Ce
modèle intègre près de 150.000 observations des planètes et des astéroïdes du
système solaire
Les orbites des six objets les plus lointains connus au-delà de
Neptune (en violet). Ils ont mystérieusement leurs périhélies regroupés dans la
même direction. Même, vus en 3D ils sont inclinés de façon identique par rapport
au plan de l’écliptique
Crédit: Caltech
Les orbites anti-alignées avec la Planète 9 seraient plus stables
que les autres.
Elles réduisent les rencontres avec la planète.
De plus de
nouveaux objets « extrêmes » ont été rajoutés à la liste, comme par exemple
2013 FT28.
Le gros avantage de cette probable planète 9 est qu’elle
expliquerait aussi
l’inclinaison de 6° du plan orbital des planètes par rapport à l’équateur
du Soleil.
La rotation du disque protoplanétaire à l’origine, définit un
plan privilégié pour les planètes.
Le plan orbital des planètes de notre Système Solaire devrait
donc être confondu avec l’équateur solaire.
Or, si les planètes sont dans un même plan (à 1° près) ce n’est
pas le cas pour le plan planétaire qui est décalé de 6°.
Pourquoi ?
Des calculs montreraient qu’une planète massive située loin dans
le Système Solaire et fortement inclinée sur l’écliptique (30°), pourrait
expliquer ce phénomène.
QUE
SAIT-ON DE LA PLANÈTE 9 ? OÙ EST-ELLE ? D’OÙ VIENT-ELLE?
Ce que l’on estime aujourd’hui :
·
5-20 masses terrestres (probablement. 10, Super
Terre ou Mini Neptune)
·
Magnitude: 22-25
·
Période orbitale: ~15 000-20.000 ans
·
a ~700 UA, périhélie et aphélie à 200 et 500-1200
UA
·
Inclinaison ~30° (18-48°)
Disons le tout de suite, cette hypothétique planète n’a PAS été
vue ; on a déduit après de savants calculs, modèles mathématiques élaborés et
hypothèses qu’elle devait exister.
La planète dont on suppose l’existence orbiterait le Soleil en 10
à 20.000ans.
Grâce aux modèles d’évolution INPOP et à la sonde Cassini, qui
nous permet de connaître la position de Saturne avec une précision de 100m (oui
cent mètres) ! On en déduit les zones du Système Solaire où on devrait chercher
cette possible planète.
En fait on exclue surtout une partie de son orbite, notamment les
2/3 dans ce cas.
Illustration : orbite possible de la planète 9, les zones rouges
et mauves sont interdites (par les données Cassini de respectivement 2014 et
2020), zone probable en vert.
Crédit : Laskar et Fienga. et al.
D’après A Doressoudiram, le meilleur instrument pour chercher
cette planète serait Subaru à Hawaï.
D’où proviendrait cette mystérieuse planète ? il y a plusieurs
possibilités.
·
Elle peut s’être formée sur place
·
Ce peut aussi être une exoplanète capturée lors
de l’enfance du Système Solaire
On n’en sait pas beaucoup plus.
Mais
FIN 2017,
UN DOUTE S’INSTALLE.
De nouveaux relevés profonds,
OSSOS (Outer Solar System Origins
Survey) au CFHT d’Hawaï ; consacrés aux TNO semble montrer qu’il existait un
biais de mesure dans ce qui a amené à introduire l’existence de la planète 9.
Ces biais une fois corrigés indiqueraient que ce qui a été trouvé sur les objets
anti alignés pouvaient aussi bien exister sans une planète 9.
Bref on est un peu dans le potage.
A Morbidelli y croit toujours, mais…
Bref on ne sait toujours pas, même si la NASA semble récemment
plaider pour
son existence.
Alors
Planet 9 or not Planet 9 ?
Il semble quand même que les soupçons qui pèsent sur son
existence soient solides.
Ce pourrait être une super Terre proche de son aphélie (700 UA),
une super Terre qui manquerait apparemment au Système Solaire alors que l’on en
découvre partout dans les systèmes extra solaires.
On continue à chercher et on espère beaucoup du
LSST (Large Synoptic Survey Telescope) au
Chili en 2023.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Pluton, les nouveaux mondes : CR de la conf IAP d’A. Doressoudiram du 2 Mai
2017
les confins du système solaire par A Doressoudiram CR conférence aux RCE
2008
From Le Verrier’s
calculations for the discovery of Neptune to the search of Planet 9,
Jacques Laskar
Les objets trans-neptuniens par l’Obs de Paris
The Dynamical
Structure of the Kuiper Belt and Its Primordial Origin par A Morbidelli H
Levisson et R Gomes
Looking for Planet Nine, Astronomers Gaze into the Abyss de Scientific
American
How the Debate Over a Distant Planet in the Solar System Has Evolved de la
Planetary Society
Solar System survey casts doubt on mysterious 'Planet Nine' de Nature.
L’hypothétique 9e planète pourrait avoir fait pencher l’ensemble du système
solaire
Curious Tilt of the Sun Traced to Undiscovered Planet du Caltech
Observational
constraints on the orbit and location of planet nine in the outer Solar system
par M. Brown & K Batygin
New Extreme Trans-Neptunian
Objects: Towards a Super-Earth in the Outer Solar System par S. Sheppard1 &
C Trujillo
Hunt for Planet 9 reveals extremely distant solar system objects d’Astronomy
Now
La ceinture de
Kuiper par D Jewitt et J Luu Pour la
Science 1996
Prochaine conférence
mensuelle de la SAF :
Vendredi 13 Avril 2018 19H00
CONFÉRENCE DE NICOLAS PRANTZOS
Astrophysicien IAP SUR
«VIE
INTELLIGENTE DANS L'UNIVERS ET LE DÉFI DES VOYAGES INTER-STELLAIRES.»
COMPLET
Entrée libre mais
réservation obligatoire.
(Vigipirate)
Bon ciel à tous
Jean Pierre
Martin Président
de la commission de cosmologie de la SAF
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